C’est un slogan populaire en manif: «Tout le monde déteste la police.» Et c’est encore un peu plus vrai en ce début de semaine après la mort de Marvin, les révélations de l’enquête de Border Forensics sur le meurtre de Nzoy et les révélations de la Municipalité de Lausanne. Si ces événements vous ont surpris·e, vous êtes encore bien naïf·ve (ou alors très privilégié·e).
Voici donc les 5 raisons pour lesquelles réformer la police ne suffira pas:
La police est profondément raciste et sexiste (entre autres)
Personne n’a jugé bon de signaler les messages racistes, antisémites, islamophobes, sexistes et validistes qui étaient échangés sur des groupes Whatsapp de policiers lausannois·es, démontrant la normalité de ces propos au sein de la police. En termes de pratiques racistes, le profilage racial est la plus connue, dénoncée en 2022 par une délégation d’expert·es mandaté·es par l’ONU: les personnes noires en Suisse sont plus souvent contrôlées que les personnes blanches sans motif concret, en raison de leur couleur de peau.
Vous me direz, «oui, mais il s’agit que de quelques mauvais éléments, ça pourrait être corrigé». Sauf que ces propos et pratiques s’expliquent par la socialisation policière, une culture raciste profonde, par le recrutement, mais aussi parce que la police est le chien de garde d’un Etat qui nie encore son passé colonial et qui refoulait les personnes juives à la frontière dans les années 1940.
La police est violente (et n’est jamais punie pour ça)
Parce qu’elle est raciste, la police tue des personnes noires. En Suisse, 10 personnes ont été tuées par la police en Suisse ces 15 dernières années, dont 8 étaient noires: Marvin, Camila, Michael Kenechukwu Ekemezie, Mike Ben Peter, Roger «Nzoy» Wilhelm, Lamine Fatty, Hervé Mandundu, Umüt Kiran et Joseph Ndukaku Chiakwa. Qu’elles et ils reposent en paix. Dans ces cas et dans tous les autres cas de violences par la police, comme les fouilles à nu, les injures ou les abus d’autorité, rares sont les condamnations des policiers. Rappelons que quelles que soient les situations dans lesquelles ces meurtres ont été commis, l’accès à un procès équitable est un droit fondamental et la peine de mort a été abolie en Suisse en 1942.
La police coûte bien trop cher à la société
La police municipale lausannoise a un budget faramineux de 114 millions de francs, ce qui représente 5% de son budget total. C’est l’équivalent de ce que la Ville investit dans la petite enfance, et c’est 7,5 fois plus que ce que la Ville investit dans la santé et la prévention. J’ai vérifié: tous les ans, le budget de la police lausannoise augmente. Cette augmentation s’inscrit dans une tendance globale où les moyens de la répression augmentent alors que les moyens de la santé, de l’éducation et du social baissent.
Les chiffres ne montrent pas non plus le coût social de la violence physique, sociale et symbolique inhérente à l’existence de la police, tel que décrit par la sociologue française Gwenola Ricordeau: comment chiffrer le coût pour les personnes non blanches du harcèlement policier dont elles sont victimes ou le coût de la peur d’être victime d’un crime policier?
La police ne sert à rien
Pour lutter contre la criminalité efficacement, il faut comprendre d’où elle vient. Elle est principalement liée à des facteurs sociaux: une personne décide avant tout de cambrioler une maison par nécessité économique, et non pas par amour du cambriolage. La police n’est donc pas adaptée pour lutter contre la criminalité puisqu’elle ne lutte pas à la source des problèmes. Elle n’est pas efficace dans la prévention non plus: aux Etats-Unis, les policiers consacrent seulement 10 à 17% de leur temps de travail en patrouille à la criminalité, et Gwenola Ricordeau rapporte que les effets de l’action que la police peut avoir sont si fins qu’il est difficile de les détecter. Et résoudre des enquêtes? Aux Etats-Unis, le taux réel d’élucidation des cambriolages est de 3% et des viols de 12%.
D’autres façons de faire justice sont possibles
La police et les institutions pénales répondent très mal aux besoins légitimes de sécurité de la population et de bonne prise en charge des victimes. Vous êtes victime de viol? Aller à la police est la garantie de vous faire traumatiser à nouveau. Réformer cette institution n’est donc pas contre-productif, mais a des effets limités: ce n’est pas la première fois qu’un scandale motive des réformes, jusqu’au prochain retour à une normale raciste et violente.
Mais l’abolition de la police, une institution qui n’existe que depuis quelques siècles, ne peut pas se faire toute seule: nous avons besoin de changer radicalement comment les richesses sont produites et réparties dans la société. D’ici là, venez à la manif pour Nzoy le 30 août à 16h à Lausanne (Place du Château).