Contre la maltraitance animale. Pour repenser les relations entre les animaux et les humains. Au pied du nouveau palais de justice de Paris, dans le quartier des Batignolles proche du boulevard périphérique, Laurent Baffie répond aux commerçants et aux passants avec une poignée de tracts en main.
L’ex «sniper» préféré de l’audiovisuel français
À 64 ans, l’ex «sniper» préféré de l’audiovisuel français a décidé pour quelques jours de recycler ses meilleures vannes distillées longtemps sur les plateaux TV. Son humour cinglant a désormais une cible unique: tous ceux qui s’accommodent de la souffrance des animaux. «Si des gens comme moi ne se battent pas pour eux, qui va les défendre, sourit-il à la sortie d’une cordonnerie proche des Ateliers Berthier, la seconde salle du Théâtre de l’Odéon. Il est temps que les chats et les chiens prennent les urnes d’assaut, non?»
Hélène Thouy, candidate en vain à la présidentielle
Laurent Baffie ne se fait pas d’illusion. Il sait qu’à la présidentielle française d’avril, l’avocate Hélène Thouy, porte-parole du parti animaliste crée en mars 2016, n’a réuni que 139 parrainages d’élus, loin des 500 requis pour pouvoir se présenter. Défaite assurée dans cette 3e circonscription de Paris, où n’importe quel piéton enrage des excréments canins sur les chaussées? Le comédien sourit. Il a d’abord bien réfléchi, hésitant pour son atterrissage électoral entre le Loir et Cher, où sa mère habite et où il a une maison, et cette partie de Paris composée en partie de faubourgs populaires, et de nouveaux quartiers récemment sortis de terre.
«Je soutiens les animalistes et alors? J’ai envie de les aider. Leur cause en vaut bien d’autres». Quelques jours plus tôt, le quotidien régional «La Nouvelle République» l’a aussi confessé: «Je soutiens l’association L214 et tous ceux qui militent pour la cause animale avait-il avoué. Je ne serai jamais un homme politique, mais j’ai envie d’aider ces gens-là qui défendent la cause animale, c’est très important. Je ne me serai jamais présenté pour une autre raison».
Le rôle clé de l’association L214
L214-Animalistes: l’équation est celle qui espère faire bouger les urnes en France. Et pas seulement à cause de candidats vedettes confortablement en campagne à Paris comme Laurent Baffie ou… Aymeric Caron, l’ancien intervieweur de «On n’est pas couché», l’ex émission vedette de Laurent Ruquier (candidat dans le XVIIIe pour la Nouvelle Union populaire de Jean-Luc Mélenchon). La force de L214 – dont Hélène Thouy est l’une des avocates – est d’avoir, à coups de vidéos prises dans les abattoirs, mis K.O les défenseurs de l’industrie agroalimentaire. L’association basée dans le centre de Lyon a surtout su, par ses actions coups de poing, rassembler différents courants souvent méfiants les uns envers les autres: militants anti-chasseurs, militants végans, croisés de la défense des animaux domestiques, opposants à la vivisection… Résultat: environ 300 candidats animalistes se présenteront dans 53 départements devant les électeurs les 12 et 19 juin pour les législatives, pour 577 sièges à pourvoir.
Maigre espoir électoral
Côté résultats en revanche, l’espoir est maigre. Aux européennes de 2019, qui se tenaient pourtant au scrutin proportionnel favorable aux petits partis, Hélène Thouy et les siens n’ont réuni que 2,16% des voix. Tout est pourtant en place pour accéder à l’Assemblée. Un programme qui prévoit de «créer une Charte de la Protection animale, réintégrer le respect des animaux dans l’enseignement scolaire, programmer l’arrêt du chalutage de fond, interdire le broyage des poussins et tout abattage sans insensibilisation, limiter la durée de transport des animaux vivants…»
Un concept d’affiches-choc avec canards, poussins, chats et chiens en gros plan sur fond violet. Une collecte de fonds citoyenne pour financer «tracts, affiches, banderoles, roll-up, envois postaux, hébergement du site, obligations légales…». Et des références culturelles affirmées: «Inclure les animaux dans le cercle de la considération morale est une vieille question politique et morale que, d’âge en âge, penseurs, écrivains, philosophes et artistes, mais aussi femmes et hommes de la rue, ont portée» raconte le manifeste du parti animaliste. «Mentionnons, pour ce qui concerne la France, quelques-uns des plus connus d’entre eux: Michel de Montaigne, Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, Émile Zola (défenseur du capitaine Dreyfus), Colette, Marguerite Yourcenar… » L’univers des lettres mobilisé pour la cause de nos amis les animaux.
Une profonde transformation sociale
Un avenir politique? Daniel Boy, chercheur à Sciences-po spécialisé dans l’écologie politique, y voit la preuve d’une profonde transformation sociale. Gare à l’ironie méprisante de certaines élites. «On ne peut plus réduire l’animalisme à une revendication catégorielle jugeait-il récemment, lors d’un forum consacré à la démocratie participative. La compassion suscitée par les images d’abattoirs est un moteur fort d’émotion, au moment où le rejet de la politique traditionnelle est très fort». Sauf que la règle des législatives françaises est impitoyable: une circonscription, plusieurs candidats, deux tours de scrutin, la possibilité de se maintenir en finale pour ceux qui atteignent au moins 12,5% des voix… Et un seul vainqueur.
Les défenseurs des animaux sont encore loin d’avoir les moyens de s’imposer dans l’arène politique humaine.