Les pensées suicidaires, la violence intrafamiliale, le harcèlement moral et les violences sexuelles suscitent de plus en plus de demandes auprès du service d'urgence 147 de Pro Juventute. Pour tenter d'éclairer ce phénomène, nous avons interviewé Helay Fatah, membre du Conseil des Jeunes de la Ville de Lausanne.
Helay Fatah, les dernières statistiques de Pro Juventute montrent une augmentation des appels à l’aide venant de jeunes et d’enfants. Cela vous étonne?
Beaucoup de jeunes sont au bord du gouffre sur plein de thématiques. Les statistiques sont largement sous-estimées selon moi, parce que certains n’arrivent pas à mettre des mots sur leur mal-être. Donc non, cela ne m’étonne pas. En réalité, les adultes n’ont aucune idée de la détresse qui frappe les jeunes. Quand on parle avec eux, on réalise aussi que beaucoup de jeunes sont stressés parce que les adultes le sont également.
Il faudrait en faire davantage en matière de prévention?
Cette thématique allume tout le monde, mais la manière dont les adultes la prennent en mains est très maladroite, car ils sont dépassés et utilisent des méthodes vieux-jeu. La nouvelle génération accède aux informations beaucoup plus rapidement. En matière de prévention par exemple, les adultes vont passer beaucoup de temps à expliquer des choses auxquelles l’IA peut répondre immédiatement. Aujourd’hui, si un jeune veut savoir comment faire pour son premier baiser, il demande à chat GPT.
Au-delà du stress communicatif des adultes, comment expliquez-vous ce mal-être?
C’est une génération qui a peur de faire des erreurs. Comme les jeunes ont accès à toutes les informations sur tout en permanence, ils ont peur de ne pas réaliser le bon choix. Par ailleurs, le fait qu’ils puissent utiliser ces outils que les adultes ne savent pas maîtriser fait peser sur eux un poids énorme. C’est comme si les adultes se déresponsabilisaient par rapport à ce monde-là. Ils mettent les jeunes en garde sur les dangers des réseaux sociaux, mais ce sont les premiers à se laisser avoir par les fausses informations qui y circulent. C’est un peu «faites ce que je dis, pas ce que je fais». Résultat: la charge mentale qui pèse sur les jeunes est énorme.
La charge mentale?
Oui, c’est une expression que l’on utilise souvent concernant le couple et les tâches ménagères, mais elle s’applique aussi aux jeunes. Avec la place du numérique, du téléphone portable, des réseaux sociaux, ils emportent avec eux leur école, leurs camarades et leur famille en permanence, et peuvent être sollicités par tout le monde en même temps. Il faut leur apprendre à ralentir.
La question de la santé mentale est également très présente sur les réseaux sociaux comme TikTok.
On vit aussi à une époque où il faut toujours tout définir: troubles de l’attention, troubles neurologiques, mal-être mental, comme s’il fallait absolument trouver de quoi on souffre. Or, personne n’a une santé mentale parfaitement équilibrée.
Que pourrait-on mettre en place pour améliorer les choses?
Une solution serait des congés en plus, pour que les jeunes puissent développer des passions en dehors de l’école. Parce que l’école est une grande source de stress, particulièrement durant les dernières années de scolarité.
Pour quelle raison?
Ce qui augmente le stress, c’est le sentiment de solitude. Ils ont l’impression que le choix, la réussite repose sur leurs seules épaules. Par ailleurs, ils développent une vision globale de ce qu’est la réussite via les réseaux sociaux. Il faut leur expliquer qu’ils ne sont pas obligés d’être parfaits. Et leur apprendre à raisonner en termes d’environnement où ils se sentent bien, plutôt que de métier. On ne les encourage pas assez à expérimenter. Moi par exemple, j’ai 23 ans et j’ai envie de faire un stage d’apicultrice parce que c’est un monde qui me fascine.
Les consultations pour du harcèlement sont aussi en augmentation. Pourquoi selon vous?
Les possibilités de harceler se sont démultipliées. Une culture du jugement est entretenue sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, tout devient cringe (gênant), parce que les commentaires négatifs sont normalisés. Cela a aussi des répercussions dans la vraie vie.
Que faire pour y remédier?
Avec le Conseil des gymnasiens vaudois, nous avons lancé une action contre le harcèlement, qui se renouvelle chaque 1er mai. Les gymnasiens sont invités à venir en t-shirt blanc en signe de bienveillance, tolérance et solidarité.
Mais des outils sont déjà en place pour lutter contre le harcèlement dans les écoles, non?
Quand ces actions nous ont-elles été présentées? Jamais. On crée des collectifs pour que les jeunes puissent être touchés plus facilement, mais les institutions publiques ne communiquent pas directement avec nous. Le seul endroit où les jeunes sont entendus, c’est sur les réseaux sociaux. Il faut relever aussi que le harcèlement et l’intimidation sont aussi le fait de professeurs. C’est même là que ça commence.
Ces services sont disponibles 24 heures sur 24:
- Consultation téléphonique de la Main Tendue: téléphone 143 www.143.ch
- Conseil téléphonique de Pro Juventute (pour les enfants et les jeunes): téléphone 147 www.147.ch
Urgences médicales: 144
- Autres adresses et informations: https://www.parler-peut-sauver.ch/
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