Les 39% de droits de douane imposés par Donald Trump touchent de plein fouet l'industrie horlogère suisse. Les réactions sont à la hauteur de l’enjeu. Le patron du groupe Swatch Nick Hayek a même exigé dans Blick des droits de douane de 39% sur les exportations d'or vers les Etats-Unis en guise de contre-mesure. Cela n'est pas étonnant, car les Etats-Unis sont le principal marché d'exportation. Près de 20% des exportations de montres sont destinées à l'Amérique. En 2024, cela représentait 4,3 milliards de francs.
Les lamentations des horlogers suisses sont également entendues aux Etats-Unis. Le producteur de montres Shinola de la ville américaine de Détroit a d'ailleurs flairé la chance de sa vie et compte bien attirer les Suisses. Dans une pleine page parue dans le «New York Times», il déroule le tapis rouge aux entreprises horlogères suisses frappées par les droits de douane – il les appelle «maîtres horlogers». Et les appelle à délocaliser une partie de leur production de Suisse vers les Etats-Unis.
«Beaucoup d'horlogers de classe mondiale formés»
«A Detroit, nous avons écrit notre propre histoire», peut-on lire dans l'annonce. «Nous avons fait renaître l'horlogerie américaine en prouvant que l'artisanat, la formation et la fierté ont leur place dans les halls d'usine en Amérique.» Maintenant, on veut faire quelque chose que personne n'a encore essayé: «Nous voulons réunir la précision suisse et l'esprit de Detroit sous un même toit», écrit le CEO Steve Katzman. Detroit, justement, qui a incarné pendant des décennies le déclin de l'industrie automobile américaine.
Quelle audace! Steve Katzman en remet une couche dans une interview télévisée sur Bloomberg: «Nous avons formé ici de nombreux horlogers de classe mondiale», affirme-t-il. 600 employés produisent à Détroit 80'000 à 100'000 montres par an, principalement pour le marché américain. Mais aussi pour l'Asie. «Nous nous développons chaque année.» Avec les Suisses, il veut à l'avenir développer des modèles communs, échanger le savoir-faire et réduire les coûts via des fournisseurs communs. «En combinant votre excellence technique avec notre portée, notre résistance et notre ingéniosité.»
«Cela vous aidera à réduire les droits de douane!»
Le ton est volontiers lyrique: «Les coûts augmentent. Les droits de douane font mal. Les marchés changent. Mais la demande d'authenticité augmente – et Detroit fournit.» La ville industrielle de l'Etat du Michigan aurait construit les voitures qui ont fait bouger le monde. «Maintenant, nous avons construit une marque de montres américaine de A à Z, qui prouve que les montres haut de gamme fabriquées à la main sont aussi à l'aise en Amérique qu'ailleurs.» Et, s'adressant aux fabricants de montres suisses: «Considérez cela comme plus qu'une simple invitation. Voyez-le comme une opportunité – Detroit est grand ouverte.»
Dans l'interview télévisée, Steve Katzman en rajoute une couche et donne envie aux entreprises horlogères suisses: «Importez les pièces, faites-les assembler ici. Cela vous aidera à faire baisser les droits de douane!» Comment cette offensive est-elle perçue par les Suisses? Le CEO de Shinola se montre plutôt réservé. «Une poignée d'entreprises suisses ont déjà répondu», dit-il. Il ne révèle toutefois aucun nom.