Dix personnes sont jugées lundi et mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour cyberharcèlement sexiste à l'encontre de l'épouse du président français, Brigitte Macron, cible d'une infox qui a fait le tour de la planète, affirmant qu'elle serait un femme transgenre. Cette riposte judiciaire en France, doublée d'une plainte aux Etats-Unis, intervient après quatre ans de polémiques et de rumeurs qui n'ont cessé d'enfler, largement relayées par les réseaux complotistes et d'extrême droite.
Huit hommes et deux femmes, âgés de 41 à 60 ans, sont soupçonnés d'avoir tenu à l'égard de Brigitte Macron de nombreux propos malveillants sur son «genre», sa «sexualité», assimilant sa différence d'âge avec son mari à de la «pédophilie», selon le parquet de Paris. Née dès l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, l'infox transphobe est en particulier devenue virale aux Etats-Unis où le couple présidentiel a engagé cet été des poursuites pour diffamation contre la podcasteuse trumpiste Candace Owens, proche de la sphère conservatrice MAGA, connue pour ses prises de position antisémites et prorusses.
Brigitte Macron en «homme de l'année»
Plusieurs des personnes jugées à Paris pour cyberharcèlement ont relayé des publications de l'influenceuse américaine aux millions d'abonnés sur les réseaux sociaux, et auteure d'une série de vidéos intitulée «Becoming Brigitte» («Devenir Brigitte»). Comme cette Une détournée du magazine «Time», où Brigitte Macron apparaît en «homme de l'année», assortie du commentaire «Excellent».
Dans une autre publication, l'un des prévenus relaie la présence de «2000 personnes» prêtes à aller faire du «porte-à-porte à Amiens (la ville du nord de la France dont le couple Macron est originaire, ndlr) pour y voir clair dans l'affaire Brigitte», promettant l'implication de blogueurs américains. L'enquête a été confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) après une plainte déposée par Brigitte Macron le 27 août 2024, conduisant à plusieurs vagues d'interpellations, notamment en décembre 2024 et en février 2025.
«Rebondir sur l'actualité»
Sollicité par l'AFP, l'avocat de Brigitte Macron, Jean Ennochi, n'a pas donné suite, ni voulu dire si la première dame française serait présente à l'audience. Parmi les prévenus, le publicitaire Aurélien Poirson-Atlan, 41 ans, connu et suivi sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme de «Zoé Sagan». Son compte X, suspendu depuis, a fait l'objet de plusieurs plaintes et est souvent présenté comme lié aux sphères complotistes.
La «médium», «journaliste» et «lanceuse d'alerte» de 51 ans, Delphine J., connue sous le pseudo d'Amandine Roy, sera également jugée. Elle a largement contribué à relayer la rumeur selon laquelle Brigitte Macron, née Trogneux, n'aurait jamais existé et que son frère Jean-Michel aurait pris cette identité après avoir transitionné. Delphine J. n'a fait que «rebondir sur l'actualité», selon son avocate Maud Marian, ajoutant qu'«aucun message n'a directement été adressé à Mme Macron.»
«Faire de l'humour»
Plusieurs prévenus ont affirmé lundi devant le tribunal correctionnel de Paris avoir voulu faire «de l'humour» ou «informer» en relayant une infox mondiale sur sa prétendue transidentité et pédophilie. Absente du procès, l'épouse du chef de l'Etat a indiqué aux enquêteurs que la rumeur avait eu «un très fort retentissement» sur son entourage et sur elle-même, rapportant que ses petits-enfants entendaient dire que «leur grand-mère est un homme». Sa fille, Tiphaine Auzière, doit témoigner mardi à la demande de l'avocat de sa mère.
Condamnée pour diffamation en première instance en septembre 2024 par la justice française à payer plusieurs milliers d'euros de dommages et intérêts à Brigitte Macron et 5000 à Jean-Michel Trogneux, elle a été relaxée en appel le 10 juillet dernier. Brigitte Macron et son frère se sont pourvus en cassation contre cette décision.
Les prévenus, parmi lesquels figurent aussi un élu, un galeriste, ou encore un enseignant, encourent jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Plusieurs femmes politiques dans le monde ont déjà fait les frais d'infox à caractère transphobe, comme l'ex-Première dame des Etats-Unis Michelle Obama, l'ex-vice-présidente américaine Kamala Harris ou l'ancienne Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern.