«Au début, c’est vrai que tu es un peu dans l’euphorie, tu regardes autour de toi, tu vois des joueurs comme Luka Modric ou Adrien Rabiot. Mais après, tu t’y fais. Tu n’as pas trop le temps de rêver: tu t’entraînes dur, tu veux jouer. Tu dois te concentrer.» Zachary Athekame a changé de monde voilà quelques mois, au moment de signer à l’AC Milan, ce monument du football mondial. Tout est allé tellement vite pour ce jeune homme, «viré», selon sa propre expression, du Servette FC pendant le Covid, et qui porte désormais les couleurs des Rossoneri après avoir rebondi à Meyrin, puis Xamax et enfin Young Boys.
Servette le vire pendant le Covid
«C’est ma voie, mon parcours. Quand je dois partir de Servette, je ne lâche pas. Je ne me dis pas que c’est injuste ou que sais-je, je me dis juste que je vais y arriver via un autre moyen. J’ai toujours eu la foi», témoigne-t-il aujourd’hui, sans aucun sentiment de revanche vis-à-vis du SFC, en tout cas dans le discours. «Je n’ai pas tout fait juste. C’était une période compliquée: je n’étais pas au top, il y avait aussi des soucis scolaires, j’ai raté quelques rendez-vous... Ils ont fait un tri, et j’ai fait partie des joueurs qui ont été écartés. Il faut dire aussi qu’à l’époque, il n’y avait pas la catégorie M17, donc le saut était grand entre M16 et M18, et de nombreux joueurs ont dû partir.»
A Xamax, trois années magnifiques
Alors, le jeune «Zach», caractère bien affirmé, rebondit à Meyrin. «J’y ai retrouvé la confiance et le plaisir de jouer. Puis j’ai eu l’opportunité d’aller à Neuchâtel Xamax. J’ai passé là-bas trois des plus belles années de ma vie. J’y ai énormément appris, c’est un club familial, j’y reste très attaché», témoigne-t-il aujourd’hui qu’il évolue dans l’un des plus grands clubs du monde.
Alors, Zachary, c’est comment de côtoyer Luka Modric à l’entraînement? Ose-t-on le tacler pour s’affirmer? «Non, je ne lui mets pas de coups, c’est une légende, il faut respecter (rires)! Mais à l’entraînement, il est comme nous, c’est un être humain comme tout le monde. Il faut rester sérieux, pas être dans l’admiration», répond-il avec humilité, mais aussi ambition.
Une étape intermédiaire? Non merci
«Si j’ai signé à Milan, c’est aussi parce que j’ai des objectifs. Je préfère les garder pour moi, mais j’ai envie de les atteindre. C’est aussi pour ça que je n’ai pas hésité quand mon agent m’a parlé de la possibilité d’y signer. Je vais être honnête: je n’ai pas sauté partout ou crié de joie. Pas du tout. Attention, je suis content et fier, ça oui. Mais ça a tout de suite été clair que j’allais dire oui.» Ne voulait-il pas d’une étape intermédiaire comme a pu le faire par exemple Dan Ndoye en allant à Bologne?
N’a-t-il pas eu peur que Milan soit un frein dans sa progression, du fait de la grandeur du club ? La réponse est clairement non. «Je sais ce que je veux. Je respecte chacun et les décisions sont individuelles. La mienne, c’est celle-là, et je l’assume. Et je peux déjà dire que je ne regrette pas.»
Un but à San Siro pour sa famille
Massimiliano Allegri le fait entrer à chaque match et il a déjà eu l’honneur de marquer son premier but, décisif qui plus est, face à Pisa (2-2) dans les arrêts de jeu. Passe décisive de Modric, but d’Athekame à San Siro, pas mal non? «Oui, mais quand je marque, ma première pensée elle n’est pas pour moi. Bien sûr que le chemin parcouru m’est venu en tête à un moment, mais j’étais surtout heureux pour mes proches. Je savais qu’ils devaient être comme des fous devant la télévision… Ce sont eux qui parfois me rappellent ce que je vis. Sur le moment, tu ne réalises pas trop. Tu enchaînes les matchs, les échéances, les entraînements…»
Gamin, le jeune «Zach» descendant jouer en bas de chez lui, pas loin de l'endroit où Johan Manzambi a grandi. «On se connaît très bien, depuis qu’on a 13 ans je dirais. On habitait à dix minutes l’un de l’autre. Au début, j’étais attaquant. Puis, en grandissant, j’ai reculé. Quand on est passé du foot à 7 au foot à 11, j’ai trouvé ma place comme latéral droit.» Un poste qui l’a donc mené jusqu’au grand AC Milan. «Quand je pense à ce club, je pense à Ronaldinho, Kaká, Maldini. Ce sont des légendes. C’est incroyable de marcher dans leurs pas», reconnaît-il, lui qui vit seul à Milan, où son frère vient parfois le retrouver. «Ma famille est restée à Genève», confie-t-il.
La France vendredi, attention!
Cette semaine, il se trouve donc à Lausanne, à quelques dizaines de kilomètres de la maison, pour préparer le gros choc face à la France, vendredi à la Tuilière. Il s’y trouve avec les M21, pas avec les A, qu’il avait rejoint en octobre en Slovénie pour son tout premier rassemblement, lui qui avait été appelé en urgence à la suite de la blessure d’Isaac Schmidt.
«Une fois que tu as goûté aux A, tu veux forcément y retourner. Mais il faut respecter les choix du sélectionneur. Je donne tout avec les M21, et si je suis appelé, tant mieux.» Il aura l’occasion de prouver sa valeur vendredi face aux féroces attaquants français, qui s’alignent avec une attaque composée de joueurs comme Senny Mayulu (PSG), Mathys Tel (Tottenham), Kader Meïté (Rennes), Wilson Odobert (Tottenham) et Eli Junior Kroupi (Bournemouth)! «C’est le haut niveau, c’est clair. Mais on a aussi une bonne équipe», sourit le Genevois, qui aime faire honneur à sa ville.
Genève, cette ville pleine de talents
«Genève, c’est une ville avec beaucoup de talent, dans le foot mais aussi ailleurs. Quand tu viens de là, tu es fier. Les Genevois, on ne se cache pas. C’est ancré en nous. Quand on se croise, on se chambre un peu, on rigole, mais c’est toujours avec fierté. On est particuliers, on connaît notre réputation et on en joue. Je ne connais pas tous les autres pros genevois personnellement, mais plusieurs oui: Johan Manzambi, Tiemoko Ouattara, Roggerio Nyakossi.. On a joué ensemble jeunes. Ceux d’autres générations, je les connais surtout de nom.» Et si lui veut faire connaître le sien aux plus jeunes, c’est plutôt bien parti.