Répression ou appel au calme? Cartographie alarmiste de l’emprise des Frères musulmans dans les quartiers, ou mise en évidence, au contraire, de tous ceux qui résistent et pratiquent un islam modéré compatible avec la République laïque? La France est prise en ces deux feux depuis la divulgation, mercredi 21 mai, d’un rapport explosif.
Ce rapport sera publié en fin de semaine, sans doute expurgé, même si on peut déjà en trouver une version sur internet. Son point fort qui suscite le débat est qu’il contient des informations jusque-là réservées aux services de renseignement. Il démontre surtout, et c’est le point le plus sensible, que la loi adoptée en 2021 pour «conforter le respect des principes de la République» est contournée par les Frères musulmans et les associations qui gravitent autour de cette confrérie sunnite, fondée en 1928 en Egypte par le grand-père de Tariq et Hasni Ramadan, tous deux citoyens suisses.
Séparatisme musulman
Officiellement, cette loi votée pour endiguer le «séparatisme musulman» a permis la fermeture de 741 lieux de culte islamiques et foyers associatifs. Motif? Leurs activités et leurs plaidoyers contraires à la laïcité, en particulier sur trois terrains: l’incitation au port du voile par les musulmanes (interdit en France dans les établissements scolaire et les bureaux administratifs), la captation des financements caritatifs, et les liens opaques entre certaines activités religieuses et des faits criminels, notamment le narcotrafic.
Pour faire simple: les Frères musulmans sont accusés de se comporter, non en responsables religieux respectueux de la laïcité, mais en «affairistes aux méthodes discutables qui utilisent les réseaux sociaux pour faire notamment régner leur ordre islamique chez les jeunes filles». Le rapport accuse ainsi «la plate-forme TikTok d’être devenue pour la sphère islamiste l’un des viviers d’audience les plus conséquents, où les contenus émis par les influenceurs islamistes sont d’autant plus viraux qu’ils intègrent parfaitement les règles du marketing digital».
Une France fragilisée
La question est de savoir si ces réalités constatées par les services de sécurité sont comparables à celles vécues par d’autres pays européens voisins, ou si la France est davantage fragilisée au sommet de l’Etat. C’est cet «entrisme» qui fait peur et qui inquiète Emmanuel Macron. Le président français, qui ne peut pas se représenter pour un troisième mandat après mai 2027, est pris en étau entre la communauté musulmane (six millions de personnes) et la droite présente au gouvernement, où le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau compte bien marquer des points dans l’opinion par une confrontation ouverte avec l’Algérie et la nébuleuse islamiste.
La thèse de ce catholique convaincu qui a commencé sa carrière auprès du politicien réactionnaire de Vendée Philippe de Villiers? La laïcité et la séparation de l’Eglise et de l’Etat ne protègent plus les Français face à l’islam politique. Sa volonté? Aller de l’avant avec des mesures préventives comme la fermeture d’un bon nombre des 139 mosquées ciblées dans le rapport comme «proches des Frères musulmans». Son credo pour l’avenir? Empêcher le plus possible des musulmans proches de cette organisation d’accéder à des postes électifs ou à des responsabilités associatives qui leur permettent d’embrigader les fidèles et de les inciter à multiplier les incidents avec le port du voile, ou celui du burkini dans les piscines. Pour bien marquer leur territoire…
Se défendre
Et maintenant? Puisqu’elle doit se défendre, la République française répond comme elle le fait toujours: par de nouvelles propositions de loi. Bruno Retailleau, tout juste élu président du parti de droite Les Républicains, est ainsi favorable à un nouveau texte qui serait spécifiquement destiné à lutter contre «l’entrisme». Il créerait un «délit de communautarisme» qui semble bien difficile à cerner. L’autre ambition du ministre, et de son collègue de la Justice Gérald Darmanin est d’imposer l’interdiction du voile dans l’espace public, c’est-à-dire dans la rue. Le tout, en s’efforçant de repérer et d’expulser les imams étrangers problématiques, même si le cas de l’imam Iquioussen, en 2023, a démontré combien cela est compliqué.
Lutter. Se défendre. Riposter. La République laïque paie sans doute le prix d’avoir trop laissé faire, et trop fermé les yeux. Mais elle fait face à un problème: l’instrumentalisation de la dénonciation de l’islamophobie qui donne du grain à moudre aux islamistes pour faire campagne et s'implanter encore plus dans les mosquées…