Après 20 ans, c'est la fin du papier pour «20 minutes»! Le journal a annoncé ce mardi 17 juin abandonner sa version physique pour se concentrer sur ses canaux numériques. Ce changement pour les lecteurs devrait s'opérer dès la fin 2025.
«Jusqu'à 80 postes à plein temps pourraient disparaître avec la fin de l’édition imprimée et les réorganisations internes», communique le titre au niveau national. Un «consultation avec le personnel» est toutefois en cours et un plan social est sur les rails. «Nous regrettons sincèrement cette réduction des effectifs et nous nous engageons à accompagner étroitement chaque personne touchée durant cette phase de transition», tente de rassurer le communiqué.
La fin du bureau régional de Genève
Cette décision s'accompagne d'une réorganisation structurelle pour le média du groupe de presse TX Group, issu de Tamedia. «Les rédactions actuellement séparées de Suisse alémanique et de Suisse romande seront fusionnées en une rédaction nationale répartie entre Lausanne, Berne et Zurich, annonce l'article. Les bureaux régionaux de Bâle, Genève, Lucerne et Saint-Gall devraient être fermés d’ici à fin 2025.»
La version alémanique «20 Minuten» et la tessinoise «20 minuti» vont aussi perdre leurs feuilles. La rédactrice en cheffe actuelle de «20 Minuten», Désirée Pomper, prendra la direction éditoriale des titres alémaniques et romands fusionnés. Le rédacteur en chef historique de «20 minutes» depuis sa fondation en 2006, Philippe Favre, deviendra directeur pour la Suisse romande.
Les emblématiques cassettes bleues disparaîtront-elles de l'espace public? «La question reste ouverte, communique le titre. Nous explorons actuellement la possibilité de proposer un nouveau format imprimé, diffusé à un rythme différent, mieux adapté aux habitudes contemporaines des pendulaires.» En France, son homonyme «20 minutes» – le dernier gratuit de l'hexagone – a fait pareil en septembre dernier.
Les journalistes de «20 minutes» sont sous le choc
Après l'annonce mardi d'une nouvelle restructuration des journaux gratuits «20 Minutes» et «20 Minuten» par TX Group, la Société des rédacteurs (SDC) se dit «sous le choc». La SDC est «particulièrement sidérée par la brutalité de ces mesures, ce d'autant plus que le groupe 20 Minuten, détenu par TX Group, est une entreprise bénéficiaire», écrit-elle mardi après-midi dans un communiqué après une assemblée générale extraordinaire.
«Certes, l'évolution des marchés dans le domaine des médias a réduit tant les recettes publicitaires que les marges financières, mais la stratégie présentée aujourd'hui montre que, du point de vue de la direction, la maximisation des profits passe avant toute considération éditoriale et humaine. Ce d'autant plus qu'au niveau des audiences, 20 Minutes reste le média le plus lu de Suisse», observe-t-elle. «Ces nouvelles coupes drastiques prouvent que 20 Minutes n'est pas défendu par la direction en tant que journal, mais uniquement comme un vecteur permettant de tirer un maximum de bénéfices, quelle que soit la qualité des informations proposées. L'inexistence d'une réflexion interne et l'opacité totale des dirigeants vis-à-vis de leurs employés concernant la stratégie future du média renforcent d'autant plus la colère et le désarroi ressentis par le personnel.»
Une première?
«L'inquiétude est vive» aussi concernant la prise en main des contenus romands par la rédaction en cheffe de «20 Minuten», basée à Zurich. «A notre connaissance, qu'une rédaction francophone soit pilotée depuis la Suisse alémanique constitue une première dans le monde médiatique suisse», affirme la SDC.
«Nous ne remettons bien entendu pas en cause les compétences de nos collègues alémaniques, mais cette décision aura forcément des conséquences éditoriales: l'actualité romande sera inévitablement traitée avec une sensibilité et un point de vue qui ne sera plus au plus proche du lectorat francophone», craignent les employés romands. La SDC va désormais engager des négociations avec la direction pour obtenir un plan social «offrant les meilleures conditions de départ possible pour toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs concernés par ces licenciements, et sauver, autant que faire se peut, le plus de postes de travail en Suisse romande», conclut-elle.
De son côté, l'Association genevoise des journalistes (AGJ) «appelle à une prise de conscience collective, des autorités comme de la population». La disparition du bureau genevois de «20 Minutes» marque selon elle «une étape de plus dans l’appauvrissement du paysage médiatique à Genève, canton qui voit année après année ses rédactions se vider, ses titres s’éteindre, son information de proximité s’amenuiser».