Sur les traces de Pia Sundhage
Globe-trotteuse, coach de la Suisse et icône du foot féminin

L’Euro à domicile débute dans dix jours. Mais la pression monte autour de la sélectionneuse Pia Sundhage, critiquée pour les mauvais résultats récents. Blick l’a rencontrée chez elle, en Suède.
Publié: 22.06.2025 à 22:09 heures
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Pia Sundhage croque dans un Kanelbulle fourré au pudding à la vanille.
Photo: BENJAMIN SOLAND
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Christian Finkbeiner

Lorsque l’ASF annonce en janvier 2024 que Pia Sundhage (65 ans) dirigera la Nati à l’Euro 2025 à domicile, l’espoir est immense. Qui d’autre que cette Suédoise au palmarès impressionnant pour emmener la Suisse vers de nouveaux sommets? Mais dix jours avant le début du tournoi, l’euphorie a laissé place à la désillusion.

Au moment où Sundhage a pris ses fonctions, la Suisse était 14e nation européenne au classement mondial de la FIFA. Une position qu’elle occupe toujours. Après une montée en Ligue des Nations, la relégation a suivi. Des progrès dans le jeu? Aucun signe tangible. Et dernièrement, même le camp de préparation pour l’Euro a essuyé quelques critiques.

Cela rappelle étrangement la situation d’il y a deux ans, à la veille de la Coupe du monde 2023, lorsque Inka Grings (46 ans) était à la tête de la sélection. Dans l’opinion publique aussi, le vent a tourné. Au lieu d’un engouement pour ce grand rendez-vous, le doute domine. Ces dernières semaines, certains ont même, en privé, demandé le départ anticipé de la double championne olympique, qui avait mené la Suède en demi-finale de son Euro à domicile en 2013.
Mais la Scandinave connaît ce genre de tempête. «Si on ne peut pas gérer ça, autant rentrer chez soi et faire autre chose», tranche-t-elle.

Difficultés prévisibles

Un vent froid souffle aussi au visage de Pia Sundhage lorsque Blick la rencontre à Stockholm, en mai. Dans la vieille ville de la capitale suédoise, elle donne rendez-vous autour d’un café et d’un kanelbulle, célèbre pâtisserie locale. Si elle a longtemps joué et entraîné dans le quartier de Hammarby, elle affirme ne pas être une citadine. Elle préfère la campagne, où elle possède une maison d’été, non loin de Stockholm.

Ce jour-là, le printemps est encore mordant. L’Euro semble lointain, mais la sélectionneuse pressent déjà que le chemin jusqu’au tournoi ne sera pas simple. «Je ne suis pas là où je veux être avec cette équipe», lâche-t-elle. Ou encore: «Il manque d’émotions dans notre vestiaire», «Nous n’osons pas faire d’erreurs». Des phrases qu’elle prononce avec sa franchise habituelle, mais aussi beaucoup de calme. Ni frustration, ni inquiétude, ni doute apparent. «Gérer cela, c’est mon métier.»

Dans les prochains jours, les projecteurs seront braqués sur elle. Et une question sera centrale: pourra-t-elle redresser la barre le moment venu? Mais qui est Pia Sundhage, au fond? Quelles sont ses racines ? Qu’est-ce qui a fait d’elle une joueuse d’exception, puis une entraîneuse encore meilleure?

Sa mère lui a donné des ailes

Pour comprendre la championne d’Europe 1984 en tant que joueuse, et double championne olympique 2008/2012 comme coach, il faut revenir à ses origines. Pia Sundhage naît en 1960 à Ulricehamn, petite ville de l’ouest de la Suède. Cette année-là, Armin Hary bat le record du monde du 100 mètres au Letzigrund (10’’0), It’s Now or Never d’Elvis Presley cartonne, et John F. Kennedy devient président des États-Unis. Le football féminin, lui, est encore interdit dans bien des pays européens.

Elle grandit dans un village de 250 habitants, troisième enfant d’une fratrie de six. Son père, chauffeur de bus, lui inculque des valeurs traditionnelles, non sans humour. Sa mère, serveuse, rentre souvent tard du travail. «J’ai eu des parents formidables», raconte Sundhage. Si son père lui rappelait sans cesse de «ne pas faire de folies», sa mère, elle, l’encourageait à suivre son instinct. «Elle m’a donné des ailes.»

Sa sœur cadette a six ans de moins, et leurs centres d’intérêt diffèrent. Pia est la seule passionnée de foot. Leur mère veille pourtant à ce que chacun ait son moment lors des jeux communs. «Je trouvais les chevaux de ma sœur aussi ennuyeux que les trains de mon frère, se souvient-elle. Lorsque c’était mon tour, ils devaient me supporter pendant que je leur tirais dessus avec un ballon.»

Le ballon, elle l’envoie aussi contre la porte du garage, parfois dès 7 heures du matin, au grand dam de sa mère encore endormie. «J’étais déjà une emmerdeuse.» Plus tard, elle joue avec les garçons du quartier, se fait appeler «Pelle» pour intégrer une équipe locale. À l’école, elle traîne aussi avec eux. Pas par rejet des autres, mais parce qu’elle se sentait différente. «On ne s’est jamais moqué de moi.» Elle aime apprendre, respecte les profs. «J’ai toujours fait ce qu’ils me disaient.»

Une voix pour le football féminin

Après le lycée, elle étudie le sport à Stockholm. Sa seconde passion, c’est la musique. Une guitare l’accompagne partout – encore aujourd’hui. Contrairement au foot, où elle recherche la perfection, elle accepte de jouer faux. Adolescente, elle découvre Simon & Garfunkel, Bob Dylan et Bruce Springsteen, toujours ses favoris. Abba? Très peu pour elle. «Tout le monde aimait ça, mais pas moi.» Elle préfère le Hoola Bandoola Band, groupe local de protestation sociale.

À cette époque, rien ne laisse deviner qu’elle contribuera un jour à faire évoluer la société. Certes, le foot féminin n’en est qu’à ses débuts, mais elle n’est pas seule dans son combat. «Beaucoup de femmes pensaient comme moi. C’était un mouvement. On se battait, bien sûr, mais on était bien entourées. La fédé suédoise avançait pas à pas.»

Aujourd’hui, Sundhage utilise sa notoriété pour défendre ce sport partout dans le monde, mais surtout en Suisse, depuis 17 mois. Que ce soit au bar Didi Offensiv à Bâle, lors de tables rondes ou avec des journalistes, elle veut aller au-delà des simples résultats. «Plus je donne d’interviews, mieux c’est. Ça montre que les gens s’intéressent à notre cause.»

Une force familiale

Si elle parle volontiers d’elle, Pia Sundhage reste discrète sur sa vie privée. Elle trouve sa force dans sa famille, même si elle n’a jamais voulu fonder la sienne. «Je n’aime pas particulièrement les enfants», dit-elle. Une déclaration critiquée en Suède. Mais pour elle, ne pas avoir d’enfants était une façon de dire oui au monde. «Je pouvais faire ce que je voulais, sans devoir penser aux autres.»

Ses frères et sœurs restent très proches. Lorsqu’elle rentre chez elle, elle rend régulièrement visite à sa sœur Marita, monitrice d’équitation dans le sud de la Suède. Ensemble, elles ont acheté un cheval, Flippan – financé en grande partie par Pia. «La solidarité a toujours été essentielle dans notre famille. On s’est toujours soutenus. C’est encore le cas.»

Elle a récemment découvert l’équitation. Être élève à nouveau lui sert aussi dans son métier. «Tout ce que je transmets comme coach, je l’ai lu, entendu ou vécu. Par exemple dans mes cours d’équitation. La confiance, la communication, le retour d’information: tout est là. Et quand tu progresses, tu as envie d’en apprendre encore plus.»

Son style de management reste marqué par ses origines suédoises, ancrées dans une culture socialiste. «Chacun fait partie d’un tout, d’un collectif.» Mais aujourd’hui, dit-elle, «l’esprit d’équipe n’est plus une évidence. Il faut le cultiver». Un changement sociétal profond. «Quand on était gamins, on allait au lac seuls, sans adultes. On prenait soin les uns des autres. Aujourd’hui, c’est différent.»

Son plan: attiser les émotions

Ses expériences à l’étranger ont aussi façonné sa vision. Elle dit avoir gardé de chaque culture un élément précieux. Des États-Unis, elle retient la confiance et la culture de la gagne. Du Brésil, l’émotion brute. «Les deux sont contagieux.» En Suisse, elle découvre un nouvel environnement. En prenant la tête de la Nati en 2024, elle hérite d’un groupe moyen sportivement, en transition. Les cadres comme Lia Wälti (32 ans) arrivent en fin de parcours, une jeune génération très douée pousse. Très tôt, elle lance un message clair: «Essayez de vous sentir bien, même quand vous êtes en dehors de votre zone de confort.»

Mais jusqu’ici, elle n’a pas réussi à insuffler ce changement de mentalité. «Mes joueuses sont correctes, ce que j’apprécie parce qu’elles sont ponctuelles, fiables, dignes de confiance. Mais je n’aime pas qu’elles soient trop correctes. Elles ont peur de se tromper. Elles ne sortent pas encore de leur zone de confort.»

Le 2 juillet approche. Il ne reste que quelques jours à celle qui fut sacrée entraîneuse mondiale de l’année 2012 pour rallumer la flamme chez ses joueuses. «Je veux et je dois attiser les émotions d’ici le début du tournoi», dit-elle avant de nous quitter à Stockholm. Elle attend de ses joueuses qu’elles la surprennent, qu’elles osent l’inattendu. «Mais c’est à moi d’appuyer sur les bons boutons.»

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