Suspecté d'avoir tué sa professeure d'espagnol ce mercredi à Saint-Jean-de-Luz, un lycée va être présenté à un juge d'instruction. Le parquet de Bayonne va demander le placement en détention provisoire de cet adolescent de 16 ans, qui n'était jusque-là pas connu de la justice et avait de bons résultats scolaires, sauf en espagnol.
Selon le procureur de la République de Bayonne Jérôme Bourrier, le garçon «a mis en avant une petite voix qui lui parle (...), qui l'incite à faire le mal et qui lui aurait suggéré la veille de commettre un assassinat». Il a estimé qu'en l'état actuel des investigations, le mineur «apparaissait accessible à une responsabilité pénale». Car si un premier examen psychiatrique a révélé «une forme d'anxiété réactionnelle pouvant perturber son discernement» et «des éléments de dépression», «aucune maladie mentale de type schizophrénie, état maniaque, mélancolie ou retard mental, ni décompensation psychiatrique aigüe» n'ont été décelées à cette heure.
Le suspect, élève de seconde du collège-lycée privé catholique Saint-Thomas d'Aquin, était en cours d'espagnol mercredi quand il s'est levé, a verrouillé la porte de la classe et s'est dirigé vers la professeure Agnès Lassalle, 52 ans. Il a sorti un couteau de cuisine, caché dans un rouleau de Sopalin, et a porté «un seul coup violent» de la main droite, selon le procureur.
«Suivi par un médecin psychiatre», le lycéen avait fait en octobre «une tentative de suicide médicamenteuse et faisait depuis l'objet d'une prescription d’antidépresseurs». Il a évoqué des «faits de harcèlement» subis dans son précédent établissement, un collège public de la ville, «une dispute» la veille avec un camarade et a également admis «une forme d'animosité à l'égard de sa professeure d'espagnol».
Une prof «très dévouée»
Une minute de silence a été observée jeudi après-midi dans les collèges et lycées qui ne sont pas en vacances, en hommage à la professeure dont la mort en salle de classe a bouleversé la communauté éducative, un peu plus de deux ans après l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie décapité par un jeune islamiste radicalisé.
Le ministre de l'Education Pap Ndiaye, qui a respecté ce temps de recueillement avec les élèves du collège Combe de Savoie à Albertville, a décrit Mme Lassalle comme «très dévouée». Elle «consacrait l'essentiel de son temps à préparer ses cours (...), à faire grandir ses élèves», a-t-il souligné.
Elle «adorait ses élèves, aimait son boulot», a de son côté témoigné Stéphane, le compagnon d'Agnès Lassalle au micro de France Inter. «Et elle était adorée d'eux, il y avait vraiment une relation». Au point que cet engagement empiétait sur sa vie personnelle. «Ça me désespérait, mais je le respectais».
Rudy, élève de 3e, a décrit lui aussi à l'AFP Agnès Lassalle comme une «prof très gentille», «à l'écoute».
Jeudi matin, des élèves du collège-lycée Saint-Thomas d'Aquin avaient repris le chemin de leur établissement avec des bouquets de fleurs ou des roses blanches.
Une cellule d'urgence médico-psychologique a été chargée d'"accompagner» les élèves qui en ressentent le besoin, de les «rassurer» et les «réancrer dans la réalité», selon sa responsable, Elorri Amestoy, médecin aux urgences psychiatriques de l'hôpital de Bayonne. «On gère la frustration, la prostration, le surplus d'émotions, mais surtout, on est là pour prévenir, parce que les symptômes peuvent arriver les jours suivants», a-t-elle ajouté.
Les agressions contre des professeurs sont fréquentes en France, mais l'AFP a recensé moins d'une dizaine de meurtres sur les quatre dernières décennies.
(AFP)