Les 175 ans de la guerre du Sonderbund
Comment le général Dufour a sauvé la Suisse d'un bain de sang

Il y a 175 ans, les catholiques prenaient les armes en Suisse. Le mercredi 3 novembre 1847, les Uranais, passant par le col du Gothard, tentaient de pénétrer au Tessin pour vaincre les radicaux. Retour sur la guerre civile du Sonderbund.
Publié: 03.11.2022 à 19:01 heures
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C'est grâce au général Dufour que la guerre du Sonderbund n'a pas fini dans un bain de sang.
Photo: Keystone
Daniel Arnet

L'hommage aux morts de la Toussaint est à peine terminé que les catholiques prennent les armes: le mercredi 3 novembre 1847, une première attaque de la brigade uranaise a lieu sur le col du Gothard pour pénétrer au Tessin et y vaincre les soi-disant radicaux.

Cela fait exactement 175 ans que cette escarmouche a eu lieu. Elle marque le début de la guerre du Sonderbund. Cette guerre civile est restée le dernier conflit militaire sur le sol suisse. Elle dure moins d'un mois, ne fait pas plus d'une centaine de morts, 93 exactement. Et c'est grâce à ce conflit que la Constitution fédérale de 1848, de la confédération d'États à l'État fédéral actuel, est créée.

Dufour le héros

C'est au chef de l'armée de la Diète, le général Guillaume Henri Dufour (1787-1875), que l'on doit ce déroulement relativement bénin. Pour cet ingénieur, cartographe, homme politique et futur cofondateur du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il est important de ne pas humilier les cantons vaincus du Sonderbund.

Le Sonderbund est une association formée en 1845 par les cantons catholiques de Suisse centrale de Lucerne, Schwytz, Uri, Zoug, Obwald et Nidwald avec les cantons de même confession, Fribourg et Valais. Ils veulent ainsi s'opposer aux cantons libéraux, majoritairement réformés.

Photo: KEYSTONE

Dissolution du Sonderbund

Mais avec l'attaque du Gothard, le Sonderbund s'est discrédité en tant qu'alliance défensive. La Diète fédérale, l'assemblée des cantons de l'ancienne Confédération, décide donc le 4 novembre de dissoudre militairement le Sonderbund. A l'exception des deux cantons neutres de Neuchâtel et d'Appenzell Rhodes-Intérieures, tous envoient des soldats.

Environ 98'000 hommes des troupes de la Diète font face à 78'000 à 85'000 hommes de l'armée du Sonderbund. Mais au lieu de se taper sur la tête, le général Dufour choisit la tactique «manœuvrer au lieu de combattre». Intelligent, il fait d'abord encercler Fribourg, isolée du reste du Sonderbund, et y obtient une trêve.

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«Amitié extraordinaire»

Sous le titre «Einigkeit, Freiheit, Menschlichkeit» (ndlr: en français «Unité, liberté, humanité»), l'historien suisse Joseph Jung vient de publier un livre sur Dufour. Il y écrit: «Son secret consistait à ne pas orienter les événements vers la destruction et l'anéantissement, mais à réduire au maximum les blessures physiques et émotionnelles et à mettre fin à la guerre par la voie la plus rapide possible.»

Selon lui, cela a rendu l'Etat fédéral accessible aux perdants. Petit à petit, les cantons du Sonderbund négocient avec Dufour. La délégation schwytzoise rapporte qu'elle a été reçue par lui «avec une amitié extraordinaire», les envoyés de Nidwald parlent de «politesse vraiment française», et le gouvernement uranais remercie Dufour dans une lettre pour «l'accueil bienveillant» de sa délégation.

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Aucune intervention étrangère

Le 29 novembre 1847, les deux derniers cantons du Sonderbund, Uri et le Valais, capitulent, ce qui met fin à la guerre - et cela, sans l'intervention de puissances étrangères. Car, comme les séparatistes prorusses du sud-est de l'Ukraine aujourd'hui, le Sonderbund avait des soutiens idéologiques et matériels à l'étranger. A l'époque, il s'agissait des puissances conservatrices que sont l'Autriche, la Prusse et la Russie, ainsi que de la France catholique.

«Dans un premier temps, les puissances étrangères ont été surprises par la rapide marche victorieuse des troupes de la Diète», écrit Joseph Jung à propos de «l'exploit de Dufour». Mais le fait qu'elles n'aient pas envahi la Suisse à l'automne 1847 était tout autant lié à la stricte prise en compte de la population civile et des prisonniers ordonnée par le général.


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