Pléthore de livres ont été écrits sur la guerre contre le mouvement ultra-rigoriste et la défaite cuisante des Occidentaux, qui n'ont pas su empêcher sa reconquête fulgurante du pouvoir à l'été 2021. «Qu'importe tout ce que les étrangers ont écrit sur nous, ils ont largement ignoré la réalité de ce qui nous est arrivé et les raisons pour lesquelles nous avons été forcés de combattre», affirme Khalid Zadran, membre du réseau Haqqani à la réputation sanglante, propulsé porte-parole de la police de Kaboul.
Dans son pavé de 600 pages en pachto publié en avril, il raconte les premières incursions américaines dans sa province de Khost au sud de Kaboul, son enfance bercée par les récits d'«atrocités» et son désir de rejoindre les talibans au nom de la «liberté» de son pays.
«Des actes cruels et barbares»
«J'ai été témoin chaque jour d'histoires horribles, de corps en lambeaux sur le bas-côté de la route», écrit-il dans «15 minutes», dont le titre s'inspire d'une attaque de drone américain à laquelle il a réchappé... à un quart d'heure près. «Il faut dire les faits: l'Amérique, contrairement à ses affirmations, a commis des actes cruels et barbares, détruit notre pays avec des bombes, détruit des infrastructures et semé la discorde (...) à travers les nations», assène Muhajer Farahi, vice-ministre de l'Information et de la Culture.
Dans «Mémoires de jihad, 20 ans sous occupation», il affirme que les talibans ont tenté de négocier avec les Etats-Unis le sort d'Oussama Ben Laden, dont Washington voulait la tête après les attentats du 11 septembre 2001. «En vain», clame-t-il. «Il était clair que les Américains avaient déjà planifié l'occupation de l'Afghanistan», écrit Muhajer Farahi, qui ne croit pas à la «guerre contre le terrorisme».
La guerre a opposé pendant 20 ans les forces talibanes à une coalition de 38 pays membres de l'Otan menée par les Etats-Unis, en soutien à la République afghane. Des dizaines de milliers d'Afghans ont péri dans les combats et des attentats commis par les talibans. De même que près de 6'000 soldats étrangers, dont 2'400 Américains. Pour Muhajer Farahi, la guerre est le résultat de la volonté de l'Occident d'«imposer sa culture et son idéologie à d'autres nations».
Le «dragon assoiffé de sang»
Son carnet de bord embrouillé, disponible dans pas moins de cinq langues, mêle souvenirs de terrain et chapitres pamphlétaires contre le «dragon assoiffé de sang» américain. L'ouvrage «révèle les vérités qui n'ont pas été dites auparavant car les médias, occidentaux surtout, ont présenté une image différente de la guerre», affirme-t-il. Selon lui, les moudjahidines pourtant bien moins équipés ont remporté la victoire grâce à leur union et l'aide de Dieu.
Muhajer Farahi assure que les talibans ont «veillé à sauver les vies des civils et des innocents», taclant au passage ses compatriotes ayant collaboré avec la police pro-occidentale et «sali» le pays. Les deux récits s'arrêtent en 2021 et ne portent donc pas sur la métamorphose des combattants, passés des montagnes reculées aux bureaux à moquette de la capitale.
Là, leur combat est diplomatique: les talibans bataillent pour que leur gouvernement soit reconnu par la communauté internationale, qui continue de lui reprocher son «apartheid de genre» envers les femmes. «La guerre est désormais terminée», avance Muhajer Farahi, «et nous voulons de bonnes relations avec chacun». Même avec le «dragon assoiffé de sang».