La question de savoir si les cartes ont été rebattues à trois mois des élections n'est pas encore ouvertement évoquée. L'Allemagne reste sous le choc d'une tragédie qui a fait au moins 103 morts.
Mais «maintenant que la question [du climat, ndlr] est de retour dans la campagne électorale, il est peu probable qu'elle disparaisse. Ce qui s'est passé cette semaine est trop grave pour cela», analysait vendredi l'hebdomadaire Spiegel, parlant d'une «catastrophe qui change la campagne».
Favori des sondages pour les élections du 26 septembre, le conservateur Armin Laschet dirige la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l'une des deux plus touchées par la tragédie, avec celle voisine de Rhénanie-Palatinat. Dans cette partie prospère de l'Allemagne, qui compte des métropoles comme Düsseldorf, Cologne et Bonn, des villages entiers ont été dévastés par les rivières sorties de leur lit.
Armin Laschet a d'ailleurs reçu une volée de bois vert pour des commentaires manquant de tact sur une chaîne de télévision allemande.
«Notre responsabilité»
«Le fait que des gens meurent dans un pays hautement industrialisé à cause de conditions météorologiques extrêmes [...] montre simplement que nous atteignons de plus en plus les limites de notre capacité d'adaptation», a mis en garde le météorologue Mojib Latif, chercheur à l'institut d'océanographie de Kiel, dans le quotidien Neue Osnabrücker Zeitung.
Les responsables politiques allemands de tous bords ont, eux aussi, immédiatement mis en cause les conséquences du réchauffement climatique, une célérité nouvelle pour certains caciques du parti conservateur. «'Qui est en mesure de nous protéger?', c'est la question qui jouera désormais un rôle essentiel» dans la campagne électorale, affirme le politologue Karl-Rudolf Korte, interrogé par la chaîne ZDF.
L'empressement de certains élus à se rendre dans les régions sinistrées a été épinglé par le codirigeant des Verts, Robert Habeck. «C'est maintenant l'heure des sauveteurs et non l'heure des politiciens qui se contentent de rester là en travers du chemin», a-t-il observé sur son compte Instagram.
«Notre propre responsabilité»
Les Verts sont désormais largement devancés par les conservateurs dans les intentions de vote, après une série de polémiques qui ont plombé la campagne de leur candidate Annalena Baerbock, l'autre cheffe du parti écologiste.
Si, dans l'émotion des événements, les Verts n'ont pas encore mis en cause frontalement les politiques climatiques menées durant les 16 années de l'ère Merkel, les activistes s'en sont chargés.
«Les conséquences catastrophiques des fortes pluies de ces derniers jours sont en grande partie de notre propre responsabilité», a critiqué Holger Sticht, président de la branche de Rhénanie-du-Nord-Westphalie du BUND, la fédération allemande pour l'environnement et la protection de la nature.
Il a notamment fustigé les constructions en zones inondables et le déboisement des pentes de basse altitude, qui empêche de retenir les pluies.
Impossible à prévenir
Pour la ministre de l'environnement de cette région, Ursula Heinen Esser (CDU), les bouleversements du climat sont les principaux facteurs du drame. Le défi est que nous devons parfois faire face à une sécheresse extrême et parfois à des pluies extrêmement fortes», a-t-elle déclaré au journal local Kölner Stadt-Anzeiger.
Le sol était «à peine capable d'absorber davantage d'eau en raison de la sécheresse des années précédentes et des précipitations des dernières semaines», a-t-elle estimé, affirmant que dans cette situation, il était «pratiquement impossible de réagir à court terme».
Les scientifiques sont plus sévères. Pour Hannah Cloke, professeur d'hydrologie à l'université britannique de Reading, «le fait qu'autant de personnes meurent dans des inondations en Europe en 2021 représente un échec monumental du système».
«La cause de ces fortes pluies semble être un convoyeur d'air chaud et humide en provenance du nord, qui a déversé d'énormes quantités d'eau sur un sol déjà humide», explique-t-elle. Or, «ces torrents de pluie estivaux soudains et à haute énergie sont exactement ce que nous anticipons d'un climat qui se réchauffe rapidement».
(ATS)