Il y a des sports qui font partie de la Suisse comme les trous de l'Emmental: le ski, la lutte ou le hockey sur glace. Et puis il y a les outsiders: l'haltérophilie olympique, par exemple. Une discipline de niche à la réputation mitigée.
Trop souvent, ce sport a attiré l'attention par des affaires de corruption ou des scandales de dopage. La femme la plus forte de Suisse, Scheila Meister (36 ans), le regrette particulièrement. Elle est l'une des très rares Suissesses à écrire une histoire à succès international en haltérophilie olympique.
Blick la rencontre dans sa deuxième maison, un gymnase de crossfit à Oberwinterthur, dans le canton de Zurich. Très vite, il apparaît clairement qu'elle est à l'opposé de tous les clichés du milieu. Elle a attaché ses longs cheveux en une queue de cheval désordonnée, son rire est large et contagieux. Et la veste de survêtement qu'elle porte dissimule la force qui sommeille dans son corps.
Elle a l'air très légère
Un peu plus loin dans la pièce, Scheila Meister a son propre espace d'entraînement. Elle s'affiche elle-même sur le mur, à gauche duquel s'entassent des poids de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Elle attrape deux plaques rouges et les fixe à la barre d'haltères. Elle fait un pas en arrière, se frotte à nouveau les mains avec du magnésium et saisit la barre métallique avec concentration.
Puis Scheila Meister la soulève avec une telle force et une telle rapidité qu'on en oublierait presque le poids de l'ensemble: 65 kilos. En compétition, elle ajoute encore 20 kilos. Une fois au-dessus de sa tête, elle laisse la barre s'écraser en avant sur le sol en souriant. C'est comme ça que ça marche.
Un changement de vie radical
La passion pour l'haltérophilie, la jeune femme de Winterthour l'a découverte sur le tard. Pendant des années, le sport de compétition n'a pas eu de place dans sa vie. Elle fréquentait tout au plus la salle de sport, mais préférait de loin aller danser. «J'adorais faire la fête, je sortais tous les week-ends à Zurich, pendant les vacances, mon frère et moi prenions l'avion exprès pour faire la fête à Ibiza», raconte-t-elle avant de rire à gorge déployée: «J'ai même gagné une fois une élection de Miss Latina, il y a des lustres. Inimaginable, n'est-ce pas?»
Le parcours de Scheila Meister est vraiment inimaginable. Ce n'est qu'à 27 ans qu'elle commence le crossfit. «À l'époque, l'haltérophilie me plaisait déjà. Et puis on m'a convaincue de participer un jour à une compétition». C'était il y a cinq ans à peine. En très peu de temps, elle s'est qualifiée pour les championnats d'Europe, puis pour les championnats du monde. Et ce, en travaillant à 100% à côté.
Avec son ami Marc Vöge, qui l'entraîne, elle voyage d'abord à travers l'Europe, puis à travers le monde, pour participer à des compétitions. Si elle est soutenue dès le début par sa fédération, elle ne l'est pas par Swiss Olympic. «Bien que j'aie terminé quatrième aux championnats d'Europe 2023, je ne bénéficie d'aucun soutien individuel. Swiss Olympic se contente de soutenir la fédération», raconte-t-elle.
Invitée permanente au contrôle antidopage
Au début, les voyages n'étaient pas toujours faciles. A l'époque, l'ami de Scheila Meister n'était pas encore officiellement coach. Mais nécessité fait loi: «Une fois, nous avons même inscrit Marc comme journaliste pour qu'il ait accès à tous les secteurs», se souvient l'haltérophile en souriant. En tant que Suissesse, elle est une exception absolue lors des compétitions internationales. Cela a des conséquences dans ce sport dominé par les Européennes de l'Est.
«Jusqu'à présent, j'ai dû me soumettre à des contrôles antidopage à chacune de mes compétitions. Alors que les athlètes de haut niveau d'Europe de l'Est sont souvent laissées passer», raconte la gestionnaire de commerce de détail de formation. Et son partenaire Marc d'ajouter: «Et pourtant, ce sont précisément ces nations qui sont à nouveau impliquées dans des cas de dopage tous les deux ans».
Le chemin de Scheila Meister vers l'élite internationale est semé d'embûches. Mais la fonceuse de Winterthour ne se laisse pas arrêter par ces obstacles. Même une qualification pour les Jeux olympiques en été est à sa portée, pour autant que Scheila Meister se rende cette semaine à un tournoi en Thaïlande. Si elle se qualifie, Scheila Meister sera la première femme à représenter la Suisse aux Jeux olympiques en tant qu'haltérophile.