L’Espagne ne va pas disparaître de la carte. La guerre en Ukraine et l’instabilité mondiale ont-elles tué les derniers espoirs d’une Catalogne indépendante à moyen terme? Ou est-ce l’habileté politique du Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, qui vient d’être récompensée par la défaite des indépendantistes, ce dimanche 12 mai, aux élections régionales en Catalogne?
Peut-être un peu des deux. Car il y a en tout cas un perdant à ce scrutin: le mouvement sécessionniste catalan dans son ensemble. Pour la première fois depuis vingt ans, ses élus ne disposeront plus de la majorité absolue à l’assemblée de la Généralité, la région. Il fallait 68 sièges aux indépendantistes pour continuer d’avancer sur le chemin compliqué du divorce avec l’Espagne. Ils n’en ont obtenu que 59.
Trois leçons du scrutin
Les trois leçons les plus éloquentes de ce scrutin sont personnelles, européennes et judiciaires. Du côté des candidats, l’ancien président de la Généralité, Carles Puigdemont, réfugié en France, devra vite dire s’il tient sa promesse de quitter la politique, puisque son pari de retrouver son siège a échoué. Son parti indépendantiste Junts (droite) progresse de trois sièges et obtient 35 élus. Mais c’est au parti socialiste espagnol du Premier ministre Pedro Sanchez, défenseur de l’unité du royaume et d’une autonomie des régions, que revient la victoire.
Avec 42 élus, son chef de file en Catalogne, Salvador Illa, se retrouve en position de force pour négocier une coalition gouvernementale. Ce qui ne sera néanmoins pas facile car le parti de gauche indépendantiste, Esquerra – qui contrôlait l’exécutif et a du convoquer un scrutin anticipé, après la rupture de sa coalition avec Junts – est le grand perdant du scrutin. Il perd 13 sièges. Sa secrétaire générale Marta Rovira, réfugiée à Genève, se retrouve le dos au mur.
La seconde leçon est européenne. Les 5,5 millions d’électeurs catalans ont confirmé ce dimanche qu’eux aussi sont sensibles à la montée de la droite nationale-populiste. Spectaculaire révélateur de cette nouvelle donne, le parti d’extrême-droite Vox, qui revendique son héritage franquiste, va entrer pour la première fois au parlement régional, à moins d’un mois des élections européennes du 9 juin.
Difficile de fermer les yeux sur ce verdict des urnes, d’autant que l’Alliance Catalane, le parti indépendantiste de droite dure, fera aussi son entrée au parlement de la Généralité. Le rejet de l’immigration a produit ses fruits électoraux, alors que des bateaux de migrants accostent régulièrement sur les côtes des îles Baléares voisines.
La leçon judiciaire
Troisième leçon enfin: celle de la justice. Est-il nécessaire, dans ce contexte de reflux des indépendantistes, de maintenir les poursuites pour «terrorisme» lancées contre Carles Puigdemont et Marta Rovira? Est-ce surtout crédible, alors que ces deux leaders indépendantistes acceptent le jeu démocratique?
Après le vote le 14 mars au parlement, à six voix près, d’une loi d’amnistie pour les ex-prisonniers politiques indépendantistes qui avaient tenté de faire sécession à l’issue du référendum de 2017 (non reconnu par la Communauté international et déclaré inconstitutionnel par le Tribunal constitutionnel espagnol), l’heure d’une pause politique est peut-être venue en Catalogne et dans la Péninsule Ibérique.