Procès pour cyberharcèlement
D'après la rumeur, Brigitte Macron serait née homme: où est le problème?

Entre le 27 et le 28 octobre, dix personnes ont été jugées devant le tribunal correctionnel de Paris pour cyberharcèlement à l'encontre de Brigitte Macron. Pourquoi tant d'acharnement sur une personnalité publique, «accusée» d'être une femme trans?
Publié: 28.10.2025 à 17:26 heures
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Dernière mise à jour: 28.10.2025 à 23:14 heures
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Brigitte Macron n'est pas apparue lors du procès de dix personnes accusées de l'avoir cyberharcelée (huit hommes et deux femmes), qui s'est tenu du 27 au 28 octobre, à Paris.
Photo: EPA
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

Cette semaine, entre le 27 et le 28 octobre, dix personnes ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris, accusées de cyberharcèlement envers Brigitte Macron, attaquée sur son genre, sa sexualité ou encore la nature de son couple. 

Le plus récent coup de théâtre: Tiphaine Auzière, la fille de l'épouse du président français, attendue à la barre ce mardi, tandis que la presse nationale retient son souffle. Elle sera la première de la famille à prendre la parole, sur demande de l'avocat de la plaignante. Celle-ci a évoqué un «fort retentissement» sur sa sphère privée, sachant que même ses petits-enfants ont entendu dire que leur «grand-mère est un homme».

Pour rappel, la rumeur germait depuis plus années, plantant discrètement des graines jusqu'aux Etats-Unis. Où elle n'a eu aucun mal à éclore, arrosée d'un flot de clics: en février, la conservatrice américaine Candace Owens s'attirait 500 millions de vues sur YouTube en déclarant avec ferveur que Brigitte Macron serait une femme transgenre.

Si elle n'était absolument pas la première à colporter ce gossip, l'influenceuse conservatrice a indéniablement attiré l'attention, grâce à une importante portée sur les réseaux sociaux. Car depuis cet épisode de buzz américain, le couple présidentiel français est aux prises avec une affaire tentaculaire, qui se propage comme une mauvaise herbe. 

Le silence qui nourrit la rumeur

Absente du procès des dix personnes soupçonnées de l'avoir harcelée, Brigitte Macron n'est jamais entrée en matière, en dehors des plaintes déposées. Son frère, Jean-Michel, n'a pas accepté d'apparaître, lui non plus. D'après la rumeur, Brigitte ne serait autre que Jean-Michel Trogneux lui-même, qui aurait pris une nouvelle identité après un changement de sexe. 

On peut se demander pourquoi Brigitte Macron suscite tant d'attention et de critiques. N'est-elle pas sagement repliée dans l'ombre du président, inoffensive et plutôt discrète, dans ses tailleurs impeccables? 

«Brigitte Macron n’est pas discrète, proteste Emmanuelle Anizon, grand reporter au Nouvel Obs et autrice de l'ouvrage 'L'Affaire Madame', qui retrace 'l'anatomie d'une fake news'. Le couple présidentiel vend une histoire d’amour compliquée, ripolinée par leurs communicants. On leur reproche de se mettre en scène et, ce qui nourrit la rumeur, c’est le silence dans lequel se mure Brigitte: elle n’a jamais voulu parler de son passé, de son précédent mari, par exemple. Et c’est bien ce silence qui éveille la suspicion et ne permet pas de dégonfler les fantasmes.»

Faut-il apporter des preuves, ou non?

Aux yeux de l'autrice française, il s'agit d'un flagrant manque de communication: «Brigitte Macron n’a pas consenti, comme l’a fait Michelle Obama, à ouvrir son album de famille pour montrer des photos d’elle enceinte ou des clichés d’enfance. Selon ses dires, elle ne souhaite pas se rabaisser au niveau des personnes qui l’attaquent, mais par son silence, elle ne fait que nourrir la rumeur. On peut comprendre qu’elle n’ait pas envie d’entrer en matière, mais il s’agit, à mon sens, une erreur de stratégie. Car la moindre preuve mettrait fin au débat.»

Or, pour Adèle Zufferey, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP et psychosexologue ASPS, il aurait été délétère d'apporter des preuves: «Même si Brigitte Macron est très au clair avec son genre, le fait de répondre à ces attaques leur donnerait du crédit et ouvrirait une sorte de portillon, estime-t-elle. Si elle répondait, cela pourrait être perçu comme ‘normal’, on pourrait exiger ce type de preuve à toute personne, risquant de mener à une hystérisation autour de l’information de qui est trans et qui ne l’est pas.»

La différence d'âge pas encore acceptée

Mais pourquoi est-elle née, initialement, cette rumeur qui ne cesse de courir? Pourquoi s'acharne-t-on à ce point sur Brigitte Macron? Est-ce uniquement parce qu'elle est plus âgée que son époux? Melania Trump, qui compte pourtant la même différence d'âge avec son époux, ne subit pourtant pas les mêmes flots de critiques. 

Emmanuelle Anizon souligne que le couple français est unique, marqué par plusieurs niveaux de scandale qui secouent l'opinion publique depuis l'élection du président: «Présentée comme une idylle, l'histoire d'Emmanuel et de Brigitte Macron est complexe et n’a d'ailleurs cessé de provoquer des conflits au sein de leurs familles respectives. Pour commencer, le fait que Brigitte a 24 ans de plus que son mari n’est pas encore socialement accepté. Puis, il y a le fait que leur relation a démarré alors que Brigitte Macron était enseignante et Emmanuel Macron lycéen, ce qui a immédiatement causé des suspicions: était-il mineur, lorsqu’ils se sont rapprochés?»

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Aux yeux des complotistes, la présence d'un tel secret signifierait que les politiques font du mal à la population en masquant la vérité.
Emmanuelle Anizon, grand reporter au Nouvel Obs et autrice de l'ouvrage 'L'Affaire Madame'
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La défiance envers l'élite

Cela peut expliquer l'attention parfois cruelle portée à Brigitte Macron, depuis que le monde l'a découverte, aux côtés de son mari. Mais pourquoi l'attaquer de cette manière, en visant son identité de genre? Pour l'autrice française, cette affaire serait liée à un sentiment mondial de défiance vis-à-vis de l’élite: «Aux yeux des complotistes, la présence d'un tel secret signifierait que les politiques font du mal à la population en masquant la vérité, que si les élites entretiennent des mensonges sur leur genre et leur sexualité, elles sont capables de mentir sur tout le reste aussi».

Notre intervenante, qui analyse les réflexions complotistes en profondeur dans son ouvrage, poursuit: «Derrière ces accusations, on trouve évidemment des discours transphobes ou homophobes. Mais on ne peut tout limiter à cela: son sexe biologique importe peu, au final. Ce qui compte réellement, derrière cela, c’est l’idée du mensonge, celle du manque de transparence du monde politique. Pour les complotistes, l’existence d’un tel secret implique une possible emprise sur le président: Emmanuel Macron, en tentant à tout prix de camoufler la vérité, pourrait être victime de chantage de la part de pays extérieurs, ne représenter qu’une marionnette entre les mains d’acteurs puissants qui connaissent situation et s’en servent pour le faire chanter.»

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Si on était dans une dimension où on s’en fichait de savoir si elle était une femme cisgenre ou non, ce ne serait même pas un sujet
Adèle Zufferey, psychologue spécialiste en psychothérapie FSP et psychosexologue ASPS
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Dans un monde transphobe, c'est une attaque

Pour Adèle Zufferey, le genre d'une décideuse ne peut s'apparenter à un secret d'Etat: «Exiger qu’une personne transgenre le révèle au grand jour est aussi une réflexion transphobe, souligne-t-elle. Cela concerne la vie privée, cela nous appartient, on n’a pas à le décrire. Cette transphobie-là se traduit par une curiosité morbide, comme si c’était un crime et que la population devait être mise au courant.»

La psychologue affirme en effet que l'ampleur de cette affaire devenue internationale suffit à prouver que la société est encore largement transphobe: «Si on était dans une dimension où on s’en fichait de savoir si elle était une femme cisgenre ou non, ce ne serait même pas un sujet. Mais dès l’instant où l’on accuse, cela implique que la personne a fait quelque chose de mal. Cette affaire attire beaucoup d’attention, car la transidentité n’est pas acceptée, dans le système patriarcal.» 

Bien que la cour d'appel ait estimé qu'il n'est «pas diffamatoire d’accuser quelqu’un d’être trans», il s'agit tout de même d'une attaque, selon Adèle Zufferey: «Dans une société transphobe, où la transidentité est moins bien perçue, le fait d’accuser quelqu’un de ne pas faire partie d’une norme entretient l’illusion que des minorités tentent de prendre le pouvoir sur des majorités. Il s’agit d’une attaque, dans la mesure où l’on cherche à humilier. On cherche l’humiliation, car on sait que dans cette société, être perçu comme trans est considéré comme violent, alors que ça ne devrait pas l’être. Lui coller l’étiquette de personne trans revient à s’assurer que, dans cette société, elle sera considérée comme ‘moins’, indigne de ses privilèges.»

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