En janvier déjà, à la faveur d’un climat inhabituellement doux, les abeilles ont pris leur envol. Mais le retour du froid pourrait signifier un danger pour leur survie, alertent les scientifiques. Et elles pourraient même s’en rendre compte elles-mêmes!
Le biologiste comportementaliste Lars Chittka étudie cette espèce depuis 30 ans et en est convaincu: les abeilles ont une conscience et des sentiments.
L’appel du printemps
Même si de nombreuses colonies d’abeilles et de bourdons se sont réveillées en avance, les plantes à fleurs, elles, vont ouvrir leurs calices avec du retard. C’est particulièrement tragique pour certaines abeilles sauvages solitaires, déplore Mathias Götti Limacher, président d’Abeilles Suisse, l’association des apiculteurs de Suisse alémanique et rhéto-romane. «Elles vivent en symbiose avec une seule espèce de plantes dont elles se nourrissent et qu’elles pollinisent en même temps». C’est simple: si l’abeille ou la fleur manque à l’appel, les deux se retrouvent en difficulté pour continuer d’exister.
La situation est moins menaçante pour les abeilles mellifères – comprenez les abeilles qui produisent du miel. En cas de besoin, l’apiculteur peut leur fournit du sucre qu’il dilue avec de l’eau. «Si les abeilles sortent un jour en hiver, elles pourront vider leur vésicule fécale, explique le président d’Abeilles Suisse. Et comme le noisetier a déjà fleuri, les abeilles ont pu récolter du pollen.» Le temps sec et la hausse rapide des températures posent ainsi problème. «S’il fait soudainement 25 degrés en avril et que tout fleurit d’un coup – les cerises, les pissenlits, les poires et les pommes – la période importante de la récolte sera très vite terminée et la nourriture se fera rare plus tard dans l’année.»
De vrais sentiments
Il est bien connu que les colonies d’abeilles sont intelligentes. Par extension, le biologiste Lars Chittka est convaincu que chaque spécimen a une conscience et des sentiments, comme il l’a expliqué dans une interview publiée dans le magazine «Spiegel».
Depuis 30 ans, il étudie le comportement des abeilles et des bourdons. Il a ainsi découvert que ces espèces ne peuvent pas seulement compter, reconnaître les visages humains et utiliser des outils, mais aussi réagir à un évènement et changer leur façon d’agir.
Une étude scientifique simulant une attaque d’araignées prédatrices a stupéfié Lars Chittka: «Après cette expérience, les bourdons ont drastiquement changé de comportement.» Comme s’ils en avaient été effrayés et traumatisés.
«Pourquoi les abailles n’auraient-elles pas de sentiments?», interroge le biologiste. Pour l’instant, il n’a pas encore pu prouver son intuition. Le biologiste a récemment publié un livre intitulé en anglais «The Mind of a Bee» – «L’esprit d’une abeille». Il y expose ses vastes travaux de recherche.
Chaleur collective
En hiver, les abeilles se rapprochent et forment une grappe pour se réchauffer. Ainsi, il fait 20 degrés à l’intérieur de la ruche pendant la phase sans couvain – soit les larves ou les œufs. Il n’y en a pas entre novembre et décembre – et 35 degrés du début du printemps jusqu’à l’automne.
Ce qui ressemble à une hibernation est en fait un travail difficile, les abeilles tremblent et bougent leurs ailes pour se réchauffer. Lorsque l’une d’elles a chaud, elle se glisse à l’intérieur de la grappe jusqu’à ce qu’elle soit repoussée vers l’extérieur par des abeilles plus chaudes qui rampent à leur suite. Un jeu d’alternance qui dure sans interruption jusqu’au printemps. À ce moment-là, la reine est déjà de nouveau active et pond.
Un superorganisme
Dans la colonie, les abeilles fonctionnent comme une unité physique, les scientifiques parlent d’un superorganisme. Tout comme les cellules qui ont différentes spécificités dans le corps humain, les abeilles ont toutes une fonction différente.
Les «abeilles stations-service» transportent le miel des rayons vers les «abeilles chauffantes», tandis que les «abeilles frigorifiques» font évaporer les liquides. Les «abeilles gardiennes» surveillent l’entrée de la ruche et les «abeilles nourricières» s’occupent des œufs. Les faux-bourdons mâles attendent toute leur vie l’occasion de féconder la reine.