Verdict dans la Gruyère
Un agriculteur fribourgeois condamné à la prison à vie pour un double assassinat

Le Tribunal de la Gruyère a condamné mercredi à la prison à vie l'agriculteur accusé d'avoir tué en 2020 à Sorens (FR) un père et son fils. Ces Macédoniens venaient lui réclamer le remboursement de l’argent versé pour l’achat de trois tracteurs d’occasion jamais livrés.
Publié: 01.03.2023 à 14:05 heures
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Devant la violence du double assassinat, le Tribunal pénal de la Gruyère a suivi le réquisitoire du Ministère public, qui demandait la prison à vie à l'encontre du prévenu, un agriculteur âgé aujourd'hui de 33 ans (archives).
Photo: LAURENT GILLIERON

La condamnation, sans sursis, a été prononcée mercredi à Granges-Paccot (FR) par la présidente, Frédérique Bütikofer Repond. Le dispositif retient notamment le double assassinat, avec un mobile odieux accompli sans scrupules, l'abus de confiance, l'escroquerie et l'atteinte à la paix des morts.

Le drame, survenu au soir du 24 mars 2020, s'est joué à huis clos: quatre coups de feu, des victimes, deux Macédoniens du Nord résidant de longue date à Cugy (VD), un père et un fils âgés de 47 ans et 23 ans, qui tentent de s'enfuir en rampant avant d'être jetés dans une fosse à purin.

«Sang-froid, froideur et maîtrise de soi», a dit la présidente en décrivant l'auteur des faits, âgé de 33 ans. Le jugement suit le réquisitoire du Ministère public. Ce dernier a souligné, lors d'un procès tenu sous très haute tension, un crime d'une rare sauvagerie dans l'histoire judiciaire fribourgeoise, commis qui plus est par un individu sain d'esprit.

Préparation «méticuleuse» du massacre

Sur la base d'éléments matériels tirés de l’instruction, échanges de messages et appels téléphoniques, le procureur Marc Bugnon a estimé que la tuerie découlait de la seule volonté de l'accusé. C'est l'impossibilité de livrer les tracteurs et les 34'000 francs reçus mais déjà dépensés qui ont motivé l'achat d'un fusil.

Selon le procureur, se fondant sur la préparation «méticuleuse» du crime, l'agriculteur a décidé d'emblée de tuer les Macédoniens, de sang-froid. «Les victimes ont été massacrées, criblées de grenaille puis défigurées à coups de canon et de crosse, avec une violence telle que l’arme s’est brisée», a noté le magistrat.

La défense demandait 9 ans

L’avocat de la défense, Alexandre Dafflon, a tenté, dans sa plaidoirie, de redonner un peu d'humanité au prévenu, en relevant son comportement exemplaire à Bellechasse. Il a insisté sur le parcours professionnel difficile de son client, arrivé à l'âge de 30 ans sans diplôme, «exploité» par son père.

Le défenseur a repris à son compte le scénario de victimes qui se seraient montrées intimidantes et agressives à l'égard de l'accusé, en proférant des propos salaces à l'égard de son amie. Il a demandé une peine de 9 ans de prison, en s'appuyant sur le fait que le tueur aurait agi dans un état de «défense excusable».

Vente de tracteurs jamais aboutie

Le drame trouve son origine dans une vente de tracteurs jamais concrétisée. À la peine financièrement, le prévenu, qui travaillait depuis dix ans sans salaire véritable dans l'exploitation familiale, devait livrer les véhicules aux Macédoniens, qui avaient déjà réglé la facture.

Mais, prétextant un retard d'immatriculation lié à la crise sanitaire, l'accusé n'avait pas livré les engins. Et pour cause: ils n'étaient pas à lui. Quant à l'argent encaissé, il l'avait dépensé pour acheter notamment un cheval à sa petite amie et le fusil de chasse qui allait servir aux exécutions.

Il avait ouvert la fosse à purin à l'avance

Pour solder le litige, un rendez-vous a été fixé dans un chalet isolé à Sorens, appartenant à la famille de l'agriculteur. Là, les choses ont dégénéré. Le prévenu a dit que le père l'aurait projeté au sol. Il a tiré ensuite sur les deux individus, les mettant à terre.

Puis, à court de munitions, l'accusé les a violemment frappés à la tête avec sa crosse. Il a alors placé les corps dans un filet à foin lesté d'une plaque d'égout, puis les a jetés dans la fosse à purin qu'il avait pris soin d'ouvrir avant l'arrivée des victimes, prouvant la préméditation.

Aveux immédiats, appel probable

Selon ses dires, le prévenu a vu des bulles remonter à la surface. L'autopsie a montré effectivement que le père de famille vivait encore à ce moment. Par la suite, l'agriculteur a cherché à cacher toutes traces de son double crime et à se constituer un alibi.

L'homme a envoyé des SMS à son amie et s'est confectionné une fausse quittance signée d'une des victimes. Redescendant de l'alpage, il a repris sa vie comme si de rien n'était jusqu'à son arrestation, le lendemain soir. Ses aveux ont suivi presque immédiatement.

L'avocat de la défense a indiqué que son client devrait faire appel. Au-delà, les détenus condamnés à perpétuité peuvent solliciter une libération conditionnelle après 15 ans.

(ATS)

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