Damas «a pris la décision souveraine d'autoriser les Nations unies et ses agences spécialisées à utiliser le point de passage de Bab al-Hawa», entre la Turquie et la Syrie, «en pleine coopération et coordination avec le gouvernement syrien pour une période de six mois à partir du 13 juillet», a déclaré vendredi à la presse l'ambassadeur syrien à l'ONU Bassam Sabbagh, qui a transmis un courrier en ce sens au secrétaire général de l'Organisation Antonio Guterres et au Conseil de sécurité. «Nous venons de recevoir la lettre et nous l'étudions», a indiqué à l'AFP Stéphane Dujarric, porte-parole d'Antonio Guterres.
Un mécanisme créé en 2014 permettait à l'ONU d'acheminer de l'aide humanitaire aux populations des zones rebelles du nord-ouest de la Syrie, sans autorisation du gouvernement syrien, qui dénonçait régulièrement une violation de sa souveraineté.
Au départ, il prévoyait quatre points de passage mais, après des années de pression, en particulier de Moscou, allié du régime syrien, seul le poste de Bab al-Hawa, entre la Turquie et la Syrie, était resté opérationnel et son autorisation avait été réduite à six mois renouvelables. Mais, le mécanisme a expiré lundi, après l'échec du Conseil à le prolonger, provoquant la fermeture du poste-frontière aux camions de l'ONU.
«La priorité est que l'aide puisse à nouveau passer, rapidement, pour les personnes qui en ont besoin — et ensuite assurer son avenir», a commenté dans un communiqué l'ambassadrice britannique Barbara Woodward, qui préside le Conseil de sécurité en juillet.
«Mais sans surveillance de l'ONU, le contrôle de cette voie vitale est confiée à l'homme responsable de la souffrance du peuple syrien», a-t-elle déploré, notant que la surveillance prévue dans la résolution de l'ONU rejetée mardi permettait d'éviter que l'aide ne soit «détournée».
Ces dernières années, le dirigeant autoritaire de la Syrie, Bachar el-Assad, avait insisté sur la fermeture des postes-frontières afin de regagner de l'influence sur les régions du pays tenues par les rebelles.
Nouveau stratagème pour contourner les résolutions de l'ONU?
Certains militants de l'opposition syrienne doutent toutefois des motivations du gouvernement el-Assad. «De cette manière, le régime syrien tente de se blanchir devant la communauté internationale et de dire: 'regardez, nous ne bloquons pas l'aide'», a pointé Yasser al-Farhan, figure de l'opposition syrienne et défenseur des droits.
«Nous ne voulons pas que les questions humanitaires syriennes soient prises en otage par les Russes», a, par ailleurs, fustigé un groupe d'avocats, de défenseurs des droits humains et d'hommes politiques de l'opposition syrienne dans une pétition envoyée vendredi.
Entraver l'acheminement d'une aide humanitaire adéquate à travers les frontières vers les zones tenues par les rebelles conduirait à de nouvelles vagues de réfugiés du nord de la Syrie fuyant vers les pays voisins, puis vers l'Europe et au-delà, ont-ils prévenu.
«L'annonce par le régime el-Assad que l'aide peut traverser la frontière pour une période de six mois n'est rien d'autre qu'un nouveau stratagème visant à contourner les résolutions de l'ONU et à poursuivre sa politique d'entrave aux efforts internationaux de sauvetage et d'assistance aux Syriens», écrivent les pétitionnaires.
Ces derniers jours, des millions de personnes dans le besoin dans le nord-ouest de la Syrie ont été privées d'approvisionnement après que la Russie eut opposé son veto devant le Conseil de sécurité de l'ONU à une prolongation de neuf mois du mécanisme. Une contre-proposition de Moscou, qui prévoyait une prolongation de six mois, a également échoué car elle mettait en cause les sanctions occidentales contre Damas. La Russie est l'un des plus proches alliés du gouvernement syrien.
Selon les Nations unies, 85% des marchandises destinées au nord-ouest de la Syrie passent par le poste frontière de Bab al-Hawa, fermé depuis lundi soir, et 4,1 millions de personnes dans cette région, des femmes et des enfants pour la plupart, ont besoin d'aide.
Après le tremblement de terre dévastateur qui a frappé la Syrie et la Turquie il y a quelques mois, Bachar el-Assad avait temporairement ouvert deux autres postes-frontières avec la Turquie, Bab al-Salam et Al-Ra'ee, qui restent ouverts. Bab al-Hawa est cependant un point de passage plus important.
(ATS)