La première victime de la guerre est généralement la vérité – le conflit en Ukraine ne fait pas exception. Les informations actuelles sur l'évolution du front sont confuses et contradictoires. Au début du mois, le vent semblait tourner en faveur de Poutine. L'autocrate et son armée avançaient à un rythme qu'il n'avait plus connu depuis le début de l'année 2023.
Peu après, c'était au tour de l'Ukraine d'annoncer à nouveau des succès. Aujourd'hui, l'Ukraine paraissait avoir de nouveau le dessus – certains combattants russes anti-Poutine déstabiliseraient même le Kremlin sur leur propre territoire. Se pose alors la question: qui a vraiment le dessus en Ukraine? Blick fait le point.
Les Russes avancent... à un rythme d'escargot
Une chose est sûre: la contre-offensive du printemps 2023 menée par les Ukrainiens a échoué. Les territoires occupés par les Russes n'ont pu être reconquis que de manière marginale. Les troupes ennemies se font toujours face sur une ligne de front de 1000 kilomètres.
A Koupiansk, Kreminna, Bakhmout, Avdiivka, Donetsk, les combats sont acharnés. A trois endroits, les Russes ont avancé. Vladimir Poutine a fait l'éloge de ces succès militaires dans son discours de victoire électorale de dimanche. Ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il s'agit de villages conquis, de rues occupées, de quelques centaines de mètres de terrain – et ce, au prix de lourdes pertes.
Rien que le 18 mars 2024, 810 soldats russes ont été tués ou grièvement blessés, ont annoncé les autorités ukrainiennes. La Russie occupe 18% de l'Ukraine à l'est. C'est seulement 11% de plus qu'avant le début de l'invasion le 24 février 2022. Pourtant, la lutte est épuisante pour l'Ukraine. Même si elles sont tactiquement supérieures, les forces de défense manquent de munitions pour leur artillerie, de structures de fortification et d'environ 500'000 soldats sur le front. Les observateurs occidentaux craignent qu'en cas de percée significative des Russes, un effet domino ne se produise et que l'Ukraine ne se retrouve définitivement sur la défensive.
L'Ukraine a pris le dessus en mer Noire
Sur terre, l'Ukraine est enlisée dans une guerre de position, mais en mer Noire, son armée a le dessus. Les attaques de drones et de missiles ukrainiens contre les navires, chantiers navals, dépôts de munitions et infrastructures russes ont chassé la flotte russe de la mer Noire de Crimée. Selon le Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS), la Russie aurait perdu environ 40% de son tonnage naval depuis le début de la guerre. Des navires de débarquement, des frégates et des sous-marins ont été déplacés de leur principale base à Sébastopol vers le port de Novorossiisk, situé à 300 kilomètres à l'est, sur le territoire central russe.
La Russie continue certes de bombarder les ports ukrainiens avec des drones et des missiles à longue portée, mais les attaques n'ont guère d'effet sur la mer. L'Ukraine laisse ainsi les navires marchands naviguer vers et depuis ses ports à proximité de la côte. Les exportations de céréales vers le Proche-Orient atteignent à nouveau le niveau d'avant-guerre.
Des pertes élevées? Pas un sujet de préoccupation pour Poutine
La guerre de position en cours affaiblit l'Ukraine. Poutine peut en revanche se permettre de jouer la montre. Il a été élu pour la cinquième fois à la tête de l'Etat avec une majorité soi-disant écrasante. Il s'estime désormais légitime d'agir comme bon lui semble pendant six années supplémentaires. Poutine a depuis longtemps transformé son empire à l'économie de guerre. Alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky dépend des livraisons d'armement de l'Occident, la Russie produit elle-même à plein régime son artillerie et ses munitions et importe, en plus de cela, des drones et des grenades d'Iran et de Corée du Nord.
Le Kremlin peut également recourir à du «matériel humain». Selon le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, la Russie dispose au total de 25 millions de réservistes. Pour une nouvelle mobilisation, deux millions de réservistes sont aujourd'hui déjà dans les starting-blocks. Assez pour assurer le ravitaillement des soldats qui meurent par milliers sur le front. Les services secrets occidentaux estiment que plus de 350'000 soldats russes ont été tués ou blessés dans l'offensive terrestre depuis le début de la guerre.
La discorde occidentale joue le jeu du Kremlin
Vladimir Poutine suit certainement avec satisfaction les désaccords de l'Occident sur le sujet du soutien à l'Ukraine. Les républicains américains bloquent à la Chambre des représentants des aides militaires d'un montant de 60 milliards de dollars. L'Allemagne refuse à Zelensky les missiles Taurus souhaités. Et la France suscite le mécontentement de ses partenaires en proposant d'envoyer des troupes au sol en Ukraine en cas de besoin.
De l'autre côté de l'Atlantique, les élections présidentielles approchent. L'opposant à l'OTAN Donald Trump pourrait revenir à la Maison Blanche. Il a déclaré il y a neuf jours au président hongrois Viktor Orban, lors de sa visite en Floride, qu'il ne verserait pas un centime à l'Ukraine. Mais il n'est pas certain que le calcul de Poutine fonctionne. Car l'OTAN ne veut pas abandonner l'Ukraine. Mardi dernier, Joe Biden a ficelé son propre paquet d'urgence: des armes d'une valeur de 300 millions de dollars devraient bientôt être livrées à Kiev. L'Allemagne ne livre certes pas de missiles Taurus, mais en accord avec la Grande-Bretagne, l'Ukraine pourrait bientôt recevoir des missiles de croisière britanniques de type Storm Shadow. Et puis, Trump n'est pas encore élu.