C’est un rapport de 73 pages qui tire la sonnette d’alarme. Remis ce mercredi 21 mai au ministre de l’Intérieur français Bruno Retailleau – tout juste élu président du parti de droite «Les Républicains» – il décrit l’influence croissante des Frères musulmans et de l’islamisme politique dans le pays, et leur infiltration dans tous les rouages de la République.
Explosif? Oui. La preuve: Emmanuel Macron a demandé aussitôt au gouvernement de formuler de «nouvelles propositions» au vu de la «gravité des faits». Un Conseil de défense dédié se tiendra au début du mois de juin.
Estampillé «secret»
La force de ce document est en effet qu’il s’appuie, outre sur les travaux d’universitaires ou de chercheurs, sur une documentation confidentielle fournie par les services du renseignement intérieur. Il est d’ailleurs estampillé «secret» dans sa version originale, à laquelle les médias n’ont pas eu accès.
Que dit-il? Trois choses déjà connues, mais cette fois beaucoup plus étayées. 1. Les mosquées contrôlées par les Frères musulmans sont de plus en plus nombreuses en France 2. Les établissements scolaires privés sont la cible privilégiée de la confrérie sunnite qui mise sur la jeunesse musulmane 3. La volonté de dissimulation de leurs activités est permanente chez les Frères musulmans, qui se cachent derrière des associations de complaisance.
La France compte environ six millions de musulmans, soit 10% de sa population, la plus importante communauté islamique d’Europe occidentale. Il est donc logique qu’une organisation comme les Frères musulmans, créée en Egypte en 1928 par le Cheikh Hassan Al-Banna – grand-père de Tariq et Hasni Ramadan, citoyens suisses – cherche à s’implanter et qu’elle compte des dizaines de milliers de fidèles. L’élément problématique est que la République française est laïque.
Stratégie de confrontation
Or, selon ce rapport, les Frères musulmans ont développé depuis plusieurs années une stratégie de confrontation permanente avec cette laïcité, en utilisant l’arme de «l’islamophobie», et des outils sociaux comme les réseaux d’approvisionnement en nourriture halal. «Prenant racine dans des quartiers à majorité musulmane généralement paupérisée, le plus souvent territoire d’intervention prioritaire de la politique de la ville, ils répondent à des besoins de la population», note le rapport, longuement cité par «Le Figaro».
L’élément nouveau de cette enquête fouillée est qu’elle met le doigt sur la volonté d’emprise des Frères musulmans. Leurs associations se révèlent vite être des carcans. Les fidèles se retrouvent embrigadés. Des questions comme le port du voile – réglementé en France depuis la loi de 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires à l’école, et celle de 2010 prohibant la dissimulation du visage dans l’espace public – sont instrumentalisées.
L’infiltration humanitaire
«Les religieux influent tous azimuts dans les domaines caritatifs, humanitaire et éducatif», note le document remis au ministère de l’Intérieur. Celui-ci va plus loin: «Des sujets comme la famille, le mariage, l’insertion professionnelle, la protection des consommateurs, le service à la personne, la formation pour adultes» constituent des instruments de pénétration sociale.
Autre point très polémique: l’influence croissante de l’islam rigoriste et fondamentaliste des Frères musulmans ne passe plus en priorité par les prédicateurs masculins. Les jeunes femmes sont une cible de choix. «On constate une rigorisation de la pratique religieuse avec un nombre très élevé de jeunes filles portant l’abaya et l’augmentation visible et massive de petites filles portant le voile», dénonce le rapport selon lequel «l’emprise commence dès l’âge de 5 ou 6 ans».
Le débat sur la présence en France des Frères musulmans a été très vif lors de l’affaire Tariq Ramadan, le prédicateur genevois condamné en appel pour viol à Genève en septembre 2024. Ce dernier sera jugé en France pour des faits similaires en mars 2026. Depuis deux ans, au fil de la guerre à Gaza, les critiques fusent aussi sur le parti de gauche radicale «La France insoumise» (LFI) accusé de miser sur l’islamisme politique, dont son chef Jean-Luc Mélenchon espère tirer profit.