«J'espère que tu mourras de chagrin»
La grand-tante du petit Grégory à nouveau dans le viseur de la justice

Près de 41 ans après le meurtre du petit Grégory, sa grand-tante Jacqueline Jacob est à nouveau entendue par la justice. Soupçonnée d’avoir été l’un des «corbeaux» menaçant la famille Villemin, elle pourrait être mise en examen.
Publié: 05:13 heures
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41 ans après le drame, la grand-tante du petit Grégory est réentendue.
Photo: PHOTOPQR/L'EST REPUBLICAIN/MAXPPP
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AFP Agence France-Presse

Plus de 40 ans après le meurtre du petit Grégory, sa grand-tante est une nouvelle fois entendue par la justice vendredi, soupçonnée d'être l'un des corbeaux qui a menacé la famille des années durant, une accusation «lunaire», selon sa défense. Jacqueline Jacob, 81 ans, dont l'époux Marcel est un frère de la grand-mère du petit garçon, est interrogée à partir de 10H00 à la cour d'appel de Dijon, chargée de l'enquête sur l'un des crimes non résolus les plus emblématiques de France.

L'octogénaire, déjà soupçonnée en 2017, subit sa seconde audition après 41 ans d'une enquête chaotique sur l'assassinat de Grégory Villemin, retrouvé noyé pieds et mains liés à l'âge de 4 ans, le 16 octobre 1984, dans une rivière des Vosges.

A l'issue de cet interrogatoire, elle est susceptible d'être mise en examen pour «association de malfaiteurs criminelle». Déjà en 2017, Jacqueline Jacob avait été poursuivie, cette fois pour «enlèvement et séquestration suivie de mort», et même emprisonnée durant quatre jours. Cette mise en examen avait cependant été annulée en mai 2018, mais pour un simple vice de forme, dans un énième couac de cette laborieuse enquête.

Des années de menaces

La grand-tante est soupçonnée d'être l'un des corbeaux – il y en aurait cinq selon une expertise – qui ont menacé pendant des années la famille Villemin. Elle aurait également revendiqué le crime, selon les juges enquêteurs.

La famille Villemin avait reçu des dizaines de lettres et appels anonymes dans les années précédant la mort de Grégory. La réussite du jeune père du garçonnet, Jean-Marie Villemin, vite monté contremaître dans son usine et vivant dans une «belle maison», suscitait les jalousies. Jacqueline Jacob, déléguée CGT, l'aurait traité de «chef de mes couilles» en 1982, selon des témoins. Les époux Marcel et Jacqueline Jacob ont nié toute haine.

Selon l'arrêt du 18 juin dernier ordonnant l'interrogatoire de Jacqueline Jacob, et que l'AFP a pu consulter, des expertises graphologiques datant de 2017, puis stylométriques – qui s'attachent à l'orthographe et les tournures de phrases – de 2021 et 2023, attribuent à Jacqueline Jacob trois courriers anonymes de 1983, dont celui du 4 mars qui menace directement les Villemin. «Je vous ferez votre peau», y était-il écrit.

La stylométrie soutient de plus «très fortement l'hypothèse» que Mme Jacob a écrit la lettre du 16 octobre 1984 revendiquant le crime. «J'espère que tu mourras de chagrin le chef (...) Voilà ma vengeance. Pauvre con», disait le courrier. Elle serait également à l'origine de l'appel téléphonique anonyme de revendication passé le même jour.

De «Pseudos expertises»

«Je pense avoir reconnu» sa voix, avait déclaré son beau-frère, René Jacob, après avoir écouté un enregistrement d'un corbeau devant les gendarmes le 2 août 2022. Dès le début des investigations, les enquêteurs avaient pointé du doigt la haine farouche entre les Jacob et les Villemin, faite de jalousies ancestrales.

En 2017, lors de sa première mise en examen, Jacqueline Jacob avait proclamé sa «totale innocence». Aujourd'hui, les arguments des juges enquêteurs sont tout aussi «surréalistes et lunaires», résume pour l'AFP Frédéric Berna, l'un de ses avocats, promettant de contester toute mise en examen.

La défense de Jacqueline Jacob dénonce notamment des «pseudos expertises en stylométrie», une méthode nouvelle dont la fiabilité doit encore être prouvée, et souligne que le procureur général de Dijon lui-même, Philippe Astruc, estime que les arguments à charge «ne suffisent pas à constituer des indices graves ou concordants» justifiant une mise en examen, même s'ils «interrogent légitimement sur la participation de Jacqueline Jacob à la réalisation de certains écrits et appels anonymes».

Philippe Astruc a notamment souligné qu'une expertise de 1991 avait attribué la lettre de revendication du crime, non pas à Jacqueline Jacob, mais à Bernard Laroche, cousin du père de Grégory qui avait été inculpé par la justice, puis tué par Jean-Marie Villemin. En 2017, Mme Jacob était restée muette lors de son audition. Ce vendredi, «acceptera-t-elle de dire ce qu'elle sait sur la mort de Grégory?», se demande auprès de l'AFP Me François Saint-Pierre, un des avocats des parents de Grégory. «Ce serait, à notre sens, la seule attitude digne de sa part.»

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