Blick analyse le «débat citoyen» de la télévision d'État russe
Dans son discours, Poutine a diffusé ces messages cachés

Après une pause d'un an, Vladimir Poutine a invité la population russe à un «entretien citoyen», ce jeudi. Les questions étaient toutes préparées. Mais les réponses de Poutine cachent quelques surprises. Une analyse.
Publié: 15.12.2023 à 20:01 heures
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Dernière mise à jour: 15.12.2023 à 20:02 heures
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Vladimir Poutine s'est présenté jeudi devant les caméras, de bonne humeur, pour le traditionnel débat citoyen.
Photo: keystone-sda.ch
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Samuel Schumacher

Vladimir Poutine appelle cela un entretien avec les citoyens. Mais cet événement moscovite, au cours duquel le président russe répond chaque fin d'année aux questions de ses concitoyens, n'est rien d'autre qu'un conte de fées.

En 2022, Poutine a fait annuler la conférence. À l'époque, son armée avait fait trop de gros titres négatifs à la suite de reconquêtes ukrainiennes. Mais jeudi, le chef du Kremlin a de nouveau utilisé la grande louche de la propagande.

Ce qui était vraiment passionnant, ce n'était pas ses «faits», mais tout ce que Poutine a dit entre les lignes. Blick a filtré les trois messages les plus importants. Celui qu'il a adressé aux Américains, en particulier, est très captivant.

1) Poutine: «Il semble que nous arrivions bientôt à la fin.» En clair: «Zelensky, abandonne! Tu n'as aucune chance.»

Alors que l'Ukraine doit craindre la baisse de soutien de l'Occident, tout semble bien se passer pour la Russie sur le front. Seulement si, comme le dit Poutine, nous faisons abstraction de l'importante mortalité sur le champ de bataille. Selon les données américaines, plus de 315'000 Russes ont été tués ou blessés depuis le début de la guerre.

L'économie russe a toutefois connu une croissance de 3,5% en 2023. Le pays investira l'année prochaine 100 milliards de dollars dans l'armée. L'industrie de guerre produit des quantités record d'armes. Et les Nord-Coréens et les Iraniens fournissent des drones et des munitions.

Une nouvelle vague de recrutement n'est pas non plus nécessaire, affirme Poutine. Actuellement, 617'000 soldats russes combattent en Ukraine. Aux 300'000 hommes mobilisés s'ajouteraient plus de 480'000 volontaires pour «défendre leur patrie». Leurs motivations de guerre seraient les mêmes que le 24 février: «dénazification, démilitarisation, imposition d'un statut de neutralité.»

La propagande de Poutine est efficace. Le pays continue à adhérer aux idées de leur chef, même après presque deux ans d'état de guerre.

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Vladimir Poutine: «Oui à de meilleures relations avec les États-Unis, dès que des changements internes auront eu lieu.» En clair: «Votez Trump, et tout redeviendra comme avant.»

Vladimir Poutine a fait sensation avec son message aux Américains: les États-Unis sont un «pays important», a-t-il lancé. Mais le pays doit cesser de se comporter de manière «impérialiste». «Respectez les autres peuples et pays, et nous pourrons alors reconstruire complètement nos relations», a souligné le président russe.

Mais pour cela, il faut d'abord des «changements internes». Sans beaucoup de détour, Vladimir Poutine annonce que Moscou souhaite le retour rapide de Donald Trump à la Maison-Blanche. Dès que l'ancien président américain sera de retour, selon le message caché, tout ira mieux. Trump lui-même a annoncé qu'il pourrait mettre fin à la guerre en Ukraine «dans les 24 heures».

S'adressant aux Européens, Poutine sait que de nombreux Occidentaux soutiennent la Russie, et qu'elle fait ce qu'il faut. Cela apporte de l'eau au moulin des groupes qui plaident pour la fin des sanctions contre la Russie et pour une reprise des relations économiques avec l'empire.

3

Vladimir Poutine: «Ce qui se passe à Gaza est une catastrophe.» En clair: «Unissons-nous contre l'Occident, mes amis arabes!»

Vladimir Poutine qualifie de «catastrophe» les conditions qui règnent à Gaza. Cette rhétorique claire et son récent voyage au Proche-Orient, au cours duquel il a été reçu avec les plus grands honneurs en Arabie saoudite et aux Émirats, le montrent: le président russe est tout sauf isolé. Ce n'est pas parce que l'Occident se rebelle contre Moscou que la Russie n'a plus d'amis.

Un exemple: le volume des échanges commerciaux entre la Russie et la Chine n'a jamais été aussi élevé, avec plus de 200 milliards de dollars par an.

Conclusion: Vladimir Poutine gagnera facilement les élections présidentielles russes du 17 mars et pourra gouverner au moins jusqu'en 2030. L'année prochaine, ce sera donc à nouveau l'heure des contes de fées. Et si l'Europe et l'Amérique ne se mobilisent pas, le président russe pourra à nouveau raconter avec fraîcheur ses terribles succès.

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