L'Union européenne a abdiqué dimanche 27 juillet l'essentiel de sa mission: défendre coûte que coûte le grand marché européen, et démontrer que l'on est plus forts à 27 que tout seul face aux autres puissances. Cette abdication, il faut le dire haut et fort, s'est faite à priori avec l'accord des pays membres, au nom desquels la Commission a négocié ce «deal» controversé qui aboutira à des tarifs de 15% sur les produits européens exportés aux Etats-Unis.
Sur mandat des 27
On peut bien sûr, comme l'a fait lundi 28 juillet à Bruxelles, le commissaire-négociateur Maros Sefcovic (bien connu des Suisses, avec lesquels il a négocié les futurs accords bilatéraux), affirmer qu'une guerre commerciale aurait été beaucoup plus désastreuse. L'on peut aussi répéter que la Commission a agi sur mandat des 27 (des mandats dont on aimerait très vite connaître la teneur). On peut enfin se féliciter, comme Ursula von der Leyen l'a fait en Ecosse, d'avoir obtenu un «deal» avec Trump avant l'ultimatum du 1er août. Sauf que tout cela ne change rien.
Réalité incontournable
La réalité crasse, évidente, incontournable, est que l'Union européenne n'est toujours pas faite en 2025 pour affronter des crises, engager des duels géopolitiques et les remporter. Cette UE, avec son armada de 30'000 fonctionnaires, est un paquebot paré pour naviguer dans un lac helvétique. Dès que le vent souffle, que les vagues grondent et que les icebergs menacent, elle perd sa boussole, son moteur s'essouffle et le grand vaisseau commence à prendre l'eau. Surtout quand son capitaine, aujourd'hui Ursula von der Leyen, prend ses consignes à Berlin, capitale d'une Allemagne très peu désireuse de heurter son protecteur américain, et convaincue (peut-être à tort) que son industrie peut absorber le choc des 15% mieux que ses concurrentes.
La leçon pour la Suisse
Vue de Suisse, petit pays arrimé au grand marché européen, cette Union européenne vient de justifier une approche avant tout utilitaire de notre relation. L'essentiel est, pour la Confédération et ses entreprises, de pouvoir accéder à son marché, ce que Donald Trump s'est employé à obtenir avec succès. Puisque l'UE est de moins en moins un projet politique, et de plus en plus un coffre-fort percé, l'essentiel est de savoir en profiter. En misant sur le rapport de force comme le fait Trump. Ou sur un compagnonnage pragmatique, vigilant et dépourvu d'illusions comme le fait la Suisse avec ses bilatérales.
Le pire est que tout le monde, à Bruxelles et dans les capitales, s'accommode de cette situation. Seul Emmanuel Macron, à Paris, martèle encore l'argument de la souveraineté européenne et de la préférence communautaire, sans avoir les moyens de ses ambitions, puisque son pays est en quasi-faillite. Les autres? L'Allemagne ne veut pas de vagues. L'Italie slalome pour plaire à Trump. Les pays du Benelux veulent continuer à tirer les marrons du feu. La Pologne reste militairement arrimée aux Etats-Unis. La Grèce n'est obsédée que par la Turquie… Un seul pays a jusque-là osé dire «non » à Trump. C'était l'Espagne, lors du sommet de l'OTAN. Mais les Espagnols sont aussi de gros importateurs de gaz américain.
Déclin européen programmé
Ursula von der Leyen, surnommée à Bruxelles «l'impératrice» en raison de son autoritarisme, est la gestionnaire de ce déclin européen programmé. Logique. Ancienne ministre de la Défense de l'Allemagne, elle sait ce que veut dire une armée incapable de combattre. Or tel est l'état de l'UE aujourd'hui, après cet accord commercial: une puissance économique qui n'a pas su changer d'époque. Et qui n'a pas du tout envie de se réveiller dans un monde qui l'obligerait, en urgence, à se transformer. Pour se battre et défendre ses intérêts.