Chaos en Corée du Sud
La destitution du président Yoon devant la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle sud-coréenne se réunit une première fois lundi pour traiter de la destitution du président Yoon Suk Yeol, votée samedi par le Parlement. L'opposition a, elle, réclamé une enquête sur l'instauration ratée de la loi martiale par le chef d'Etat.
Publié: 16.12.2024 à 02:36 heures
|
Dernière mise à jour: 16.12.2024 à 03:01 heures
La Cour constitutionnelle sud-coréenne se réunit une première fois lundi pour statuer sur la destitution du président Yoon Suk Yeol (photo).
Photo: keystone-sda.ch
Post carré.png
AFP Agence France-Presse

La cour constitutionnelle sud-coréenne a entamé lundi matin une première réunion sur la destitution du président sud-coréen Yoon Suk-Yeol, sanctionné après sa tentative ratée d'imposer la loi martiale. Elle a six mois pour se prononcer sur la validité de la procédure. 

«La première réunion de délibérations concernant la motion de destitution [de Yoon Suk Yeol, ndlr] a commencé à 10h00», 02h00 en Suisse, a indiqué un porte-parole de la cour. Les députés ont adopté samedi soir par 204 voix contre 85 une motion de destitution contre M. Yoon.

La dernière fois que ce cas de figure s'est présenté, la cour constitutionnelle a remis son jugement 92 jours après le vote des députés, entérinant en 2017 la destitution de l'ex-présidente Park Geun-hye, tombée pour corruption.

L'opposition veut une enquête

Dimanche, le chef de l'opposition sud-coréenne avait appelé la Cour constitutionnelle à sceller rapidement le sort du président déchu Yoon Suk Yeol, afin que le pays puisse se remettre du «trouble national» et de la «situation absurde» créés par l'imposition surprise de la loi martiale le 3 décembre.

La Cour constitutionnelle a six mois pour valider ou non la destitution du président Yoon, votée samedi par le Parlement. Dans l'affirmative, une élection présidentielle sera organisée dans les deux mois.

«La Cour constitutionnelle doit rapidement traiter la procédure de destitution du président», a déclaré dimanche Lee Jae Myung, le président du Parti démocrate, principale force d'opposition. «C'est la seule façon de limiter le trouble national et d'alléger les souffrances de la population», a-t-il ajouté.

Le sort de Yoon semble scellé

Le président de la Cour constitutionnelle, Moon Hyung Bae, a promis dès samedi soir «une procédure rapide et juste». Il a convoqué les autres juges pour une première réunion sur cette affaire lundi matin.

Selon la plupart des experts, l'issue ne fait guère de doute tant les violations de la Constitution et de la loi reprochées au président Yoon sont flagrantes. La police a arrêté dimanche l'actuel et l'ancien chef du commandement du renseignement militaire, a rapporté l'agence de presse Yonhap.

Selon celle-ci, des procureurs ont précisé dimanche qu'ils cherchaient à obtenir un mandat d'arrêt contre le chef des forces spéciales de l'armée, Kwak Jong Geun. Ce dernier est accusé d'avoir envoyé des troupes des forces spéciales au parlement durant la tentative d'instauration de la loi martiale, entraînant une confrontation entre soldats et personnel du parlement.

L'opposition demande une enquête

La justice sud-coréenne a en outre convoqué le président Yoon. «Nous lui avons demandé de se présenter à 10h (1h GMT), mais il a refusé d'obtempérer», ont précisé les procureurs dans un communiqué. «Nous allons envoyer une deuxième convocation», ajoutent-ils. Samedi, la police avait arrêté Yeo In Hyung, chef du commandement du contre-espionnage.

Il est évident que Yoon «a tenté de paralyser les fonctions de l'Etat», déclare à l'AFP Kim Hyun Jung, chercheuse à l'Institut de droit de l'Université de Corée. «Même les universitaires les plus conservateurs ont reconnu que cela avait provoqué une crise dans l'ordre constitutionnel».

Le chef de l'opposition a également exigé une enquête approfondie sur les événements de la nuit du 3 au 4 octobre, quand le président Yoon avait annoncé à la surprise générale l'imposition de la loi martiale et envoyé l'armée au Parlement pour tenter de le museler. Avant de faire marche arrière sous la pression des députés et des manifestants.

Le chef du parti au pouvoir démissionne

«Pour que les responsables de cette situation absurde aient à répondre de leurs actes et pour éviter qu'elle ne se reproduise, il est essentiel de découvrir la vérité et d'exiger des comptes», a affirmé Lee Jae Myung, qui avait perdu la présidentielle de justesse face à Yoon Suk Yeol en 2022, et fait désormais figure de favori pour occuper prochainement son fauteuil

Le chef du parti au pouvoir en Corée du Sud a quant à lui annoncé sa démission lundi, deux jours après l'adoption au Parlement d'une motion de destitution contre le président déchu Yoon Suk Yeol, sanctionné pour son éphémère loi martiale. «Je quitte mon poste de chef du Parti du pouvoir au peuple (PPP)», a déclaré Han Dong-hoon lors d'une conférence de presse télévisée, ajoutant qu'il présentait ses «sincères excuses à tous ceux qui ont souffert en raison de la loi martiale».

Enquête pour «rébellion»

Yoon Suk Yeol est visé par une enquête pénale pour «rébellion», un crime théoriquement passible de la peine de mort, et n'a pas le droit de quitter le pays. Son ex-ministre de la Défense et plusieurs hauts responsables ont été arrêtés.

L'intérim de la présidence est assuré par le Premier ministre Han Duck Soo, qui s'est entretenu samedi soir avec le président américain Joe Biden. «Le président Biden a exprimé son appréciation pour la résilience de la démocratie et de l'Etat de droit en République de Corée», a indiqué la Maison Blanche dans un communiqué.

Une «marionnette», pour la Corée du Nord

«Les deux dirigeants ont évoqué les progrès considérables accomplis ces dernières années dans le renforcement de l'alliance entre les Etats-Unis et la République de Corée, et le président Biden s'est dit convaincu que l'alliance restera le pilier de la paix et de la prospérité dans la région indo-pacifique pendant le mandat du président par intérim Han», a-t-elle ajouté.

La Corée du Nord a commenté lundi matin la procédure en cours chez son voisin du sud: «L'enquête sur la marionnette Yoon Suk Yeol, le chef de la rébellion, et ses complices est en cours», a écrit l'agence officielle nord-coréenne KCNA. Le terme «marionnette» est fréquemment utilisé par KCNA pour qualifier les liens qui unissent les dirigeants de la Corée du Sud aux Etats-Unis.

Les Américains pris par surprise

Le coup de force de Yoon avait pris par surprise les Etats-Unis, principal allié de la Corée du Sud. Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, avait raconté que le gouvernement américain avait appris la nouvelle à la télévision. Selon lui, ces événements inattendus ont suscité «une profonde inquiétude» à Washington.

Durant ses deux ans et demi à la tête de la Corée du Sud, Yoon Suk Yeol s'est rendu aux Etats-Unis à cinq reprises et s'est attaché à renforcer l'alliance avec Washington, cruciale face à la menace militaire de la Corée du Nord. Environ 28'500 soldats américains sont stationnés en Corée du Sud.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la