La Corée du Sud assommée
Ils voulaient fêter Halloween, ils ont perdu la vie piétinés

La Corée du Sud est en état de choc ce dimanche 30 octobre après la tragédie qui a coûté la vie à près de 150 personnes dans le quartier d'Itaewon, à Séoul. La foule s'est refermée comme un piège. Halloween devient synonyme d'horreur au pays du matin calme.
Publié: 30.10.2022 à 14:52 heures
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Dernière mise à jour: 30.10.2022 à 20:46 heures
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La Corée du Sud est en état de choc ce dimanche 30 octobre après la tragédie qui a couté la vie à près de 150 personnes dans le quartier d'Itaewon, à Séoul.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un pays assommé. Une nation à genoux, entre larmes, stupéfaction et prières. Une capitale asiatique transformée en cimetière en quelques dizaines de minutes, lorsque la foule est devenue folle, samedi soir 29 octobre, dans le quartier d’Itaewon à Séoul en Corée du Sud. Sur place, toutes les ambassades étrangères, dont l’Ambassade de Suisse (même si rien ne figure sur son site web), ont invité leurs ressortissants à se faire connaître.

Près de 150 morts ont déjà été identifiés. Plusieurs milliers de personnes sont blessées. Au moins deux mille disparus ont été signalés par leurs familles, sans que l’on sache encore s’ils étaient ou non sur place pour fêter Halloween. Retour sur une folie urbaine qui endeuille l’Asie entière.

Que sait-on sur cette nuit affreuse?

A Séoul, capitale de la Corée du Sud, le quartier d’Itaewon n’est pas pour rien surnommé «la petite Amérique». C’est dans cette partie de la mégapole asiatique, l’une des plus dynamiques du continent, que les forces militaires des Etats-Unis ont longtemps été omniprésentes. Plus de 30'000 soldats américains campent l’arme au pied depuis la fin de la guerre de Corée en 1953, au sud du pays pour le défendre en cas d’attaque du régime communiste nord-coréen.

Pas étonnant dès lors qu’Itaewon, où se trouvait le QG des troupes américaines, soit le lieu privilégié de l’influence culturelle des Etats-Unis au pays du matin calme. Halloween, qui n’est pas du tout une tradition asiatique, y est arrivé par les GI’s, au point de devenir une fête populaire et branchée.

Le fait que des milliers de jeunes, souvent âgés de moins de vingt ans, se soient dirigés vers cette partie de la ville samedi soir, dûment déguisés, n’est pas du tout une surprise. En Corée du Sud comme au Japon, le rite du «Cosplay» (le fait de se déguiser en un personnage de fiction) est fortement ancré. La jeunesse sud-coréenne, l’une des plus connectées au monde au pays de Samsung, commence en plus tout juste à retrouver le droit de s’amuser en public, après deux années marquées par des règles de confinement parmi les plus strictes au monde, face à la pandémie de Covid-19. Cette célébration d’Halloween devait être libératrice. Elle s’est transformée en piège funeste lorsque les mouvements de foule ont été impossibles à canaliser.

Pourquoi la police n’est pas intervenue?

Personne n’avait anticipé un tel rassemblement et une telle ferveur, sans doute parce que l’effet «confinement» a été sous-estimé. La jeunesse sud-coréenne, qui imprime sa marque sur le monde entier avec la K-pop ou le cinéma coréen, est avide de retrouver une vie normale et festive. Ce que le gouvernement et la municipalité n’ont pas anticipé. Il faut aussi savoir que Séoul, avec ses ruelles souvent étroites des quartiers d’Itaewon ou de Myongdong (le quartier du shopping), n’est pas du tout propice à la canalisation des mouvements de foule.

Autre réalité qui peut expliquer ce manque tragique de discernement: la foule est une évidence de tous les jours en Corée. Comme au Japon, comme à Hong Kong, comme dans les grandes métropoles chinoises, avoir des dizaines de milliers de personnes en train de déambuler dans les rues n’a rien d’extraordinaire.

Dans le cas de la fête d’Halloween de samedi soir, tout a dérapé parce qu’aucune mesure préventive n’a été prise. Aucun masque n’était exigé, aucune limite n’était imposée à la taille de la foule. Il y avait des avertissements sur les haut-parleurs disant aux gens qu’ils devaient être prudents. La grande question sans réponse maintenant est de savoir «Pourquoi, et ce que l’on peut faire (encore)», comme le titrait ce dimanche matin le quotidien anglophone «Korea Herald».

L’enquête, qui ne fait que commencer, a déterminé que le mouvement de foule meurtrier n’a pas été causé, comme cela a été dit, par une fuite de gaz ou un incendie dans le quartier populaire des boîtes de nuit. Les causes restent donc floues. La plupart des personnes retrouvées mortes, souvent très jeunes, l’ont été par suffocation ou arrêt cardiaque. Plus de 1700 soignants et secouristes ont été dépêchés sur place dans la nuit aux côtés de plus de 1000 policiers.

La Corée du Sud, habituée aux tragédies

Itaewon, où cette panique a accouché de l’une des plus terribles catastrophes dans ce pays d’Asie du Nord-Est réputé pour son dynamisme économique et technologique, est l’un des principaux quartiers de Séoul. Autrefois considéré par la population locale comme un quartier rouge et miteux, il s’est transformé en un haut lieu de la vie nocturne, avec des boîtes de nuit et des restaurants appréciés des jeunes Coréens et des communautés homosexuelles de la ville.

Cette tragédie renvoie les Sud-Coréens à d’autres moments terribles de leur histoire: ceux bien sûr de la guerre de Corée qui dévasta entièrement la péninsule entre 1950 et 1953, mais aussi les massacres durant les trente années de dictature qui suivirent (jusqu’à la fin des années 1980) et le naufrage du ferry Sewol, en 2014, alors qu’il voguait entre Incheon et l’île de Jeju. Près de trois cents passagers et membres d’équipage ont trouvé la mort dans cet accident.

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