Les patrons d'entreprises tech suisses tirent la sonnette d'alarme
«Depuis le Jour de la Libération, nous n'avons presque plus de commandes»

Depuis que Donald Trump inquiète le monde entier avec ses droits de douanes, les commandes des entreprises tech suisses s'effondrent. L'avenir de l'industrie, en mauvaise posture, compte sur le marché indien pour se redresser.
Publié: 11.06.2025 à 17:00 heures
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Ambiance morose à la Journée de l'industrie Swissmem mardi: les commandes manquent à tous les coins de rue.
Photo: Kim Niederhauser
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Christian Kolbe

L'avenir de l'industrie suisse vacille. Si celui des apprentis s'annonce dores et déjà prometteur en raison de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, C'est une autre histoire pour l'industrie des machines, des équipements électriques et des métaux. Ce qu'on appelle désormais la «Tech-Industrie» a connu huit trimestres négatifs, et les perspectives futures sont loin d'être roses. C'est pourquoi Guy Parmelin, ministre de l'Economie, s'est efforcé de rassurer les patrons lors de la Journée de l'industrie à Berne, ce mardi.

«Les temps sont difficiles pour l'industrie», résume ainsi le conseiller fédéral. «Les droits de douane aux Etats-Unis génère des incertitudes, mais beaucoup de choses sont également incertaines en Europe. Des pays comme l'Allemagne, qui font partie de nos principaux clients, ont aussi leurs propres difficultés», a-t-il déclaré. 

Des trous dans les carnets de commande

La Confédération peut-elle faire quelque chose pour l'industrie du pays? Les négociations avec les Etats-Unis sont en cours, mais la Suisse ne veut pas d'un accord qui serait jeté aux oubliettes après quelques semaines. «Nous cherchons une solution durable qui soit profitable aux deux parties», affirme Guy Parmelin dans un entretien avec Blick.

Pourtant, alors même que la Suisse négocie avec l'administration Trump, les affaires doivent continuer à tourner pour les entreprises. Mais «ce n'est pas une tâche facile», reconnaît Christian Holzgang, le directeur d'Amsonic KKS-Group. «Depuis le 'Liberation Day' du 2 avril, (ndlr: date à laquelle Donald Trump a annoncé des droits de douanes «réciproques»), nous n'enregistrons presque plus de commandes. Mais, nous devrions maintenant être en train de remplir nos carnets de commandes pour l'automne et l'année prochaine», explique-t-il.

Cette PME de 200 employés produit des installations de nettoyage de précision et de traitement de surface pour les secteurs pharmaceutique et medtech. L'entreprise était sur le point de conclure une grosse affaire lorsqu'un client étranger a retiré son accord. Cela car il ne savait pas exactement combien de droits de douane l'entreprise devrait payer aux Etats-Unis. «Il ne s'agit pas seulement des droits de douane pour les entreprises suisses, nuance alors Christian Holzgang. Nous sommes également préoccupés par l'incertitude des clients quant à leur situation douanière.»

D'après ce patron, le pire est encore à venir. «La situation douanière pourrait n'être réglée que dans un an ou plus tard. Nous vivrions alors la même situation que celle observée après la pandémie de Covid-19. D'abord personne ne commande, puis tout le monde en même temps», poursuit Christan Holzgang. Ce qui aurait de graves conséquences sur toutes les chaînes d'approvisionnement.

«Nous nous battrons»

Les temps sont difficiles pour les constructeurs d'installations. Personne ne veut dépenser autant d'argent pour les biens d'investissement, notamment dans un contexte économique où l'avenir est encore trop incertain.

C'est le cas pour Mikron, à Langenthal (BE). «Nous nous battons avec un avenir qui n'est plus planifiable. Chaque mois, de nouveaux impondérables s'ajoute à la liste», explique son CEO Marc Desrayaud. Toujours est-il que Mikron produit aussi aux Etats-Unis. L'entreprise peut donc, grâce à ses machines n'ayant aucune concurrence directe, répercuter la majeure partie des droits de douane sur ses clients. Pour autant que ceux-ci passent commande.

Une Inde pleine de promesses

Mais une lueur d'espoir perdure. Lors de la Journée de l'industrie, le ministre indien du Commerce et de l'Industrie Piyush Goyal a fait rire de nombreux participants malgré de sombres perspectives. Il a ainsi vanté les mérites de son pays. L'Inde possède le plus grand marché intérieur du monde et une main-d'œuvre jeune.

Même si les accords de libre-échange ne peuvent résoudre tous les problèmes, Eva Jaisli, présidente de l'outilleur PB Swiss Tools, reconnaît un grand potentiel dans l'accord avec l'Inde, conclu en 2024. La Journée de l'industrie a ainsi permis de discuter de l'avenir, notamment de la potentielle réduction des coûts liés aux exigences administratives indiennes.

«Nous devions payer en Inde des droits de douane outrageusement élevés de 22% sur nos outils. Si ceux-ci sont désormais en grande partie supprimés, c'est très prometteur pour nous», affirme Eva Jaisli, confiante de pouvoir augmenter sa part de marché en Inde.

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