Cheval, faux ongles et politique
Giulia Sarkozy, une désarçonnante népo-baby influenceuse

À 14 ans, la fille de Nicolas Sarkozy et Carla Bruni est très active sur les réseaux sociaux, tant pour défendre son père que pour promouvoir des prothésistes ongulaires. Une première dans la vie politique française, qui suscite des réactions très polarisées.
Publié: 25.10.2025 à 08:15 heures
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A 14 ans, Giulia Sarkozy est très active sur les réseaux sociaux.
Photo: Getty Images
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Margaux BaralonJournaliste Blick

«Voilà les filles, regardez! J’ai fini les extensions, trop trop star! Regardez, des petites paillettes. C’est magnifique, vraiment.» Devant la caméra (qui bouge beaucoup trop), une jeune fille blonde en crop-top noir montre ses longs cheveux lisses.

Difficile de lui donner un âge tant la vidéo est filtrée mais son visage a encore les traits ronds de l’enfance, avec lesquels faux-cils et faux-ongles tranchent quelque peu. Un contenu comme la plateforme TikTok en contient des millions, à un détail près: cette utilisatrice est la fille d’un ancien président de la République française.

Grandir sous l'air TikTok

Giulia Sarkozy, qui vient de fêter ses 14 ans, est une anomalie de la vie politique tricolore. Dernière des quatre enfants de Nicolas Sarkozy, née en 2011 de l’union de ce dernier avec Carla Bruni, elle est la seule de toute la cinquième République française à avoir vu le jour pendant que son père était en exercice. La seule aussi, logiquement, à grandir à l’ère de TikTok et de la mise en avant permanente de l’image de soi.

Certes, les plus attentifs aux fantaisies de nos voisins se souviendront que Louis Sarkozy, dix ans lorsque son père est arrivé au pouvoir, a passé son adolescence à s’écharper sur le réseau social X, alors encore appelé Twitter, avec Léonard Trierweiler, fils de Valérie, ancienne compagne de François Hollande. Mais il n’y avait à l’époque pas d’images ni de vidéo postées à tout va. Et cela change tout.

Une communication non contrôlée… et rare

Car celles de Giulia Sarkozy interpellent. Son compte Instagram est celui d’une passionnée d’équitation, avec principalement des vidéos de sa jument, Valentine Dudelta, une ponette grise que ses parents lui ont offerte l’année dernière et avec laquelle elle concourt un peu partout.

Mais entre les photos du couple survolant des obstacles ou se faisant des câlins dans des prés ensoleillés, qui sont l'œuvre d’un travail commun avec une community manager, l’adolescente fait la promotion de prothésistes ongulaires ou d’esthéticiennes spécialisées dans les faux cils. Et sur TikTok, ses mises en scènes mi-drôles, mi-ridicules, qui ne sont de toute évidence pas encadrées, produisent des images brutes rares pour une nepo-baby d’une telle envergure.

Sans compter que l’adolescente s’aventure aussi du côté de la politique. D’ailleurs, Giulia Sarkozy passait relativement inaperçue sur les réseaux jusqu’à ce qu’elle aborde ce sujet dans l’un de ses lives TikTok, devenu viral en mars dernier. «Mon père n’a jamais été en prison», s’énerve-t-elle pendant que des internautes lui posent des questions via un chat. «Certes, il a le bracelet électrique (sic) mais il va l’enlever très bientôt et ceux qui le lui ont mis vont payer, moi je vous le dis.»

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Et la benjamine de la fratrie Sarkozy de dénoncer une «mise en scène de connards» avant d’enfoncer le clou: «Kadhafi? Mais arrêtez de me saouler avec ce mec s’il-vous-plaît. Kadhafi, tout mon respect, reposez en paix, je ne connais pas l’histoire donc je ne peux pas donner mon point de vue dessus.»

Alors que Nicolas Sarkozy est à l’époque soupçonné – il a depuis été condamné – d’avoir financé sa campagne électorale de 2007 grâce à des fonds émanant de l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, la vidéo de sa fille, supprimée du réseau social mais toujours visible par exemple ici, provoque un mélange d’hilarité et d’énervement.

Bourgeoise…

C’est qu’une adolescence aussi privilégiée et exposée aux yeux de tous, dans une société française gangrenée par les inégalités sociales, cela passe mal. Outre la pratique de l’équitation, activité déjà étiquetée bourgeoise, Giulia Sarkozy expose ses selles Hermès, le sac Fendi flambant neuf reçu pour ses 14 ans ou encore ses vacances aux Maldives avec ses copines.

Dans un portrait que «Paris Match» lui consacre en marge de sa participation à un prestigieux concours hippique dans la catégorie enfant, on apprend que son samedi parfait consiste à «faire du shopping, aller chez le coiffeur, se faire faire les ongles ou les cils, manger au restaurant et aller au cinéma». Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les internautes qui soulignent la situation ultra-privilégiée de la jeune fille.

«
Comment ça 14 ans? Elle est déjà maquillée comme une voiture volée
»

Mais celle qui a fait sa rentrée dans une école internationale il y a quelques semaines n’est pas critiquée uniquement parce que ses contenus sont analysés avec un prisme politico-marxiste. En réalité, c’est aussi son apparence physique qui est pointée du doigt. Avec ses faux ongles, ses faux cils et ses extensions de cheveux, quand elle n’est pas tout simplement en boîte de nuit, bouteille d’alcool à la main, Giulia Sarkozy adopte un style et des comportements que de nombreux internautes trouvent trop sexualisés ou déplacés pour une adolescente. Petit florilège: «Attends, 14 ans et t’es autant maquillée? C’est chaud non?», «retire le nom et l’âge, je donne 23-24 ans. Les parents devraient mieux encadrer», «Comment ça 14 ans? Elle est déjà maquillée comme une voiture volée.»

…et «pouffe»

Le jugement s’étale jusque dans la presse. L’hebdomadaire «Marianne» s’est ainsi fendu il y a un mois d’un article intitulé «Comment faire pour que votre fille ne devienne pas une pouffe?», dont l’accroche est entièrement dédiée à la fille de Carla Bruni. Fustigeant sa «gestuelle de bombasse», pointant une «esthétique de la pétasse» avec des «lèvres plus grasses que pulpeuses», la journaliste à l’origine de cette envolée misogyne fait de la jeune fille le symbole d’une adolescence féminine à la dérive, pervertie par les réseaux sociaux.

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Il n’en fallait pas plus pour mettre vent debout de nombreux mouvements féministes, outrés par le traitement très violent réservé à celle qui est certes la fille de son père, mais avant tout une simple adolescente de 14 ans. «Le magazine ne pose pas une question éducative, il trace une frontière symbolique: d’un côté, la respectabilité qu’il faudrait restaurer; de l’autre, la vulgarité qui menacerait l’ordre social», analyse ainsi le compte Instagram militant Adelphité France. «On ne demande jamais ‘comment faire de votre garçon un homme respectable’. Les fils échappent à ce type d’interrogation car leur comportement n’est pas érigé en symptôme du déclin collectif.»

Voilà donc l’espace inconfortable où se trouve Giulia Sarkozy: au croisement des tendances du moment sur les réseaux sociaux et d’une attention médiatique intégralement liée à son nom de famille, menant la vie grand train tout en étant fustigée tant par les adversaires politiques de son père que par les conservateurs gardiens des bonnes mœurs.

Communicante quoi qu’il arrive

Qu’elle le veuille ou non, l’adolescente est aussi une arme de communication. Lorsqu’elle répond aux questions de l’hebdomadaire «Paris Match», c’est d’ailleurs sa mère, Carla Bruni, qui autorise et encadre l’interview. «Je joue les agents pour ma fille, j’ai trouvé mon nouveau métier!», lance cette dernière, enthousiaste. Inutile de dire que les époux Sarkozy seront présentés comme des parents modèles, quand bien même Giulia reconnaît que leur «notoriété peut être un poids» pour elle.

«
Je t’aime à l’infini, tu es le plus fort des papas du monde
Giulia Sarkozy
»

Les récents déboires judiciaires de Nicolas Sarkozy ont permis de mesurer une nouvelle fois le rôle de la famille en général, et des jeunes enfants en particulier, dans la communication politique. Avec l’ensemble de sa fratrie, Giulia Sarkozy est apparue, sans maquillage ni vêtements extravagants mais avec le visage grave, devant la prison de la Santé mardi, jour de l’incarcération de son père après sa condamnation pour association de malfaiteurs. Quelques heures plus tôt, elle avait posté une story avec un selfie en duo et une légende enfantine: «Je t’aime à l’infini, tu es le plus fort des papas du monde.»

Souvent utilisés pour adoucir ou humaniser une image détériorée, à l’instar d’un Donald Trump qui fait monter sa petite-fille sur scène pendant sa campagne par exemple, les enfants permettent aussi de souligner la stabilité d’une personnalité politique. Dans la vraie vie et devant les caméras de télévision, Giulia Sarkozy ne fait pas exception. Sur les réseaux sociaux en revanche, il faut bien que jeunesse se passe. Ce qui a changé, c’est que désormais, tout le monde en est témoin.

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