Marseille traumatisée
La France en feu chaque été, ça devient sérieux

Le confinement de la population a été levé mercredi 9 juillet dans les quartiers nord de Marseille après une nuit à combattre le feu. Mais d'autres départements sont touchés, et la peur d'étés incendiaires s'installe en France.
Publié: 09.07.2025 à 10:08 heures
|
Dernière mise à jour: 09.07.2025 à 11:11 heures
Partager
Écouter
1/5
Toute la journée du mardi 8 juillet, Marseille a redouté le pire: un incendie dévastateur qui ravagerait ses zones urbaines.
Photo: AFP
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Tous les vacanciers ou résidents suisses en France risquent de l’apprendre à leurs dépens: le pays n’est pas à l’abri d’incendies récurrents et de plus en plus violents chaque été. Le feu qui a été maîtrisé dans la nuit du 8 au 9 juillet à Marseille, après avoir dévoré près de 800 hectares et atteint les quartiers nord et ouest de la ville, en apporte à nouveau la preuve.

Le signal d’alarme envoyé par ce début d’été dans l’hexagone est sans appel. Outre le départ du feu à la périphérie de Marseille, suite à l’incendie d’une voiture en bordure d’une autoroute mardi 8 juillet dans la matinée, d’autres incendies sont toujours en cours.

Feux dans l’Aude et les Cévennes

Dans l’Aude, près de 2000 hectares sont partis en fumée. Dans les Cévennes, autour des communes de Montdardier et Rogues, le spectacle de désolation est visible après une nuit de mobilisation des pompiers face à plusieurs départs d’incendie. Avec, dans toutes les têtes, le spectre d’une nouvelle tragédie comme celle qui a dévasté la Gironde et les Landes durant l’été 2022. Des feux hors normes au mois de juillet avaient alors entraîné l’évacuation de près de 40 000 habitants et ravagé 20 800 hectares de forêt de pins durant près de deux semaines. L'abattage massif des pieds de vigne, en raison des difficultés économiques de la filière viticole, y est dénonçé par les agriculteurs comme l'une des raisons pour la propagation rapide des feux.

Contenu tiers
Pour afficher les contenus de prestataires tiers (Twitter, Instagram), vous devez autoriser tous les cookies et le partage de données avec ces prestataires externes.

Pourquoi la France est-elle touchée? La première raison, étonnante au vu des précipitations pluvieuses de ces dernières semaines, est l’assèchement généralisé des sols, valable pour tout l’arc méditerranéen. Même si l’état global des nappes phréatiques est, en cet été 2025, jugé «satisfaisant», avec des niveaux des remplissages supérieurs ou conformes aux normales dans près des trois quarts de l’hexagone, la surface est aride, propice aux incendies. «Les indices hydriques plongent à des niveaux exceptionnellement bas pour un début d’été», a alerté l’agroclimatologue Serge Zaka. La sécheresse s’installe durablement en France», a-t-il ajouté, images satellites à l’appui, sur le réseau social Blue Sky. Preuve de cette inquiétude: 48 départements français font déjà l’objet de restrictions d’eau pour cette période estivale.

Le rôle des vents

La seconde raison est celle, démontrée à Marseille, des vents estivaux, propices à la propagation des incendies, une fois déclarés. Couplés aux fortes chaleurs, les vents qui déferlent régulièrement sur le sud de la France, comme le mistral ou la tramontane, transforment le sud-est du pays en brasier potentiel. Pour le chercheur Julien Ruffault, spécialiste des feux de forêts et des incidents climatiques, «La combinaison du vent et de l’assèchement est le cocktail classique des incendies majeurs. Ce qu’il s’est passé en 2022 va devenir la norme. Il faut repenser les paysages en intégrant le risque incendie».

Troisième raison, moins souvent évoquée mais illustrée lors de l’approche des feux autour de Marseille: la prolifération des habitations parfois mal entretenues dans des zones à risques. On connaît ce problème lors des inondations. Régulièrement, la montée des eaux oblige les municipalités à revenir sur l’urbanisation incontrôlée des trente dernières années. Idem pour les feux.

Problèmes d’urbanisation sauvage

En Gironde, après le traumatisme de l’été 2022, une nouvelle réglementation a été mise en œuvre. Elle ne prohibe pas l’utilisation de matériaux de construction tels que le bois, mais elle exige des propriétaires l’utilisation de produits normés, pour leur inflammabilité, leur dégagement de chaleur, l’opacité des fumées et la propension à produire des gouttelettes incandescentes. Elle recommande aussi des techniques d’ignifugation (naturelles ou chimiques) dans les zones à risque.

Dernier élément: impossible de dissocier, dans le sud de la France, les départs de feux des incivilités croissantes constatées dans le pays, où les violences urbaines et la dégradation du mobilier public lors des manifestations ou des grands événements deviennent endémiques.

Des incivilités incendiaires

Au nord de Béziers, dans l’Hérault, des patrouilles de gendarmes ont pour but de prévenir les comportements à risques dans les campings ou sur les plages fluviales, ou proches des lacs. «Ici la végétation est dense, très sèche par endroits explique un officier à la radio Ici Vaucluse, après une journée passée le long de la rivière Orb. Le risque d’incendie est grand. La moindre étincelle pourrait embraser la végétation. Malgré cela, des baigneurs n’ont pas hésité à allumer un feu, comme nous avons pu le constater. C’est interdit et pourtant, une dizaine de barbecues sont géolocalisés sur une vingtaine de kilomètres.

S'y ajoute les problèmes classiques d'entretien défaillant des forêts, ou de modification des paysages ruraux dûs à l'arrachage des vignes dans certaines régions. Les vignes arrachées sont souvent remplacées par des broussailles hautement inflammables. «Les vignes faisaient coupe-feu, maintenant elles s'arrachent toutes et il n'y a pas d'entretien. Et avec le vent, il n'y a rien à faire» témoignait ces jours-ci un éleveur de moutons près de Narbonne.

Logistique en rade

Le calendrier logistique est aussi essentiel. Avec un problème pointé par les secours: le vieillissement de la flotte française de Canadair, ces avions de la protection civile qui larguent l’eau sur les feux. La flotte tricolore de 12 appareils capables de larguer 6000 litres d’eau prélevés dans un lac ou dans la mer, doit être renouvelée, mais du retard a été pris ces dernières années.

Manque d’avions anti incendies

La plupart sont en service depuis une trentaine d’années. En 2022, Emmanuel Macron avait donc promis de renouveler tous les Canadair et d’en acheter quatre de plus d’ici la fin de son second mandat. La promesse ne sera pas tenue. Les deux premiers seront livrés en 2028 au plus tôt. Quatre autres commandes ont été annulées, faut de budget, à la fin 2024» dénonce Sophie Pantel, députée socialiste de Lozère, coauteure d’un rapport parlementaire sur la flotte aérienne de la sécurité civile. L'urgence d'une flotte aérienne européenne anti-incendie, dans le cadre de protection civile de l'Union, est de plus en plus avérée.

La solution pour l'heure: recourir à des Dash, des avions plus gros porteurs d’eau (10 000 litres), qui ne peuvent pas se ravitailler en mer, ou à des hélicoptères bombardiers d’eau qu’il faut louer à d’autres pays eux-mêmes en proie aux incendies, comme l’Espagne ou le Portugal.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la