Un scrutin complexe
Les Bosniens ont voté en pleine crise politique

Les Bosniens ont voté dimanche sans beaucoup d'illusions dans un climat de crise marqué par les menaces sécessionnistes, les divisions ethniques croissantes et les craintes de nouvelles turbulences.
Publié: 02.10.2022 à 20:36 heures
Les Bosniens élisent sont grandes illusions.
Photo: Armin Durgut

Les électeurs ont participé à un scrutin complexe pour désigner entre autres les trois membres de la présidence collégiale de la Bosnie, les députés du Parlement central et ceux de deux entités qui composent le pays fracturé selon des lignes ethniques.

Les bureaux ont fermé à 17h00 GMT (19h00 en Suisse) mais des résultats préliminaires ne sont pas attendus avant tard dans la nuit.

Craintes pour l'intégrité de la Bosnie

Entre menaces sécessionnistes des Serbes orthodoxes, frustrations des Croates catholiques qui ne veulent plus cohabiter avec les Bosniaques musulmans et rêves «d'Etat citoyen» de nombre de ces derniers, beaucoup craignent pour l'intégrité même du pays pauvre des Balkans.

La Bosnie est divisée entre une entité serbe, la Republika Srpska (RS), et une fédération croato-musulmane, reliées par un faible pouvoir central souvent paralysé. Ce système est hérité des accords de Dayton de 1995 (Etats-Unis) qui ont mis fin à la guerre dans laquelle 100'000 personnes ont été tuées.

Les différents dirigeants politiques ont promis la stabilité en glissant leur bulletin dans l'urne. Mais les électeurs semblaient plutôt désabusés.

Désaccord perpétuel des dirigeants

«Je ne suis pas très optimiste» pour l'avenir du pays, a déclaré Anita Milenkovic, chanteuse de 42 ans, en votant en Republika Srspka. «Le plus grand problème, c'est qu'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, nos dirigeants.»

«Il y a toujours eu de la corruption et de la manipulation, alors j'espère que quelque chose va finalement changer», dit à Sarajevo Edin Drljevic, ingénieur de 44 ans.

Dans les trois communautés, des chefs qui occupent depuis longtemps le devant de la scène se livrent à la surenchère nationaliste pour se maintenir au pouvoir pendant que tous ceux qui le peuvent choisissent l'exil face à l'absence de perspectives tant politiques qu'économiques.

Près de 500'000 personnes ont quitté le pays depuis le dernier recensement de 2013, quand il comptait 3,5 millions d'habitants, selon les estimations de l'Union pour un retour durable, une ONG locale.

Un admirateur de Poutine au pouvoir?

Milorad Dodik, chef politique des Serbes de Bosnie et représentant serbe sortant de la présidence collégiale, vise cette fois-ci la présidence de la RS. Le nationaliste de 63 ans a multiplié ces derniers mois les menaces sécessionnistes qui lui ont valu des sanctions de Washington et de Londres, tout en répétant à l'envi que la Bosnie était un pays «raté».

«Les gens sont motivés pour voter pour la stabilité, la paix, une vie sûre dans cette région», a-t-il assuré après avoir voté dans son village natal de Laktasi.

Certains analystes parient sur une victoire de ce grand admirateur du président russe Vladimir Poutine même si sa principale concurrente, Jelena Trivic, universitaire de 39 ans, assure le contraire.

Elle aussi joue une partition nationaliste, mais promet de pourfendre la kleptocratie instaurée selon elle par Milorad Dodik: «Notre vengeance s'exercera au moyen de la loi.»

Les Croates demandent une identité propre

Dans la communauté bosniaque, Bakir Izetbegovic, chef du principal parti, le SDA nationaliste qui domine la vie politique depuis des décennies, brigue un troisième mandat au fauteuil musulman de la présidence tripartite. Il a appelé les Bosniens à élire des représentants «qui ne vont pas créer des blocus et des crises, qui ne vont pas chasser les jeunes hors de la Bosnie-Herzégovine».

Fils du premier président de la Bosnie indépendante, il affronte une situation plus périlleuse qu'avant face à un candidat soutenu par onze partis d'opposition. Denis Becirovic, professeur d'histoire de 46 ans, milite pour une Bosnie «pro-européenne et unie».

De leur côté, les Croates, qui ont menacé pendant des mois de boycotter le scrutin, sont mécontents de devoir partager une fédération avec les Bosniaques. Tous les partis croates réclament une entité propre ou du moins une modification des règles électorales.

Celles-ci permettent aux Bosniaques, largement majoritaires démographiquement au sein de l'entité commune, d'élire de fait le membre croate à la présidence collégiale.

Le co-président croate sortant, Zeljko Komsic, porte-drapeau d'un Etat «citoyen» considéré comme «illégitime» par une grande partie de sa communauté, affrontera Borjana Kristo, candidate du HDZ nationaliste. En cas de victoire du premier, certains craignent de nouveaux blocages institutionnels.

(ATS)

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