François Bayrou y croit encore. Dans un long entretien accordé dimanche 31 août à plusieurs chaines de télévision, le Premier ministre français a répété qu’il considère possible d’obtenir un vote de confiance le 8 septembre, lorsqu’il engagera la responsabilité de son gouvernement devant l’Assemblée nationale. Une conviction affichée malgré une situation de crise politique majeure. Pourquoi? Parce qu’il fait cinq paris «dingue», pour reprendre un terme qu’il a lui même utilisé à plusieurs reprises.
Premier pari: les Français vont réagir
C’est un appel aux Français, par interview télévisée interposée, que François Bayrou a lancé ce dimanche 31 août. Le Premier ministre a même désigné l’une de ses cibles: les plus jeunes, qui peuvent s’emparer des réseaux sociaux pour faire pression sur les élus. Son baromètre: plusieurs sondages montrent que six de ses concitoyens sur dix soutiennent sa décision d’engager la responsabilité de son gouvernement pour faire passer un projet de budget 2026 avec 43 milliards d’euros d’économies. Problème: ils sont encore plus nombreux, 69%, à réclamer une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale.
Second pari: le PS va flancher
François Bayrou ne l’a pas dit. Mais ses attaques contre la candidature déclarée d’Olivier Faure, le patron du Parti socialiste, à lui succéder à la tête du gouvernement, montrent qu’il croit possible une fracture au sein de cette formation qui compte 66 députés. Si une moitié d’entre eux prennent ces jours-ci leurs distances avec Olivier Faure, la donne pourrait basculer. L’idée évoquée d’une intégration de ministres socialistes au gouvernement deviendrait possible. Dingue de penser qu’une partie du PS pourrait sauver ce centriste? N’oublions pas qu’en 2012, François Bayrou avait soutenu François Hollande, le candidat socialiste à la présidentielle, contre le sortant Nicolas Sarkozy.
Troisième pari: le courage paie
Les journalistes qui l’interviewaient ont eu raison de souligner qu’au fil de sa longue carrière politique, François Bayrou a toujours joué sur deux tableaux. Côté pile: il a toujours défendu la baisse des déficits et de l’endettement. Côté face: les députés de son parti Modem ont voté des mesures dépensières, notamment sous la présidence d’Emmanuel Macron durant laquelle la dette a augmenté d’environ 1000 milliards d’euros pour atteindre le record de 3350 milliards. Sauf que Bayrou mise sur son courage. Il sait que parler d’économies budgétaires est très difficile en France. Il prend tous les risques. Pari dingue ou pari gagnant?
Quatrième pari: sa posture présidentielle
La question lui a été posée: la dramatisation de l’enjeu budgétaire n’est-elle pas un moyen, pour le dirigeant centriste, de prendre date pour la présidentielle de mai 2027, à laquelle Emmanuel Macron ne pourra pas se présenter, ayant atteint la limite de deux mandats. Bayrou a esquivé. Mais le fait est que ce pari aurait du sens. Il a déjà été candidat à trois présidentielles (2002, 2007, 2012). Or voilà que sa popularité remonte, même s’il reste très bas dans les sondages, avec 20% d’opinions favorables.
Cinquième pari: la peur du RN et de LFI
Marine Le Pen rencontrera François Bayrou cette semaine. La patronne du parti de droite nationale populiste veut une dissolution de l’Assemblée nationale après la chute du gouvernement, auquel le RN refusera la confiance. Problème: la peur de voir arriver le RN au pouvoir demeure. Et François Bayrou le sait. Il fait donc le dernier pari dingue du «rempart». C’est lui, ou l’autoroute politique vers le Rassemblement national. C’est lui, ou le chaos social sur lequel surfe LFI, avec la journée de blocage du pays le 10 septembre, et l’appel des syndicats à la grève le 18 septembre. Bayrou se voit comme un bouclier. Crédible?