A Séoul, il n'est pas rare de voir une classe d'enfants de 5 ans rédiger des textes complexes en Anglais. L'objectif? Se préparer dès le plus jeune âge à intégrer une université d'élite. En Corée du Sud, l'entrée à l'université conditionne encore largement l'avenir professionnel, la pression éducative débute alors de plus en plus tôt, rapporte le «Washington Post» ce mardi 10 juin.
La Corée du Sud est depuis longtemps réputée pour son système éducatif ultra-exigeant. Les élèves enchaînent école publique et cours privés jusque tard le soir, parfois jusqu’à 23 heures. Dans les académies privées, les tout-petits apprennent déjà des compétences avancées dès la maternelle.
Certains programmes se targuent d’enseigner des mathématiques de niveau si élevé que les enfants seraient en bonne voie pour intégrer… des études de médecine. D’autres entraînent les jeunes élèves à rester une heure assis sans bouger, afin de les habituer à de longues sessions d’étude.
Un luxe coûteux
Portés par l’angoisse du déclassement et la compétition sociale, près de la moitié des enfants sud-coréens de moins de 6 ans suivent un enseignement privé, souvent hors de prix. Dans les quartiers les plus aisés de Séoul, les familles déboursent plus de 1400 dollars pour ces programmes pré-scolaires. Une bonne performance en maternelle intensive leur ouvre les portes d’écoles primaires d’élite dès leur première année. Un investissement que beaucoup jugent inévitables... mais à quel prix?
Psychologue et expert tirent la sonnette d'alarme sur les effets délétères de cette pression extrême sur des enfants aussi jeunes. Les parents aussi en paient le prix. Le coût exorbitant de l’éducation et les sacrifices qu’elle exige figurent parmi les raisons pour lesquelles la Corée du Sud affiche aujourd’hui le taux de fécondité le plus bas au monde.
Dépression dès l'enfance
Les parents sont partagés entre la crainte de voir leurs enfants s'épuiser et la peur de les voir prendre du retard par rapport aux autres, de finir exclus du système et de l'espoir d'une vie réussie. «Toutes ces mères consacrent tellement d'énergie et d'attention à leurs enfants qui n'ont que 6 ans, confie Kim, mère de famille. Je m'inquiète donc beaucoup de l'aggravation de la situation une fois qu'ils entreront à l'école primaire.»
Les cliniques psychiatriques et de médecine alternative fleurissent dans les quartiers huppés de Séoul. Le nombre de demandes de remboursement d'assurance maladie pour dépression et anxiété chez les enfants de 8 ans et moins y a plus que triplé en 5 ans, selon des données publiées en avril par la commission de l’éducation du Parlement sud-coréen.
«Cette culture doit changer»
Face à ce système impitoyable, certains parents tentent de faire un pas de côté. Seo Dong-ju, chirurgien thoracique, a inscrit son fils de 5 ans dans une école anglaise moins intensive, dans le quartier de Gangnam. «Mon enfant aime encore les dinosaures et les animaux. On l’emmène souvent à l’aquarium », raconte-t-il.
Pour lui, la pression scolaire à outrance comporte de lourds risques physiques, psychologiques et sociaux. «Je pense que cette culture doit changer radicalement», affirme-t-il. Seo Dong-Ju espère que les décideurs politiques réagiront avant qu’il ne soit trop tard, non seulement pour les enfants, mais aussi pour la société tout entière.