Un commentaire de Richard Werly
Bardot avait raison: «sa» France a déraillé

L'actrice française pestait contre la France telle qu'elle est en 2025. A juste titre. Ce qu'elle avait fui dans l'industrie du cinéma des années 70 est devenu un modèle: le cynisme à tous les étages, estime notre journaliste Richard Werly.
Brigitte Bardot pestait contre la France telle qu'elle est en 2026. A juste titre, estime notre journaliste Richard Werly.
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Richard WerlyJournaliste Blick

«Tu l’aimes, ma France?». Brigitte Bardot ne posait pas cette question à Michel Piccoli dans «Le Mépris», du réalisateur suisse Jean-Luc Godard. Dans la splendide villa Malaparte où fut tourné ce film culte en 1963, l’actrice française disparue dimanche 28 décembre interrogeait son partenaire sur ses fesses et ses jambes, dans un dialogue devenu légendaire.

Mais dans la vie réelle, celle pour laquelle elle décida d’opter dix ans plus tard en quittant le monde du cinéma, c’est bien l’amour de son pays qui taraudait BB. Un pays qui, selon elle, ne lui ressemblait plus.

Les commentaires, depuis l’annonce de son décès, relatent à juste titre les remarques controversées de l’actrice, dont la colère contre la société contemporaine n’avait d’égal que son affection pour les animaux qu’elle défendait avec passion. Bardot facho? Bardot réactionnaire? Bardot contre les immigrés? Bardot énervée contre les politiques qui récompensent les Français, affirmait-elle, «par la trahison ou par l’oubli».

Une France qui n'est plus

Il est normal, à l’heure de dresser le bilan de sa vie, que toutes ses déclarations passées remontent à la surface, y compris les plus polémiques. BB avait été condamnée par la justice, rappelons-le, pour «insultes racistes et homophobes». Reste son jugement, et sa sévérité. Avait-elle tort d’affirmer que ce pays, grosso modo, offre de moins en moins de raisons d’être admiré et respecté?

La réponse fait mal mais elle se résume en un mot: oui. Oui, Brigitte Bardot avait raison. «Sa» France, celle du Général de Gaulle, des DS rutilantes, de la bourgeoisie aussi prospère que conservatrice et d’une jeunesse résolue à vivre ses rêves érotiques ou révolutionnaires, a disparu au fur et à mesure qu’elle vieillissait seule, dans son refuge de La Madrague à Saint-Tropez.

Les rebelles d’hier, ceux et celles dont elle fut le sex-symbol, y ont abandonné leur volonté de transformer la société. Le cynisme qu’elle dénonçait dans le cinéma s’est imposé partout, avec l'implacable loi du profit à tout prix. La classe moyenne qui prenait l’ascenseur social et affluait pour voir ses films n’est plus qu’un lointain souvenir. Vrai uniquement en France?

Française, donc contradictoire

La société française s’est logiquement métissée. Aux controverses sur l’ordre moral catholique alors accusé d'étouffer la liberté des femmes ont succédé les polémiques souvent instrumentalisées sur le voile islamique. Oui, la France n’est plus celle de BB en «Harley Davidson». Tous les pays européens, Suisse incluse, ont profondément changé de visage en un demi-siècle. C'est un fait. Et l'on peut, à bien des égards, s'en féliciter aussi.

Brigitte Bardot pestait parce qu’elle était tellement française. Et donc tellement contradictoire. Elle reconnaissait utiliser «son carnet d’adresses» pour obtenir des avancées en matière de protection des animaux, tout en dénigrant les nouvelles élites. Elle pestait contre l’Union européenne qui, pourtant, a interdit à partir de 1983 la plupart des produits issus de la chasse commerciale des phoques.

Bardot savait comment magnétiser son public. Elle restait, recluse, la défenseure acharnée de son image protégée, en France, par des lois bien plus strictes qu’ailleurs dans le monde. Elle était ce que Marianne, l’égérie de la République, est dans toutes les mairies où trône son buste. Un rappel de ce qui fera toujours tout dérailler: le temps qui passe. Un temps qui ne reviendra jamais…

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