C’est un succès pour Ralph Lewin. Le président de 69 ans de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) s’est battu pendant des années, avec d’autres organisations, pour qu’un mémorial national soit érigé en Suisse à la mémoire des victimes du nazisme.
Il y a deux semaines, le Conseil fédéral a esquissé pour la première fois à quoi pourrait ressembler un tel lieu de mémoire – et où il pourrait être situé. Lorsque Ralph Lewin pose pour le photographe devant le Palais fédéral, la conseillère aux États bâloise Eva Herzog passe à ce moment-là. En tant qu’ancien conseiller d’État bâlois, il a toujours les meilleurs contacts.
Pourquoi a-t-il fallu attendre 80 ans pour décider de construire un mémorial pour les victimes du nazisme en Suisse?
Les mécanismes de refoulement sont une tradition en Suisse, notamment en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale: la politique des réfugiés, l’or nazi, le commerce d’œuvres d’art volées – partout, il a fallu du temps avant que la Suisse ne se mette à l’ouvrage. Et partout, il a fallu une pression extérieure.
Les plans d'un mémorial suisse pour les victimes du national-socialisme se concrétisent, comme l'a annoncé le Conseil fédéral le 26 avril. Un lieu de mémoire central devrait voir le jour dans la ville de Berne. Le Conseil fédéral a alloué un budget de 2,5 millions de francs à cet effet. L'emplacement exact devrait être déterminé prochainement. En outre, la Confédération prévoit de mettre en place dans la vallée du Rhin, en collaboration avec le canton de Saint-Gall et le Musée juif de Hohenems, de nouvelles offres de médiation des événements historiques survenus à la frontière nationale. Les détails ne sont pas encore connus. Le Mémorial doit notamment rendre hommage aux victimes suisses. Entre 1933 et 1945, au moins 409 citoyens suisses ont été incarcérés dans un camp de concentration par les nazis. S'y ajoutent au moins 340 hommes, femmes, jeunes et enfants détenus dans un camp de concentration, qui sont nés en Suisse, y ont grandi, mais n'ont jamais eu la nationalité suisse. Mais il faut aussi penser aux réfugiés qui ont été refoulés par milliers à la frontière suisse - et donc souvent envoyés vers une mort certaine.
Les plans d'un mémorial suisse pour les victimes du national-socialisme se concrétisent, comme l'a annoncé le Conseil fédéral le 26 avril. Un lieu de mémoire central devrait voir le jour dans la ville de Berne. Le Conseil fédéral a alloué un budget de 2,5 millions de francs à cet effet. L'emplacement exact devrait être déterminé prochainement. En outre, la Confédération prévoit de mettre en place dans la vallée du Rhin, en collaboration avec le canton de Saint-Gall et le Musée juif de Hohenems, de nouvelles offres de médiation des événements historiques survenus à la frontière nationale. Les détails ne sont pas encore connus. Le Mémorial doit notamment rendre hommage aux victimes suisses. Entre 1933 et 1945, au moins 409 citoyens suisses ont été incarcérés dans un camp de concentration par les nazis. S'y ajoutent au moins 340 hommes, femmes, jeunes et enfants détenus dans un camp de concentration, qui sont nés en Suisse, y ont grandi, mais n'ont jamais eu la nationalité suisse. Mais il faut aussi penser aux réfugiés qui ont été refoulés par milliers à la frontière suisse - et donc souvent envoyés vers une mort certaine.
Pourquoi?
La Suisse aime se dire: «Qu’avons-nous à voir avec cela? Les auteurs étaient d’autres personnes.»
Ce qui est vrai.
Mais la Suisse est au cœur de l’Europe, l’histoire ne nous échappe pas. Nous en faisons d’ailleurs à nouveau l’expérience avec la guerre en Ukraine.
Où voyez-vous des parallèles?
Pendant la Seconde Guerre mondiale, une partie de la Suisse officielle était d’avis que la neutralité nous dispensait de l’obligation d’apporter notre aide aux personnes persécutées. Aujourd’hui, les choses se sont beaucoup améliorées sur ce point. Il suffit de voir le nombre de réfugiés ukrainiens qui ont été accueillis à bras ouverts. Dans d’autres domaines en revanche, nous retombons dans des schémas de comportement du passé.
Dans quels domaines?
C’est maintenant mon opinion très personnelle: il est très difficile de faire comprendre pourquoi nous interdisons à certains pays de réexporter des armes vers l’Ukraine. Je comprends la peur de l’escalade. Cela nous préoccupe tous. Mais Poutine doit être stoppé. C’est ce que nous enseigne l’histoire.
Peut-on comparer la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine à la Seconde Guerre mondiale?
L’extermination planifiée et systématique du peuple juif n’est comparable à rien. Mais ce que nous devrions avoir appris de la Seconde Guerre mondiale, c’est que rester trop longtemps spectateur peut conduire à l’abîme. Lors de la guerre en Yougoslavie, par exemple, l’Europe a hésité bien trop longtemps, alors qu’il existait des indices de génocide. Après la Seconde Guerre mondiale, tout le monde a dit «Plus jamais ça», mais cela ne doit pas rester une simple formule.
«Nos efforts en faveur des non-Aryens ne doivent en aucun cas prendre une ampleur qui serait disproportionnée par rapport à l’importance que revêtent les Israélites dans notre communauté nationale.» Cette citation est de Pierre Bonna, qui était chef de la division des affaires étrangères de l’administration fédérale suisse pendant la Seconde Guerre mondiale. En résumé, il dit: «Il n’y a presque pas de Juifs chez nous, donc nous ne devrions pas trop nous engager pour eux.»
Cela montre à quel point les courants anti-juifs étaient forts en Suisse. Les réfugiés juifs que nous avons accueillis ont dû être pris en charge financièrement par les juifs suisses. Ce schéma s’est également répété par la suite.
Qu’entendez-vous par là?
On a en effet longtemps pensé que les communautés juives devaient assurer elles-mêmes leur sécurité, alors qu’elles constituent une minorité qui a des besoins de protection particuliers.
Quelle est la nature actuelle des relations entre les juifs suisses et les autorités?
En principe, elles sont très bonnes. Le FSCI a de bons contacts avec différents services de la Confédération et peut sans problème faire part de nos préoccupations. Cela ne veut pas dire que l’on répond à tous nos souhaits. Mais le fait que ce mémorial ait fait l’objet d’une décision unanime du Parlement, soutenue de l’UDC au PS, montre déjà combien les choses ont évolué.
Voici ce qui a été pour l’instant arrêté concernant le projet. Un monument doit être érigé à Berne avec un budget de 2,5 millions de francs. En outre, un lieu de transmission du savoir doit être créé en Suisse orientale, près de Diepoldsau, dans le canton de Saint-Gall. Le budget ici n’est pas clair. Jusque-là, rien de très concret. Êtes-vous vraiment satisfait?
(Sourire) C’est un succès partiel important. Dans mon «business», il faut aussi se réjouir des succès partiels. Nous avons désormais un site à Berne, le lieu exact devrait être communiqué prochainement. Nous verrons ce que l’on peut construire exactement avec 2,5 millions et si cela suffit.
Quel type de monument souhaitez-vous?
Un qui attire l’attention. Qui incite à la réflexion. Mais cela ne doit pas s’arrêter là. La médiation doit également jouer un rôle sur le site de Berne. Concrètement, les classes de toute la Suisse doivent pouvoir visiter un lieu où elles peuvent apprendre quelque chose sur les victimes du national-socialisme et les liens avec la Suisse.
Le montant unique de 2,5 millions de francs ne suffira guère pour cela.
Des projets bien plus importants ont été mis en œuvre dans d’autres pays. Nous ne demandons pas cela. Comprenez-moi bien: l’idée d’un lieu de médiation en Suisse orientale est bonne – et nous sommes très heureux que le canton de Saint-Gall veuille y participer financièrement. Mais la Confédération ne pourra pas éviter d’allouer des fonds annuels – sinon, on ne peut pas gérer un lieu de médiation de qualité. Ni en Suisse orientale, ni à Berne.
Que diriez-vous si l’on demandait à la FSCI d’aider au financement?
J’espère que l’on ne laissera pas les représentants des victimes payer leur propre lieu de mémoire. On a certainement été plus malins.
Certaines personnes impliquées craignent que la Confédération ne se lance dans une bataille pour la réalisation du mémorial.
Je ne pense pas. J’espère vraiment que tous les services s’entendront sur une bonne collaboration.
Jusqu’à présent, le projet est surtout soutenu par le Département fédéral des affaires étrangères, le DFAE. Pourquoi?
Ne pouvez-vous pas me demander quelque chose de plus simple? (Rires) C’est vrai qu’il y a beaucoup d’engagement au DFAE. Il y a aussi des raisons personnelles. Simon Geissbühler, chef de la division Paix et droits de l’homme au DFAE, a notamment beaucoup fait pour ce Mémorial. Le sujet l’intéresse. Il a écrit un livre sur le national-socialisme en Roumanie. La grand-mère de ma femme a été tuée en Roumanie. C’est pourquoi cela me touche beaucoup.
En d’autres termes: pourquoi le département de l’Intérieur n’est-il pas impliqué?
Nous sommes en discussion avec les services concernés. Une seule chose: la compétence en matière de médiation est concentrée au sein de la Confédération, là où les sites culturels sont gérés de manière interne. C’est-à-dire l’Office fédéral de la culture, qui fait partie du Département fédéral de l’intérieur. J’espère vraiment qu’à l’avenir, nous verrons un engagement clair dans ce domaine.
À quand remonte la dernière fois où vous avez reçu une insulte antisémite?
Depuis que je suis président de la FSCI, j’ai reçu deux lettres très violentes et anonymes, que j’ai conservées. L’une disait que les juifs achetaient tous les vaccins. Dans l’autre, la politique d’Israël est comparée à celle des nazis. Elle se termine en me demandant de me faire couper la langue.
Qu’est-ce que ça vous a fait?
On se demande alors ce qui se passe dans la tête de ces gens…
Ces lettres sont-elles symptomatiques de l’antisémitisme en Suisse?
Peut-être, oui. Chez nous, il y a heureusement très peu d’antisémitisme violent, donc très peu de blessures corporelles. Tout le contraire d’autres pays européens. Mais il y a énormément de remarques irréfléchies venant du milieu de la société. Tous les Juifs sont riches, tous les Juifs sont assoiffés de pouvoir…
D’où cela vient-il?
Les sondages montrent clairement qu’il y a des centaines de milliers, voire plus d’un million de personnes qui ont des ressentiments antisémites en Suisse. C’est un réservoir assez important d’antisémitisme latent.
À quel moment surgit-il?
Il y a de nombreux déclencheurs. La pandémie en était un. Le conflit au Proche-Orient en est un autre On peut bien sûr critiquer Israël, mais pas d’une manière différente par rapport aux autres pays.
Quelle est l’importance de l’interdiction prochaine des symboles nazis en Suisse?
L’adoption par le Parlement de la motion Binder, qui veut interdire les symboles nazis en tout temps, a été un grand pas. Le Conseil fédéral s’y est malheureusement opposé, ce que j’ai trouvé particulièrement incompréhensible. Mais il a tout de même commandé un rapport qui a montré qu’une interdiction était «réalisable».
Comment l’interdiction doit-elle être mise en œuvre?
Nous voulons que l’on commence maintenant par les symboles connus de tous – et non pas que l’on discute de chaque signe nazi. Sinon, cela durera encore une éternité avant que la loi n’entre en vigueur.
Sur cette question aussi, le travail n’a pas encore été fait.
Je suis en fonction depuis bientôt trois ans et j’ai appris une chose: on ne peut rien régler en vitesse. Tout demande du temps. Mais n’oublions pas que le Mémorial et l’interdiction des symboles nazis sont deux grands pas en avant que nous avons faits ces dernières semaines.
Ralph Lewin est depuis octobre 2020 président de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), l'organisation faîtière des juifs suisses. Auparavant, il a travaillé dans la politique et l'économie, de 1997 à 2008 en tant que conseiller d'État du canton de Bâle-Ville, de 2010 à 2017 en tant que président du conseil d'administration de l'ancienne Banque Coop. Rakph Lewin est membre du PS. Il est marié, a deux enfants adultes et vit à Bâle.
Ralph Lewin est depuis octobre 2020 président de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), l'organisation faîtière des juifs suisses. Auparavant, il a travaillé dans la politique et l'économie, de 1997 à 2008 en tant que conseiller d'État du canton de Bâle-Ville, de 2010 à 2017 en tant que président du conseil d'administration de l'ancienne Banque Coop. Rakph Lewin est membre du PS. Il est marié, a deux enfants adultes et vit à Bâle.