L'Union suisse des paysans est incontournable, comme elle l'a encore prouvé lors de la session de printemps: toutes les propositions du Parti socialiste, des Vert-e-s et des Vert'libéraux pour une politique agricole plus respectueuse de l'environnement n'ont pas abouti.
La frustration est grande parmi les parlementaires du camp écologiste, d'autant plus qu'on y est convaincu que la population souhaite une réorientation de la politique agricole. Le président des Vert'libéraux, Jürg Grossen, fait référence à l'Assemblée citoyenne pour une politique alimentaire.
Cet organe de 80 membres, choisis au hasard parmi la population helvétique, s'est penché pendant des mois l'année passée sur ce que devrait être une politique alimentaire suisse durable. La volonté des organisateurs était d'impliquer dans le débat les consommatrices et les consommateurs.
«Propositions concrètes de la société civile»
Le projet a été lancé par trois groupes environnementaux, financé entre autres par des fonds de la Confédération et réalisé par Collaboratio Helvetica. Les recommandations de l’assemblée citoyenne vont tout à fait dans le sens de l'alliance environnementale au parlement.
Les participantes et participants ont ainsi plaidé pour moins d'importations d'engrais, moins d'animaux de rente ou un encouragement à la culture de produits durables. Toutefois, la mise en œuvre de ce type de demandes fait souvent défaut. En outre, si la réduction du nombre d'animaux d'élevage en Suisse entraîne une augmentation des importations de viande, les gains en termes de durabilité peuvent s'annuler.
Le chef des Vert'libéraux Jürg Grossen voit néanmoins dans ces recommandations la preuve que le Parlement fait de la politique agricole sans tenir compte de la population: «Jusqu'à présent, nous n'avons entendu de la part des représentants des paysans au Parlement que ce qu'ils ne voulaient pas. Maintenant, nous avons des propositions concrètes de la société civile pour une politique agricole durable.»
Jürg Grossen veut que la population soit entendue
Avec des représentants du PLR, du Centre, du PS et des Vert-e-s, le Bernois a donc déposé plusieurs interpellations afin de demander au Conseil fédéral comment ce dernier compte intégrer les résultats de l'assemblée citoyenne dans la future politique agricole. «Nous voulons nous assurer que les recommandations de l'assemblée et de la communauté scientifique ne soient pas balayées», explique Jürg Grossen.
La démarche n'est pas dirigée contre le monde agricole, souligne le politicien. «Nous voulons, avec les agriculteurs, obtenir une réorientation de la politique agricole qui prenne en compte l'ensemble de la chaîne de création de valeur.»
C'est précisément l'objectif que s'est fixé le Conseil fédéral: la future politique agricole doit impliquer tous les acteurs, de l'agriculteur au consommateur en passant par les transformateurs et les détaillants – et devenir plus écologique. Le gouvernement veut entre autres promouvoir une production respectueuse des animaux et une consommation durable.
L'USP s'oppose à l'assemblée citoyenne
L'Union suisse des paysans s'accorde sur cet objectif. Néanmoins, son président Markus Ritter ne voit pas d'un bon œil la démarche des Vert'libéraux et de leurs alliés. Selon Markus Ritter, l’assemblée citoyenne n'a aucune légitimité: «Il n'y a pas besoin d'un autre organe que le Parlement et les différents groupes déjà consultés par la Confédération. Et encore moins de financer un tel projet avec l'argent du contribuable.»
Le conseiller national du Centre et agriculteur bio explique avoir pris connaissance du rapport de l'assemblée citoyenne: «Il est passablement large et nous n'avons pas pu en tirer grand-chose.» Face aux interventions parlementaires relayant ces demandes, Markus Ritter réagit avec un sourire fatigué. Selon lui, ce sont les mêmes organisations que celles derrière l'assemblée citoyenne qui en sont à l'origine: «Elles veulent sans doute pousser plus loin pour gagner encore plus d'argent.»
L'avis du chef de l'Union des paysans ne fait donc aucun doute. Si Jürg Grossen aspire sérieusement à une collaboration avec les paysans, ceux-ci devront faire un grand pas vers lui – et lui devra tendre la main beaucoup plus loin.