Sur le terrain et en dehors
Adrian Ursea, le stratège a toujours un coup d'avance

Yverdon a éliminé le Lausanne-Sport de la Coupe de Suisse à la régulière, après avoir déjà sorti le Servette FC. Cette réussite porte bien sûr la patte de son entraîneur Adrian Ursea, lequel est aussi fort sur le terrain qu'en dehors pour faire passer ses messages.
Adrian Ursea l'assure: le coup de pression médiatique de son président Jamie Welch n'a eu aucune influence sur sa manière de travailler.
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Tim GuilleminResponsable du pôle Sport

Adrian Ursea ne changera jamais. Ou alors quand il en aura terminé avec sa carrière d'entraîneur, mais certainement pas avant. Interrogé par Blick sur ce qu'il avait préféré lors de la victoire 2-1 de son équipe face au Lausanne-Sport mercredi en Coupe de Suisse, l'entraîneur d'YS a répondu fidèle à lui-même: la performance globale. Pas le résultat, qui n'est qu'une conséquence et pas un objectif.

«Vous me parlez du fait d'éliminer une équipe de Super League. Mais moi, ce n'est pas ce que j'ai dit aux joueurs avant le match. Je leur ai dit que ce match était idéal pour nous permettre de vérifier où nous en sommes dans notre projet de jeu. Affronter une équipe de Super League, c'est un marqueur important dans une saison pour voir où on en est. Comme contre Servette au tour précédent ou comme à Aarau en championnat. Ce sont des matches idéaux, parce que si on ne voit pas là où on en est, quand le fait-on?», a fait mine de s'interroger le technicien roumain, l'homme pour qui le chemin compte plus que la ligne d'arrivée.

Le résultat, c'est bien, le chemin, c'est mieux

Mais quand même, Adrian Ursea, ôtez-nous d'un doute, vous avez quand même comptabilisé les buts et vu qu'Yverdon Sport avait battu Lausanne en 120 minutes ce mercredi, non? «L'important pour moi, c'est vraiment de savoir où on se situe. Oui, éliminer une autre équipe de Super League, c'est bien. Mais c'est encore mieux de pouvoir s'étalonner contre un adversaire censé nous être supérieur», a-t-il répondu, se montrant fier de la performance de son équipe, tout en regrettant de n'avoir pas tout fait juste.

Antonio Marchesano et Robin Golliard: poignée de mains entre un homme qui a tout vécu dans le football suisse et un autre qui, à 26 ans, découvre la Challenge League.
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«On n'a pas encore assez de maîtrise. Ou disons pas encore la maîtrise que je voudrais. On a dû défendre, on a subi, mais on a subi intelligemment. On a bien défendu quand on a dû le faire», a-t-il enchaîné. Dès lors, la victoire lui semble-t-elle méritée? «J'aimerais d'abord revoir le match avant de vous répondre. A chaud, il me semble qu'on a su répondre à chaque fois que Lausanne nous faisait mal. On a une situation pour ouvrir le score avant eux et si Mauro Rodrigues marque le 1-0, peut-être que la physionomie du match aurait changé», a-t-il estimé.

La hiérarchie est claire chez les gardiens

L'entraîneur d'YS avait décidé de titulariser son deuxième gardien, Simon Enzler, pour ce match, et celui-ci a répondu présent. De quoi réjouir son entraîneur, sans bousculer pour autant la hiérarchie avec le titulaire Kevin Martin. «Simon, c'est notre gardien numéro 2, tout est très clair avec lui. Je savais depuis le début que j'avais deux très bons gardiens, auxquels j'associe notre troisième gardien Maxime Rouiller. Tout est très clair», a-t-il assuré.

Simon Enzler, l'un des hommes forts de la soirée yverdonnoise.
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Parmi les autres satisfactions du jour, outre l'impact décisif des remplaçants dont le buteur Robin Golliard, le gros match de Mohamed Tijani en défense centrale a été à relever. Ses duels avec Theo Bair ont marqué les esprits et montré que cet Yverdon Sport pouvait être chatoyant dans le jeu, mais aussi très costaud quand il le fallait. «Il est international au Bénin, il est rompu à ces batailles. Theo Bair a trouvé un adversaire de taille face à lui, je suis d'accord avec vous», a réagi Adrian Ursea, lequel a également beaucoup apprécié la passe décisive de son défenseur central pour le 1-1 signé Dejan Sorgic. 

Mohamed Tijani, aussi subtil que costaud

«Il a mis un amour de ballon, m'a dit un membre du staff, alors je ressors l'expression devant vous. Mais il ne devait pas être là devant à ce moment du match, c'est parce qu'il manque de condition physique, il n'arrivait plus à revenir en défense!», l'a taquiné son entraîneur, mi-amusé, mi-sérieux.

Le costaud Mohamed Tijani sait aussi se montrer subtil.
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Le fait que le très athlétique Mohamed Tijani offre une passe décisive aussi subtile dit tout du travail du quotidien effectué par le pointilleux Adrian Ursea. «Ce projet à Yverdon passe par le travail individuel et collectif. Oui, on veut essayer de pousser les jours, qui ont des paliers à franchir.»

Le coup de pression du président

Cette fameuse progression a récemment été questionnée par le président et propriétaire Jamie Welch, lequel avait choisi de mettre la pression publiquement et médiatiquement à son entraîneur et à ses joueurs. L'Australien a posé un objectif clair et non négociable à son entraîneur, comme à celui de l'équipe féminine et de la réserve: une promotion en fin de saison. Sans «mais», sans conditionnel et sans «peut-être». Comment Adrian Ursea a-t-il accueilli ces déclarations? «La première chose, c'est que je suis très content d'avoir un président ambitieux, qui s'investit dans le projet du club. Chacun a sa manière de faire et de communiquer», a commencé par répondre le Roumain.

«Je ne fonctionne pas en réaction à une action»

Le fait qu'Yverdon ait gagné ses trois matches depuis cette prise de parole publique (Wil et Carouge en championnat, Lausanne en Coupe) est-il complètement un hasard? «Nous avons gagné d'autres matches avant, sans que le président ait pris la parole. Donc la réponse est non. Je ne fonctionne pas en réaction à une action. J'ai 58 ans, j'en ai vu d'autres, et l'actualité nous offre d'ailleurs un petit rappel, puisque la dernière descente des supporters à Nice, je l'ai vécue en étant au coeur de l'action puisque j'étais entraîneur principal à l'époque.»

De l'ambition, oui, mais...

Selon la formule consacrée, la pression, Adrian Ursea se la met lui-même. «Ce qui m'a plu dans l'interview, et j'en suis très heureux, c'est que le président a dit qu'il était prêt à nous donner les moyens d'effectuer quelques corrections au mercato. J'ai lu ses promesses. On va donc pouvoir en parler, s'asseoir autour d'une table et voir quels moyens il va mettre à disposition. C'est très bien, on a besoin d'améliorer l'effectif, d'amener plus de concurrence. On a de l'ambition, mais aujourd'hui, on n'est pas une équipe de Super League.» Sur le terrain, comme en dehors, Adrian Ursea sait faire passes ses messages en fin stratège, que ce soit auprès de ses joueurs ou auprès de son président. 

Allez, une dernière question pour la route, coach: Maintenant que votre équipe a sorti Servette et Lausanne, votre ambitieux propriétaire va désormais vouloir aller au bout dans cette 101e édition de la Coupe de Suisse, non? Un sourire gêné accueille la question. «Je ne sais pas quoi répondre à votre blague.» Un temps. «Peut-être qu'il le voudra, oui... Dans ce cas-là, je lui répondrai: Pourquoi pas?»

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