Le statut S sur la sellette
«Poutine pourra alors remercier l'UDC et le PLR»

Le Conseil des Etats s'est prononcé en faveur de la limitation du statut de protection S. Mais tout doit encore se jouer la semaine prochaine, au Conseil national. L'administration craint que cette proposition nuise à la réputation de la Suisse.
Publié: 29.11.2024 à 20:00 heures
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Esther Friedli (UDC) souhaite que tous les Ukrainiens ne bénéficient plus d'une protection en Suisse.
Photo: keystone-sda.ch
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Sophie Reinhardt

Le Parlement serrera-t-il la vis la semaine prochaine sur le statut des Ukrainiens? Le Conseil des Etats a adopté cet été une intervention de la conseillère aux Etats Esther Friedli, de l'Union démocratique du centre (UDC). La Saint-Galloise a pour objectif de restreindre considérablement le statut de protection S par rapport à aujourd'hui. Concrètement, elle souhaite octroyer la protection uniquement aux personnes dont le dernier domicile se situe dans des régions en conflit, ou occupées par la Russie. 

Pour expliquer sa démarche, Esther Friedli a déclaré au Conseil des Etats que la solidarité dans son canton d'origine avait atteint ses limites. Un ras-le-bol illustré par une intervention adoptée par le Grand Conseil saint-gallois, qui demande l'abolition du statut S. «Il faut se concentrer sur les personnes qui ont vraiment besoin de protection», a insisté l'élue.

Le Conseil national se prononcera lundi sur cette question. La commission compétente recommande, de justesse toutefois, de rejeter cette demande. Le conseiller fédéral en charge du dossier, Beat Jans, s'était, lui aussi, opposé – en vain – à l'adoption de la motion d'Esther Friedli à la Chambre haute. «Il y a la guerre en Ukraine. La situation est instable dans tout le pays», a-t-il justifié. En plus de l'UDC, des membres du Parti libéral radical (PLR) et du Centre ont voté en faveur du durcissement. 

Les autorités fédérales inquiètes pour leur réputation

Mais la proposition d'Esther Friedli interroge. Des documents internes montrent que les autorités fédérales s'inquiètent de la réputation de la Suisse, dans le cas où la proposition de l'élue passe la rampe. Car accorder le statut S selon des spécificités régionales «n'est pas justifiable du point de vue de la politique étrangère», peut-on lire dans un document. «Cela pourrait être perçu comme un manque de solidarité de la part de l'Union européenne (UE), et en particulier de l'Ukraine, et serait en contradiction avec l'engagement de la Suisse pour la paix en Ukraine.»

Lors de la phase de consultation, le Département des affaires étrangères d'Ignazio Cassis ainsi que le Secrétariat d'Etat à la Formation, à la Recherche et à l'Innovation du conseiller fédéral Guy Parmelin ont indirectement souscrit à cette affirmation. Par ailleurs, l'équipe de Beat Jans craint qu'une suppression précoce du statut de protection S n'engendre un afflux soudain du nombre de demandes d'asile.

Les socialistes combattent la motion, le Centre est divisé

Le Centre est divisé, n'ayant pas adopté de position unanime sur la motion de Friedli. Chez les socialistes (PS), c'est tout le contraire: le parti affirme que la motion renvoie un mauvais signal en matière de politique étrangère et sécuritaire. «Poutine pourra alors remercier l'UDC, le PLR et une partie du Centre. Car ce relâchement de la solidarité européenne avec l'Ukraine sera vu en Russie comme un succès», déplore la coprésidente du groupe parlementaire PS au Parlement fédéral, Samira Marti.

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