Il y a un mois, lors de sa première participation à Roland-Garros, Ylena In-Albon a réalisé une bonne opération. La Valaisanne a réussi à se hisser dans le tableau principal à Paris, en passant par les qualifications. Si elle y a été éliminée au premier tour, elle a tout de même empoché 69 000 francs. «Une somme énorme», comme l'a laissé entendre la 160e joueuse mondiale. «Enorme» pour une joueuse de son envergure, qui se situe à mi-chemin entre les petits tournois ITF et le circuit principal WTA et qui représente donc la majeure partie des joueuses professionnelles à l'heure actuelle en Suisse. Elles font certes partie de l'élite mondiale, mais couvrent souvent tout juste leurs propres frais.
L'exemple In-Albon montre toute l'importance que revêt une participation aux tournois du Grand Chelem. Comme à Roland-Garros, Wimbledon distribue cette année de nouvelles sommes record. Un total de 50,88 millions de francs suisses sera versé à Londres en 2023. La seule participation au premier tour du tableau principal vaut plus de 62 000 francs.
Quand un joueur professionnel parvient à se classer dans le Top 100 mondial (ce qui offre automatiquement un billet pour le tableau principal) et qu'il parvient à s'y maintenir, les quatre Majeurs de l'année lui garantissent déjà un revenu de base solide. Une sécurité financière rassurante au moment de planifier sa saison, mais qui est loin d'être la réalité pour la plupart des joueurs et qui ne s'applique qu'aux meilleurs.
Ceux qui n'ont, comme In-Albon, pour l'instant, pas réussi à entrer dans le Top 100 mondial et à s'y stabiliser, doivent se débrouiller autrement. Les voyages, l'hébergement, la nourriture, l'équipement, les traitements psychologiques et médicaux - tous ces aspects du tennis rendent la vie sur le circuit extrêmement coûteuse. Sans parler d'embaucher un coach ou un physiothérapeute pour voyage en permanence avec l'athlète.
Lors des tournois Challenger, les événements de deuxième niveau chez les hommes, une défaite au premier tour rapporte environ 700 euros. Ylena In-Albon a récemment gagné 1000 euros à Valence lors d'un tournoi WTA 125, où elle a été éliminée au premier tour. Si elle avait triomphé dans le sud de l'Espagne, la prime aurait été d'environ 15 000 francs. Tout en sachant que, dans tous les cas décrits, il faut encore en déduire l'impôt à la source.
Hüsler a revu son budget à la hausse
Marc-Andrea Hüsler, actuellement le Suisse le mieux classé (no 83 mondial), a adapté son budget après sa belle année dernière. Pour le SonntagsBlick, le Zurichois donne un aperçu de la planification de ses dépenses: «Avant, je comptais environ 100 000 francs par saison. Maintenant, c'est à peu près le double». Un chiffre qui ne prend pas compte des frais qu'il doit assumer en dehors des déplacements, lorsqu'il est chez lui, en Suisse.
La somme de Hüsler correspond à peu près au montant calculé par la fédération suisse il y a quelques années. A l'époque, Swiss Tennis avait estimé un montant d'environ 150'000 francs pour une saison, ce qui représentait «une valeur moyenne pour un sport hautement individualisé».
La raison de l'augmentation du budget de Hüsler est logique du point de vue de la trajectoire que prend sa carrière. S'il veut faire continuer de progresser et se maintenir parmi l'élite, il a besoin de conditions idéales. Pour cela, il a fait appel à Ronnie Schildknecht, qui s'occupe entre autres de ses relations avec les médias. Il a aussi engagé Thiemo Scharfenberger en tant que coach. Ce dernier se rend avec Hüsler sur tous les tournois. Il fait l'économie d'un physio, mais fait appel à celui mis à disposition par chaque tournoi, quitte à devoir attendre un rendez-vous plus longtemps.
«Je me considère extrêmement chanceux d'avoir eu la possibilité d'investir dans ma carrière. Cela n'a été possible que grâce à mes parents et à de généreux sponsors», déclare le Zurichois. Depuis qu'il s'est détaché financièrement de Swiss Tennis, il est encore plus conscient qu'"il faut toujours continuer à investir». Mais Hüsler l'a bien compris: Si une prime peut paraître élevée sur le papier, elle disparaît aussi en un clin d'œil.
Stricker mise près d'un demi-million par an
Stephan Stricker en sait quelque chose. Le père du talentueux Dominic Stricker gère la carrière de son fils. Il fait le calcul: «Lorsque Domi a remporté le tournoi Challenger de Prague en mai, il a reçu l'équivalent de 9600 francs de gain. Il avait avec lui son entraîneur Didi Kindlmann et un physio. Au total, ces journées ont représenté pour nous un coût de 10 000 francs».
Pour l'actuel numéro 117 mondial, le budget annuel est d'environ un demi-million de francs, ce qui fait de ce tennisman en devenir une exception absolue à ce niveau, en comparaison nationale.
Stricker, qui a remporté le titre junior à Roland-Garros 2020, est très demandé par les sponsors. Ceux-ci ont tous le même objectif: que le jeune Bernois franchisse bientôt le cap du Top 100 et prenne son envol. «Nous nous disons très clairement : nous allons investir les deux prochaines années. C'est maintenant que l'on décide de la direction à prendre. Notre stratégie est: all-in!», déclare Stephan Stricker.
C'est exactement ce que le capitaine de l'équipe de Suisse de Coupe Davis et ex-entraîneur de Federer Severin Lüthi a récemment exigé des jeunes joueurs dans le Blick. «Cela me montre aussi à quel point quelqu'un croit vraiment en lui», résume-t-il.
Pendant leur formation, mais aussi après, les joueurs de tennis suisses peuvent compter sur le soutien de la fédération. Swiss Tennis investit chaque année 700'000 francs dans les tournois internationaux se déroulant dans notre pays. Ils garantissent ainsi aux talents locaux des places dans les tableaux et des frais de déplacement réduits.
Les joueurs de la relève peuvent s'entraîner gratuitement, ou à bon prix, avec l'aide la fédération. «Ils doivent ensuite créer leur propre start-up. Et ce, au moment où quelqu'un est sur le point d'entrer dans le top 300», explique Alessandro Greco, responsable du sport d'élite chez Swiss Tennis. Au total, la fédération investit «de manière très flexible et orientée» dans le sport d'élite, vers toutes les catégories d'âge, environ trois millions de francs.
«L'argent n'est pas ma motivation principale».
Swiss Tennis met également à disposition, selon les cas, un financement de départ. Dans le cas de Jil Teichmann (WTA 129), cette aide s'élevait par exemple à 50 000 francs par an, en plus de l'aide de quelques sponsors. Le montant et la durée de ce soutien sont évalués individuellement. «Pour Roger Federer, il n'y en avait plus besoin après un ou deux ans», dit Greco en souriant. «Nous sommes très flexibles dans notre concept, car nous n'avons pas autant de joueurs que les grandes nations», ajoute-t-il. Dominic Stricker, par exemple, a été mis à la disposition de l'entraîneur de la fédération Sven Swinnen à des conditions convenues mutuellement. Mais désormais, le jeune joueur doit s'autofinancer.
Selon l'accord, il se peut aussi qu'un professionnel ait conclu un contrat «payback» avec la fédération. Autrement dit, il doit rembourser une partie du soutien financier à la fédération. «Au maximum à 50 pour cent», précise Greco.
Pour vraiment bien gagner sa vie grâce au tennis, il faut monter très haut. «A partir du top 20, cela commence vraiment à valoir la peine pour l'avenir», explique le père Stricker. Pour Hüsler, l'essentiel est ailleurs: «L'argent n'est pas ma motivation principale dans le tennis. C'est toujours une passion pour moi».