«C'est grâce au bassin des poissons rouges que j'ai sauvé ma maison!»: à Marseille, dans le sud-est de la France, Dominique Russo a des sanglots dans la voix en racontant mercredi sa lutte contre le feu, muni de seaux... et de la seule eau des poissons.
A l'Estaque, quartier du bord de mer dans le nord de Marseille, popularisé par le peintre Paul Cézanne et plus récemment les films de Robert Guédiguian, deux maisons ont entièrement brûlé. Elles venaient d'être achetées par deux jeunes couples. Sur le jardin en restanques, des arbustes calcinés, trois vélos, dont celui d'un d'enfant, ont fondu sous la chaleur des flammes de l'incendie qui était en voie d'être maîtrisé mercredi.
A quelques mètres en contrebas, Dominique Russo, 59 ans, montre les dégâts sur la maison familiale qu'il venait de rénover et dans laquelle il avait emménagé le 28 juin avec sa femme et sa belle-mère de 93 ans: façade noircie, fenêtre explosée, volet brûlé. Le salon jonché de débris de verre comme l'intérieur des placards sont recouverts de suie noire. Le climatiseur a entièrement fondu. La maison n'a plus de courant, le poteau électrique, brûlé, est tombé sur le mur d'enceinte.
«Au début, on ne voulait pas quitter la maison, mais (mardi) à 15H00 (13h00 GMT), quand on a commencé à entendre les crépitements autour de nous, avec ma femme on a fait descendre ma belle-mère de 93 ans. Mais par l'escalier (qui dessert une partie de ce quartier pentu, NDLR), ça a été compliqué....»
Les poissons rouges à la rescousse
Arrivé chez son frère, dans le bas de l'Estaque, Dominique Russo a vue sur sa maison, et découvre sa serre en flammes. «Je n'ai pas pu résister, je suis remonté avec mon frère et mon cousin, on a été retardé par une voiture en feu dans la montée, des policiers nous ont suivis, et arrivés ici, on a commencé à essayer de repousser le feu avec un jet d'eau, un petit pipi qui ne servait pas à grand chose».
Mais rapidement, l'eau s'arrête. La maison n'a pas de compteur et est équipée d'une jauge qui venait d'être réduite à 800 litres par jour. «Du coup, on a pris des seaux, et avec l'eau du bassin des poissons rouges, on a arrosé, arrosé. Les policiers sont restés avec nous une grosse heure, et après, à trois, on est restés (mercredi) jusqu'à 02H00 (00H00 GMT) du matin, à la lumière d'une petite lampe solaire du jardin».
«On courait dans tous les sens, je n'ai jamais couru autant que ça.. J'ai fait ce que j'ai pu, j'avais plus d'eau... Je me suis excusé auprès de ma belle-mère, qui est née dans cette maison, mais j'ai pas pu faire plus», dit-il les larmes aux yeux. Dominique Russo n'en veut pas aux pompiers: «il y avait des feux partout dans le département, ils étaient submergés et ici, avec leurs camions, ils ne pouvaient pas passer.» En revanche, «je ne comprends pas qu'on n'ait pas une bouche d'incendie à côté».
«Depuis le dernier incendie en 2016, on sait que c'est un site à risques. On a demandé plusieurs fois une bouche d'incendie, et ça n'a pas été fait! On aurait pu se défendre!», dit-il, la gorge nouée. «Tous les travaux étaient fini, il nous restait un peu de nettoyage et du rangement», lâche-t-il. «Là je vais rassembler nos papiers, et appeler les assurances, mais j'ai peur...» Une voisine, épargnée par le feu, passe pour inviter les Russo à déjeuner. Un autre apporte des bouteilles d'eau, propose de venir chez lui prendre une douche. Dominique Russo sourit enfin.