Le 07 avril dernier, soit le Vendredi saint, le TCS annonçait à 13h près de 22 kilomètres de bouchons au Gothard, avec des retards parfois estimés à 3h40... Deux mois plus tard, le 4 juin, une file interminable de voitures s'étirait sur 20 kilomètres devant le portail sud... Puis le 22 juillet, un engorgement de 16 kilomètres avait fait perdre trois heures aux automobilistes.
Ces trois exemples montrent le pire du Gothard: des embouteillages monstrueux. Et des fermetures à répétition! Rien qu'en juillet, le tunnel a été verrouillé 36 fois en raison de pannes ou d'accidents.
Fin octobre 2023, il y a eu 1463 heures de bouchons en direction du sud, et 1513 heures en direction du nord. C'est ce que montre un rapport exclusif de Viasuisse, réalisé pour Blick.
En se basant sur les données de cette année, la durée totale des embouteillages sur l'A2 devraient se situer l'an prochain entre 1500 et 1700 heures pour chaque sens de circulation, selon les estimations du rapport. Un record! Et ce, alors que des embouteillages exceptionnels avaient déjà été mesurés l'année dernière. Par rapport à 2012, la durée totale des embouteillages a même doublé!
Ça bouchonne tout le temps
Selon l'Office fédéral des routes (OFROU), l'engorgement du Gothard est principalement dû à l'augmentation du trafic dit de tourisme, lequel explose en période de vacances. Les embouteillages les plus importants ont ainsi eu lieu lors de certaines fêtes de printemps, comme Pâques, l'Ascension ou la Pentecôte, ainsi que pendant les mois de juillet et août.
«En 2022, les embouteillages ont été plus fréquents de la mi-mars à la mi-octobre, et ce tous les week-ends», indique le dernier rapport de l'OFROU. Une tendance qui s'est maintenue en 2023.
Le porte-parole Thomas Rohrbach précise pour sa part: «Le trafic évolue.» Désormais, les voyageurs partent de plus en plus souvent en vacances le jeudi. Ce jour-là, le risque d'embouteillage devient donc particulièrement élevé. D'autres ne rentrent que le lundi ou le mardi, en espérant éviter les embouteillages. Mauvaise idée: «Ceux-là risquent de se retrouver piégés par tous ceux qui se rendent au travail.»
Pas conçu pour absorber autant de voitures
Malgré des embouteillages records, la capacité du Gothard à absorber le volume de voitures n'a augmenté que modérément. Alors qu'en juillet 2019, 750'000 véhicules empruntaient le tunnel, ils étaient un peu plus de 810'000 en juillet 2022. Pourquoi? Parce que la capacité du tunnel est limitée à 1000 véhicules par heure. Quelques véhicules de plus, et le trafic est paralysé.
Ce qui, en plus, s'avère être un vrai problème pour les Uranais. Les automobilistes qui empruntent les routes de campagne et d'autres déviations pour éviter les bouchons sont en effet devenus une plaie pour les habitants de la région. Car non seulement ils encombrent des villages comme celui de Wassen, mais ils gênent aussi les transports publics.
La situation a poussé l'OFROU et la police cantonale uranaise à prendre une mesure radicale: il n'est plus possible de rouler à 80 km/h sur l'A2 à partir d'un bouchon de plus de 8kms.
D'autres axes concernés
En 2022, 39'900 heures d'embouteillage ont été enregistrées sur les routes nationales suisses. C'est deux fois plus qu'en 2010!
Mais le Gothard ne fait pas figure d'exception. Les routes sont de plus en plus engorgées. Sur trois heures en Suisse, on compte par exemple une heure de bouchons sur le tronçon de l'A1, entre Gubrist et Winterthur (ZH).
D'autres axes, comme ceux entourant les villes de Bâle, Berne, Genève, Lucerne, Saint-Gall, Lugano et Bellinzone, de même que l'A1 entre Aarau et Soleure préoccupent désormais l'OFROU.
Un projet de péage très controversé
Pour Thomas Rohrbach, l'explication à l'augmentation du trafic et à l'explosion des embouteillages est simple: «De nombreux tronçons se situent en zones dites «instables»: «Il suffit de trois fois rien dans un trafic dense – un changement de voie au mauvais moment, pour provoquer des freinages en cascade et arrêter le trafic.»
Et selon le porte-parole de l'OFROU, la situation ne s'améliorera pas au Gothard: «C'est un vrai goulot d'étranglement et il le restera.»
D'ailleurs à Berne, l'heure ne semble pas à la résolution de ce problème. Pour certains, il s'agirait même de l'aggraver avec l'installation de péages, un projet qui avait déjà été discuté au Parlement en 2014, puis clairement rejeté. L'idée d'une deuxième voie pour le tunnel du Gothard avait, elle aussi, été rejetée à deux reprises, avant que le peuple n'accepte finalement le projet en 2016.