Vives tractations en coulisses
Qui s'arrachera les meilleurs talents de Credit Suisse?

L'annonce de la reprise de Credit Suisse par UBS fait bouillir le monde bancaire. Des chasseurs de têtes et autres spécialistes RH traquent les meilleurs collaborateurs pour les convaincre de s'en aller sous de meilleurs cieux.
Publié: 22.03.2023 à 16:21 heures
Comme les autres succursales de Credit Suisse, l'Uetlihof, à Zurich, est en ébullition.
Photo: Keystone
RMS_Portrait_AUTOR_293.JPG
Jean-Claude Raemy

Ces derniers jours, les collaborateurs de Credit Suisse (CS) doivent rassurer les clients inquiets. Mais, au fond d'eux, ils sont eux-mêmes dans le désarroi, tant leur avenir est flou. Les prises de température par Blick auprès d'employés du numéro 2 bancaire suisse sont unanimes: larmes, jurons et prospection du marché rythment leur quotidien.

Pour l'instant, rien n'est clair sur leur futur proche. La seule certitude, c'est que la nouvelle «super UBS» réduira ses activités de banque d'investissement, tout en conservant la gestion de fortune et la gestion d'actifs de Credit Suisse.

Ce flou pourrait profiter à la concurrence: les meilleurs banquiers de CS à Londres, New York ou Singapour sont en négociation avec des chasseurs de têtes, rapporte l'agence de presse Bloomberg.

Du «glory picking»

Pour l'instant, cette réalité est surtout vraie à l'étranger. «En Suisse, les collaborateurs sont certes très inquiets, mais pas paniqués», explique Jonas Neff, du cabinet de recrutement Biermann Neff à Zurich. Son entreprise est en contact avec de très nombreux banquiers de CS, «en particulier depuis les dernières 48 heures».

Jonas Neff ne pense pas qu'une suppression de postes sera annoncée dès les prochaines semaines. Mais, en coulisses, «ça bouillonne énormément». Les employés de Credit Suisse profitent du petit répit post-annonce pour évaluer leurs options, que ce soit via des chasseurs de têtes, leur réseau personnel ou des méthodes plus traditionnelles comme les offres d'emploi.

Jonas Neff est spécialisé dans la détection des talents.
Photo: Biermann Neff

D'autres banques ont bien compris l'opportunité et tentent d'attraper le gros lot. «Les départements de recrutement de divers instituts financiers proposent désormais des opportunités d'emploi de manière proactive», explique Jonas Neff.

Jean-Philippe Spinas, directeur chez Kienbaum Executive Search à Zurich, résume: «Les banques privées, régionales et cantonales peuvent désormais faire du glory-picking chez CS, et même à l'UBS.» Car l'emploi n'est pas garanti à l'UBS non plus, selon l'expert: l'absorption de Credit Suisse va créer une concurrence interne, et certains employés d'UBS pourraient en faire les frais.

Jonas Neff part du principe que sur les quelque 38'000 collaborateurs du CS et de l'UBS en Suisse, il n'en restera plus que 25'000 «dans les cinq ans». Soit la disparition de 13'000 postes, 35% du personnel!

La pénurie de main d'œuvre, aide bienvenue

Mais cela ne veut pas dire qu'il y aura une explosion du chômage pour autant. «Parmi ceux-ci, de nombreux ex-collaborateurs seront immédiatement absorbés par le marché», estime Jean-Philippe Spinas. Selon la base de données d'emplois X28, plusieurs milliers de postes sont actuellement proposés par les prestataires de services financiers en Suisse.

Jean-Philippe Spinas est consultant chez Kienbaum.
Photo: Xing

Selon la règle d'or des ressources humaines, «les meilleurs partent en premier». Raison pour laquelle les autres banques veulent agir vite pour débaucher les talents. «Le personnel spécialisé en informatique ou les conseillers à la clientèle disposant d'un grand réseau sont très recherchés», détaille l'expert.

Celles et ceux qui ont suivi une formation continue, font preuve de flexibilité et/ou qui ont de l'expérience dans plusieurs entreprises et branches ont la vie plus facile. A noter que l'Association du personnel bancaire a demandé un gel des licenciements pour les plus de 55 ans — mais les professionnels de la branche n'y croient pas.

Natalia Ferrara et les syndicats espèrent notamment protéger les collaboratrices et collaborateurs âgés.
Photo: Keystone
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la