Mark Carney, 60 ans, est-il le dirigeant politique qui peut faire perdre la face à Donald Trump? Le Premier ministre canadien sortant, assuré d’être reconduit après le succès de son parti Libéral aux législatives, est en tout cas le mieux placé pour s’opposer au locataire de la Maison-Blanche, qui fête cette semaine ses 100 jours de présidence. Un Président américain que le chef du gouvernement canadien a accusé de «trahison» envers son pays à l'annonce de sa victoire électorale.
Plusieurs raisons mettent en effet Mark Carney aux avants postes de la résistance politique, mais aussi économique, commerciale et diplomatique à Trump, même si les liens ombilicaux entre le Canada et les Etats-Unis interdisent toute sortie de route.
L’échec de Trump
La première raison est l’échec total des appels lancés par Donald Trump aux électeurs canadiens. A plusieurs reprises, l’ancien promoteur immobilier new-yorkais a répété son désir d’accueillir le Canada comme un nouvel Etat. Il l’a encore redit le jour du scrutin, alors que les Canadiens déposaient leurs bulletins de vote dans les urnes. Résultat? Nul. L’Amérique de Trump ne séduit pas ses voisins les plus immédiats. Pire, elle est un repoussoir. «Notre relation est terminée. C'est tragique, mais c'est la réalité. Le président Trump tente de nous briser pour nous posséder» a asséné Mark Carney. De fait: c’est une Amérique isolée, agressive, chaotique que Trump incarne aujourd’hui, ce qui ne veut pas dire qu’il n’obtiendra pas de résultats sur le plan économique. Carney, lui, a su résister. Cet ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre connaît par cœur les marchés financiers. Sa voix sera donc écoutée, notamment au prochain sommet du G7 qui se tiendra justement du 15 au 17 juin en Alberta, au Canada!
L’UE, cet allié précieux
La seconde raison est le rapprochement prometteur entre le Canada et l’Union européenne. Même s’il reste impopulaire dans certains pays plutôt allergiques au libre-échange comme la France, l’accord CETA signé le 30 octobre 2016 et entré en vigueur partiellement à partir du 21 septembre 2017 est un très bon instrument pour rapprocher les économies de l’UE et du Canada. Leurs échanges ont atteint presque 100 milliards d'euros en 2023 (contre 746 milliards avec les Etats-Unis). Que va faire Trump en rétorsion? Ressortir l’arme des tarifs douaniers bien sûr. Mais pour le Canada, cette alliance transatlantique vaut bien plus que des milliards de dollars. Elle signifie qu’Ottawa peut compter aussi sur le soutien des alliés européens de l’OTAN, déjà très inquiets des vues de Trump sur le Groenland. Mark Carney a un bouclier anti-Trump.
Le Canada, base arrière anti Trump
La troisième raison tient au profil des deux hommes. L’intérêt objectif de Mark Carney, en bon banquier central, est de ne pas provoquer les Etats-Unis et leur Président. On peut lui faire confiance pour arrondir les angles maintenant qu’il dispose d’une incontestable légitimité politique. Reste qu’en cas de confrontation publique, ou de menace trumpiste, sa voix pourra faire la différence. Mark Carney a l’oreille des marchés financiers. Il connaît tous les grands banquiers centraux de la planète. Ces derniers lui demanderont certainement conseil. Le Premier ministre canadien voit aussi, ces temps-ci, affluer vers son pays des universitaires et intellectuels américains ulcérés de la politique de Trump.
Le Canada va-t-il devenir la base arrière de la riposte politique à Trump, incarnée pour l’heure, entre autres, par l’octogénaire Sénateur du Vermont Bernie Sanders. Le Vermont? Un Etat américain frontalier du Canada, justement…