Les images ne sont jamais de simples reflets du réel. Elles le construisent, l’orientent, parfois le contaminent. À ce jeu de fabrication de la perception collective, l’UDC excelle — et une fois encore, ce parti démontre avec une illustration d’un cynisme calculé. Pour commenter l’interdiction faite aux non-résident-e-s d’accéder à la piscine de Porrentruy, qui est par ailleurs une décision anti-constitutionnelle, ce parti d’extrême droite diffuse une image profondément problématique sur les réseaux sociaux. Au-delà de sa dimension choquante, cette image fonctionne comme un dispositif idéologique: elle projette un récit, encode un message, produit un effet.
On y voit une femme blanche, visage inquiet, bras croisés, regard fuyant. En face d’elle, un homme racisé, torse nu, penché vers elle avec une insistance dérangeante, regard dur, presque menaçant. Cette mise en scène visuelle ne laisse aucune place à l’ambiguïté. Elle ressuscite un schéma colonialiste éculé: celui de l’homme noir, hypersexualisé, agressif, prédateur par nature — face à la femme blanche, passive, vulnérable, à protéger. Bref, une narration racialisante qui réactive l’imaginaire raciste!
Enfoncer le clou du discours xénophobe
Ce choix iconographique n’a rien d’anodin. En effet, il active des ressorts affectifs puissants: peur, insécurité, besoin de protection. En cela, il constitue bien plus qu’un outil de communication. C’est une opération de conditionnement. Une forme de propagande visuelle — au sens propre — qui inscrit dans les imaginaires l’équation racialisation = menace. Par ce geste, l’UDC n’illustre pas un fait divers local; ce parti propose une lecture du monde. Et cette lecture est dangereuse.
De plus, le texte de Thomas Stetler, conseiller national, enfonce le clou ce discours xénophobe. Sous prétexte de dénoncer des incivilités commises par des « jeunes Français », il glisse, presque mécaniquement, vers l’amalgame: il souligne que ces actes seraient le fait d’individus «nord-africains, moyen-orientaux ou subsahariens» n’ayant «jamais fait l’effort de s’intégrer» en France. Avec cette essentialisation ethno-culturelle, cet élu ne juge pas des comportements, il désigne des identités nationales. Il transforme l’origine, réelle ou supposée, en catégorie de dangerosité. Ce n’est plus de l’analyse politique — c’est une rhétorique de l’exclusion.
Normaliser le rejet, banaliser la peur
Je considère qu’une telle communication dépasse largement la dignité attendue d’un élu national: elle est avant tout irresponsable et profondément nocive pour notre cohésion sociale. Ce discours divise, polarise l’opinion publique et installe une suspicion permanente à l’égard des personnes issues de la migration.
Qu’un parti instrumentalise un événement local pour imposer une lecture racialisée du réel témoigne d’un projet plus large: normaliser le rejet, banaliser la peur, légitimer — même implicitement — le tri ethnique dans les espaces de loisirs. C’est une dérive politique, morale et symbolique. Aujourd’hui, c’est une piscine; demain, ce pourrait être une bibliothèque, une école, un parc public. Ne soyons pas dupes, dénonçons ces discours et images stigmatisants !