Entre formation et ambition
Pierluigi Tami: «La Suisse doit se comparer aux meilleurs»

Depuis Doha, Pierluigi Tami détaille les enjeux du Mondial M17 et la manière dont la Suisse accompagne ses talents. Le directeur des équipes nationales analyse les progrès, les défis et les ambitions de la nouvelle génération.
Publié: 08:05 heures
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Dernière mise à jour: 08:55 heures
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Déjà présent au Qatar en 2022 pour la Coupe du monde des A, Pierluigi Tami suit en 2025 la Suisse lors du Mondial M17.
Photo: keystone-sda.ch
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Bastien FellerJournaliste Blick

L'équipe de Suisse a parfaitement lancé sa Coupe du monde M17 en battant la Côte d'Ivoire ce mardi à Doha (4-1). «J’ai eu du plaisir à voir leur performance. Ce qui m’a plu, ce sont surtout les 60 premières minutes, où la Suisse a montré vraiment un football qu’on aime voir: de la pression, des courses, de la qualité technique, de la structure. J'ai vraiment bien aimé ce qu'a montré l'équipe. Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est que, lorsque sont arrivés les moments un peu difficiles, la fatigue, le manque de lucidité, ils n’ont pas lâché. Ils se sont battus», félicite Pierluigi Tami, directeur des équipes nationales suisses, à quelques heures du deuxième match de la phase de groupes. Mais également avant d'en dire davantage sur l'importance que revêt un tel tournoi pour le football helvétique. Interview.

Est-ce une génération sur laquelle l’ASF compte beaucoup?
Non, ce n’est pas une génération: ce sont toutes les générations sur lesquelles on compte beaucoup. On sait bien qu’il y a encore des obstacles avant d’arriver à l’équipe nationale A. Notre but, c’est de leur faire vivre ces expériences, de les comparer aux meilleures équipes en Europe, dans ce cas au monde, et de voir où nous en sommes en termes de niveau, de formation, de qualité footballistique. On sait qu’il y a encore du chemin jusqu’à devenir professionnel. C’est aussi le but pour ces joueurs qui participent à cette Coupe du monde: profiter de cette vitrine et de cette expérience pour progresser, valider la prochaine étape de leur carrière. On compte sur cette génération, comme on compte sur les M16, les M18, les M19.

Pour la Suisse, participer à un tournoi comme celui-ci, ça n’arrive pas chaque année. C’est d’autant plus important?
Oui, ça n’arrive pas toutes les années. Quand tu te qualifies pour un championnat du monde ou d’Europe, ce sont des expériences supplémentaires de très grande importance. Tu vois l’organisation, la différence de culture footballistique qu’il y a dans ce tournoi. Tu dois t’adapter, te comparer, et réussir à faire sortir ton football contre n’importe quelle équipe ou style de jeu. C’est une confrontation importante pour nos équipes nationales, et aussi quelque chose de très important pour la progression individuelle des joueurs.

Est-ce que vous arrivez à tirer quelques parallèles avec la génération Granit Xhaka, Xherdan Shaqiri, Ricardo Rodriguez?
C’est difficile à comparer. Mais ce que je vois, c’est qu’en tant qu’équipe, nous jouons un football intéressant, moderne, organisé quand il le faut et vertical et dynamique lorsqu’on parle d’offensif. Sur les individualités, je le répète: le prochain pas important pour ces joueurs, c’est de faire le prochain step dans leur club en Suisse, de réussir à s’intégrer prochainement dans le monde professionnel pour développer leurs qualités. Dans cette équipe M17, comme dans celle de 2009, certains feront une grande carrière. D’autres auront une carrière professionnelle en Suisse, sans forcément devenir internationaux. Et certains n’y arriveront pas. Je m’attends à la même chose ici: un pourcentage comparable chaque année.

Justement, il y a quelques joueurs qui ont déjà débuté en professionnel en Super League. Comment l’ASF peut-elle accompagner cette transition et favoriser l’obtention de temps de jeu?
Dans certains championnats, on voit des joueurs de 17 ou 18 ans déjà titulaires. On dit: «Oui, mais ce sont des joueurs extraordinaires». Moi, mon constat, c’est que donner confiance à un jeune joueur doit être bien programmé, mais il faut aussi avoir le courage de le faire. Les entraînements, qui sont de bonne qualité chez nous, sont très importants jusqu'à 16-17 ans, mais après, ce sont les matches au plus haut niveau qui comptent. Bien sûr, les clubs font leur travail et ce n’est pas à nous de dire quand c’est le moment. Nous, comme équipe nationale, on met en vitrine et on valorise le produit suisse durant ces tournois comme la Coupe du monde ou l'Euro. Les sélections doivent faire de bonnes apparitions, montrer qu’elles peuvent être parmi les meilleures équipes d’Europe. Cela donne de la valeur à la Suisse, à ses joueurs, et bien sûr ce sont les clubs qui peuvent profiter de ces résultats.

Le projet Footuro existe. Est-ce que cette participation au Mondial donne envie de renforcer encore l’accompagnement individuel?
Les internationaux suisses sont déjà accompagnés de manière assez individuelle. Les entraîneurs les suivent régulièrement, dans les matches comme dans les entraînements, et ont des contacts avec les clubs. Le projet Footuro est né un peu avant l’Euro 2008. C’est un accompagnement des meilleurs talents du moment. Ce projet existe toujours, même si tous les internationaux n’en font pas partie. Certains joueurs qui ne faisaient pas partie de ce projet ont fait une grande carrière alors que d’autres, qui y étaient aussi, pas. Pour nous, tous les internationaux suisses sont un projet pour le futur: nous allons les suivre de manière très attentive, tous.

Photo: FIFA via Getty Images

Pour vous, quels seraient les critères d’un tournoi réussi?
Un tournoi est réussi dès lors que tu peux vivre cette expérience. Les joueurs vont apprendre énormément de choses nouvelles, se comparer à des niveaux auxquels ils ne sont pas habitués. Dans notre championnat national, l’intensité et les situations de jeu ne sont pas les mêmes. Le fait de vivre ces situations-là fait progresser. Mais participer à un tournoi, ce n’est pas seulement progresser: c’est aussi essayer d’aller le plus loin possible. Aujourd’hui, c’est difficile de dire ce qu’on peut atteindre. Bien sûr, notre objectif est clair: passer la phase de groupes. Ce serait déjà quelque chose d’important. Ensuite, on peut rêver comme on veut. L’équipe 2009 a vécu ça jour après jour et est devenue championne du monde. Mais le premier but, c’est vraiment de passer la phase de groupes. Ce serait déjà pas mal.

Vous dirigiez en 2011 l'équipe de Suisse qui a atteint la finale de l'Euro M21 perdue face à l'Espagne. Avez-vous pu partager ce vécu avec le staff actuel, donner quelques conseils?
Je me rappelle très bien ce parcours. Pendant un tournoi, ton équipe doit monter en puissance. C’est pour ça que je fais un parallèle avec les M17: ils sont très bien partis, mais il faut attendre le deuxième et le troisième match pour voir si l’équipe est capable de le faire. Si on veut passer ce cap, il faut améliorer nos performances, surtout sur 90 minutes. Là, on saura si on est sur la bonne voie, et alors oui, on pourra rêver. Même si, dans ce tournoi, on a vu des équipes très fortes. Le plus important, c’est de ne pas se fixer de limites, mais de se concentrer sur l'objectif le plus proche. Et c'est le prochain match contre la Corée, au cours duquel il faudra confirmer les bonnes choses du premier match et en améliorer d’autres.

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