Offensive réussie. Bruno Retailleau (64) est le nouveau patron de la droite française. Elu ce dimanche 18 mai président du parti Les Républicains, le ministre français de l’Intérieur confirme sa main mise sur le camp conservateur, après avoir longtemps joué les seconds rôles comme Sénateur de la Vendée. Si sa stratégie fonctionne, ce qui reste à voir, il se retrouve en pole position pour être le candidat de la droite traditionnelle à la prochaine élection présidentielle, en mai 2027.
Difficile, toutefois, d’atteindre ce but ultime sans apporter des réponses concluantes aux cinq questions qui entravent encore son ascension. Car sa victoire face à Laurent Wauquiez, dans les faits, n’est qu’une première manche.
Retailleau, ministre ligoté
C’était l’angle d’attaque le plus percutant de son adversaire Laurent Wauquiez (50), ancien président de la région Rhône-Alpes Auvergne, et à ce titre familier de la Suisse romande. Bruno Retailleau reste pour le moment ministre de l’Intérieur, ce qui lui assure une forte visibilité politique et médiatique. Mais tant qu’il est à ce poste, et qu’il cumule sa fonction ministérielle avec la présidence du parti, il est ligoté. Son patron est le chef du gouvernement François Bayrou. Avec, encore au-dessus de lui, le président Emmanuel Macron. Impossible de faire cavalier seul, d’autant que le gouvernement ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale. Bien que victorieux, Retailleau se retrouve pris au piège de l’adage fameux: «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne».
Retailleau, quel projet?
L’ordre. La discipline. La sécurité. Ces trois mots constituent le triptyque du ministre de l’Intérieur, et c’est normal. Depuis son accession à ce poste, en septembre 2024, Bruno Retailleau a surfé sur ces trois thèmes. Mais à part ça, quel projet pour le pays? Est-il libéral? Est-il prêt à proposer des coupes budgétaires sérieuses pour remédier au déficit public chronique de la France? Que peut-il offrir à ses partenaires au sein du gouvernement centriste dirigé par François Bayrou? Pour lui, le travail de fond commence.
Retailleau, loin derrière Le Pen
Bruno Retailleau rêve de rééditer l’exploit présidentiel de Nicolas Sarkozy en 2012. Celui-ci avait alors réussi à attirer sur son nom les électeurs de l’extrême droite et cela lui avait permis de remporter la présidentielle face à la socialiste Ségolène Royal. Rien de comparable aujourd’hui. Le Rassemblement national est bien mieux implanté, et bien plus fort politiquement que le Front national de l’époque. Chez les électeurs de droite, toutes catégories confondues, Marine Le Pen et Jordan Bardella, les deux candidats présidentiels du RN, ne sont plus rejetés. Au contraire: l’ancien président des Républicains Eric Ciotti les a rejoints pour les législatives anticipées de 2022. Il présidait alors Les Républicains, le parti héritier du gaullisme. C’est dire…
Retailleau, les migrants et après?
Ces dernières semaines, Bruno Retailleau s’est fait remarquer par ses positions musclées sur les renvois de migrants clandestins, un «créneau» également occupé par le ministre de la Justice (et ex LR) Gérald Darmanin. Il a déclaré la guerre politique et diplomatique à l’Algérie, qui refuse d’accepter ses citoyens expulsés de France. Problème: plus il va s’aventurer sur d’autres terrains, tels que l’économie ou les questions sociétales, plus ce catholique pratiquant risque de diviser. Une partie de l’électorat de droite modéré a en effet opté depuis plusieurs années pour Emmanuel Macron, en raison de sa défense de l’entreprise et de l’attractivité économique de la France. Comment inverser cette tendance alors que deux candidats potentiels vont chasser sur les terres de Macron: l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, et l’actuel chef du gouvernement François Bayrou?
Retailleau, un Fillon bis
C’est le grand risque pour le ministre français de l’Intérieur. A bien des égards, Retailleau ressemble à François Fillon, battu en 2017 au premier tour de la présidentielle, alors que les sondages le donnaient gagnant au début. Fillon (condamné depuis par la justice) était un catholique conservateur. Il promettait un agenda économique libéral. Mais il s’est retrouvé enlisé dans une affaire de détournement de fonds publics. Désormais, le nouveau président des LR va se retrouver sous les projecteurs des médias. Peut-il conjurer le syndrome de la défaite, dans une France majoritairement à droite selon les sondages?