Ce n'est pas ainsi que l'Ukraine s'était imaginée le deuxième anniversaire de la guerre. Au lieu d'annoncer leur succès, les images et récits d'horreur sur la chute de la petite ville d'Avdiivka font le tour du monde. La victoire sanglante des Russes dans la bataille pour la ville du charbon, qui dure depuis des mois, est un véritable succès symbolique pour Vladimir Poutine.
La bataille d'Avdiivka a révélé au monde trois vérités sur la guerre en Ukraine:
Le moral des Ukrainiens baisse
Russes et Ukrainiens se sont affrontés sans relâche pour Avdiivka depuis l'incursion russe dans le Donbass en 2014. Des milliers d'Ukrainiens ont perdu la vie en défendant la ville. Viktor, 26 ans, un soldat de la 110e brigade de l'armée ukrainienne, raconte son vécu à Blick, via un traducteur sur place.
Le soldat a dû tenir avec son unité, pendant 620 jours d'affilée, une position dans la ville sans aucune pause. «Il n'y avait pas de rotation, presque personne n'avait de congé. Ce n'était pas seulement difficile sur le plan psychique, nous étions aussi complètement épuisés physiquement» raconte le soldat.
Viktor et les autres survivants de la bataille sont particulièrement affectés par le sort de six collègues blessés qu'ils ont dû laisser dans leur cachette à Avdiivka. «On nous avait promis qu'on les sortirait de là. Nous y avons cru jusqu'au bout.» Lorsque les Russes se sont rapprochés et qu'un des collègues de Viktor a demandé de l'aide par téléphone, le commandant lui a dit: «Laissez les blessés, brûlez tout.»
Dans une vidéo apparue le lendemain de la prise d'Avdiivka, on peut voir les corps des six hommes. Des soldats russes les avaient exécutés. Un porte-parole de l'armée a démenti à Blick les informations selon lesquelles des centaines d'Ukrainiens auraient été capturés par les Russes lors de la prise d'Avdiivka.
Malgré tout, le cas d'Avdiivka montre à quel point les soldats ukrainiens de première ligne sont dépassés par la situation sur le front et à quel point le président Volodymyr Zelensky manque cruellement de soldats pour prendre la relève des troupes fatiguées. La nouvelle vague de recrutement commanditée par les forces armées, qui devrait apporter 500'000 nouvelles recrues, est actuellement bloquée au Parlement ukrainien.
Les Russes continuent de miser sur la tactique des «vagues humaines»
Le nombre de Russes qui a perdu la vie pour conquérir la petite ville reste un mystère. Le blogueur militaire russe Andreï Morozov, qui s'est suicidé cette semaine, a parlé d'au moins 16'000 morts depuis octobre. Les forces armées ukrainiennes affirment que près de 47'000 Russes ont été tués ou blessés lors de l'assaut sur la ville du Donbass.
Ce qui est clair, c'est que la tactique russe des «vagues humaines» a également fonctionné à Avdiivka après Bakhmout. Sans craindre les pertes, les commandants russes ont envoyé leurs hommes au front. A un moment donné, les soldats ukrainiens, fatigués du combat, n'ont plus pu arrêter les vagues d'attaques successives. La Russie compte trois fois plus d'habitants que l'Ukraine. Poutine peut se permettre de recourir à cette tactique pendant encore longtemps.
Il manque à l'Ukraine des moyens décisifs
L'Ukraine a eu droit à une belle nouvelle cette semaine: le Danemark a envoyé tout son arsenal d'artillerie à Kiev. Mais cela ne suffit pas à stopper les Russes. Depuis des mois, les positions de front ukrainiennes doivent utiliser leurs munitions avec extrême parcimonie. Les Russes, armés entre autres par leurs amis en Corée du Nord et en Iran, ne rencontrent pas ce problème.
Les collectes privées de soldats ukrainiens, qui rassemblent de l'argent pour acheter de nouveaux drones, véhicules ou appareils de vision nocturne, sont monnaie courante. «Nous savons tous que nous devons faire notre part pour avoir une chance», raconte le soldat Viktor.
Ce qui manque le plus cruellement à l'Ukraine, ce sont des ressources suffisantes en matière de défense aérienne. Alors que Poutine en personne vient d'inaugurer en Russie quatre nouveaux bombardiers supersoniques Tu-160, les troupes ukrainiennes d'Avdiivka ont dû assister, sans pouvoir se défendre, au lancement par des jets russes d'énormes bombes planantes sur la ville.
L'Ukraine n'avait tout simplement rien à opposer à la terreur des bombes qui s'écrasaient. Si l'Occident continue à hésiter et si l'aide des Américains à l'Ukraine reste bloquée plus longtemps au Parlement américain, l'Ukraine ne pourra bientôt plus se défendre contre les Russes.
