Des taux de pollution de microplastiques «incommensurables» ont été retrouvés dans les eaux Contrex et Hépar, selon un magistrat. Celui-ci est chargé de l'enquête préliminaire dans le cadre des poursuites contre Nestlé Waters concernant des décharges sauvages de déchets polluants dans les Vosges, révèle Mediapart ce samedi 9 août.
«Toutes les analyses réalisées par des laboratoires accrédités pour la recherche de microplastiques contredisent l'hypothèse de la présence d'une pollution microplastique dans nos forages, a réagi Nestlé Waters dans la soirée auprès de l'AFP. Toutes nos eaux peuvent être bues en toute sécurité.»
Nestlé Waters est poursuivi pour avoir stocké des déchets et maintenu quatre décharges sauvages à Contrexéville, They-sous-Montfort, Saint-Ouen-Les-Parey et Crainvilliers, représentant un volume cumulé de 473'700 mètres cubes, l'équivalent de 126 piscines olympiques. Le procès, décidé à l'issue d'une enquête du pôle régional environnement du parquet de Nancy, se tiendra du 24 au 28 novembre.
Nestlé est notamment poursuivi pour avoir, autour de ces décharges, «laissé s'écouler dans les eaux superficielles et souterraines» des «particules de microplastiques» à des concentrations «rendant toute vie aquatique impossible et ayant des effets nuisibles sur la santé, la flore et la faune».
Des proportions «incommensurables»
Mediapart a contribué avec «Le Monde» et Radio France aux révélations sur les traitements illégaux utilisés par le passé par Nestlé Waters sur ses eaux. Selon les informations du média, les décharges de plastique «sont (à) l'origine» de taux élevés de microplastiques retrouvés à la sortie des forages des eaux ensuite embouteillées sous les marques Contrex et Hépar.
Le média s'appuie notamment sur une enquête de l'Office français de la biodiversité (OFB) et de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp). «Une analyse chiffrée illustre que les proportions sont incommensurables s'agissant de l'introduction de microplastiques dans les sols vosgiens par Nestlé aux lieux des décharges, sur les terres et les eaux situées en aval», indique le magistrat chargé de l'enquête selon Mediapart, alertant sur «leurs effets nuisibles sur la santé humaine».
Les taux de particules de microplastique par litre (mp/L) atteignent 515 pour Contrex, et 2096 pour Hépar. Soit des concentrations 51'000 à 1,3 million de fois supérieures à celles retrouvées dans des lacs, fleuves et rivières par deux études sur laquelle s'appuient les enquêteurs. Et de 5 à 2952 fois supérieurs aux taux moyens dans les nappes phréatiques du monde, selon d'autres études.
Ces taux sont également supérieurs à ceux retrouvés dans d'autres eaux en bouteille par des chercheurs. «La dégradation est substantielle en ce qu'ils sont fragmentés en micro voire nanoplastiques, imprégnés et diffusés dans les sols et les réseaux d'eaux souterraines, de sorte qu'aucune dépollution n'est envisageable», ajoutent les enquêteurs.
Nestlé réfute «vigoureusement» l'analyse
Contacté par Mediapart, Nestlé Waters affirme «qu'aucune pollution n'est avérée aux termes des analyses environnementales partagées avec les autorités». Selon l'entreprise, les décharges incriminées datent des années 1960, avant qu'elle ne soit propriétaire des terrains pollués.
Le groupe a précisé à l'AFP ne pas commenter les procédures en cours mais que «la majorité des sites» avait déjà été nettoyée. «Nous attendons les préconisations des autorités quant aux mesures de remédiation à mettre en œuvre pour les sites restants au profil plus complexe», ajoute-t-il. «Nestlé Waters dénonce avec la plus grande fermeté des affirmations infondées, et susceptibles d’induire gravement en erreur les consommateurs», communique la firme dimanche.
Conséquence de l'article de Mediapart? Le groupe indique avoir sollicité «trois laboratoires accrédités ou de référence dans la détection de microplastiques dans l’eau» pour retester ses sources. «Les prélèvements ont été réalisés directement aux forages, en présence d’un huissier», indique Nestlé Waters, qui assure avoir transmis aux autorités judiciaires les résultats de ces laboratoires qui montreraient «l’absence de microplastiques dans l’eau de nos forages».
Mediapart indique cependant avoir consulté une note confidentielle dans laquelle Nestlé Waters affirmait en 2022 que les décharges pourraient avoir «un impact sur la qualité des eaux». Les taux de microplastiques dans les eaux minérales naturelles ne sont pas réglementés.
Ces substances inférieures à cinq millimètres – et 1000 fois moins pour les nanoplastiques – sont au cœur des négociations en cours à Genève jusqu'au 14 août pour tenter d'élaborer le premier contre la pollution plastique. Omniprésentes dans l'environnement, donc inhalées ou ingérées quotidiennement, leur effet sur la santé humaine est loin d'être tranché. Mais de nombreuses études montrent qu'elles s'accumulent dans le sang, les organes et le système nerveux.