La France se prépare mercredi à une journée agitée dans le sillage de l'appel à «Bloquons tout» né sur les réseaux sociaux et qui devrait permettre de jauger la colère sociale, dans un pays en pleine crise politique.
Blocages d'infrastructures de transports, de sites symboliques ou de lycées, manifestations, grève de la carte bancaire... Au lendemain de la nomination de Sébastien Lecornu qui remplace François Bayrou tout juste évincé de Matignon, et huit jours avant une mobilisation syndicale, une myriade d'actions sont prévues dès l'aube dans les métropoles, les petites villes et les campagnes. Mais l'étendue de la mobilisation reste incertaine.
Quelque «80'000 gendarmes et policiers» sont mobilisés et «aucun blocage» ne sera toléré, a prévenu le ministre de l'Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau. Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a dit pour sa part s'attendre à des actions «coups de poing», le mouvement ayant été «repris par l'ultragauche», mais ne pas penser qu'il mobiliserait «la société civile».
Rappel des Gilets jaune
Ce mouvement horizontal, né sur les réseaux sociaux et sans chef de file identifié, rappelle celui des Gilets jaunes, il y a sept ans, mais rassemble des personnes plus jeunes et plus politisées, selon une enquête de la fondation Jean Jaurès. Il conteste les mesures d'économie annoncées mi-juillet par François Bayrou (suppression de deux jours fériés, allongement du délai de carence en cas d'arrêt-maladie, doublement des franchises médicales, monétisation de la cinquième semaine de congés payés...) et rejette les classes dirigeantes, en particulier Emmanuel Macron.
Selon un sondage pour la Tribune dimanche, 46% des Français soutiennent le mouvement. Dès lundi soir, des pots de départ de François Bayrou, ont rassemblé 11'000 personnes devant des mairies dans toute la France, selon une source policière, donnant un avant-goût de la mobilisation.
Parer aux blocages
Pour parer aux blocages, le patron du Groupement Mousquetaires/Intermarché, Thierry Cotillard, a ordonné des livraisons plus importantes qu'habituellement et dénoncé comme «vol» les appels aux «chariots gratuits». Si les TGV doivent circuler normalement et les métros parisiens quasi normalement, des perturbations sont prévues sur certaines lignes d'Intercités, TER et sur le réseau francilien (RER B et D, lignes H et R) ainsi que dans tous les aéroports français.
Des tentatives de blocages de portes de Paris, des rocades de plusieurs villes et d'autoroutes sont aussi prévues. Dès mardi après-midi, des messages sur les panneaux du périphérique de la capitale indiquaient ainsi «Manifestation 10/09 - éviter Paris», a constaté l'AFP. Les autorités surveillent particulièrement les «points d'intérêts vitaux», comme les raffineries.
Situation conforme aux annonces dans les transports
Mercredi en tout début de matinée, les transports en commun parisiens ont connu quelques perturbations, «conformes aux prévisions», ont indiqué à l'AFP la RATP et la SNCF. Côté métro parisien, «tout est conforme aux prévisions», a déclaré un porte-parole du transporteur. Le trafic est «quasi normal» pour les réseaux de métro et de bus, à part un incident technique sur la ligne 5, et «perturbé», avec deux trains sur trois qui circulent, sur la ligne B du RER, qui traverse l'Ile-de-France du nord au sud via le centre de Paris et dessert l'aéroport de Paris Charles-de-Gaulle.
Gérée conjointement avec la SNCF, cette ligne est habituellement empruntée par près d'un million de voyageurs par jour. A la SNCF, là encore, on indique que les perturbations de ce début de matinée sont celles qui "ont été annoncées dans le plan de transport". Le transporteur avait indiqué lundi ne prévoir aucune circulation sur une partie du RER D, seulement un train sur trois sur les lignes Transilien H, vers le nord-ouest de la région parisienne, et Transilien R (sud-est).
La SNCF avait indiqué précédemment que le trafic ferroviaire serait affecté dans l'Hexagone par le mouvement social, en particulier celui des TER et des Intercités, mais pas le réseau à grande vitesse. Pour les aéroports parisiens, «rien à signaler», a indiqué à l'AFP un porte-parole d'ADP.
«Il n'y a pas eu de préavis de grève chez ADP et chez nos principaux prestataires, mais nous effectuons tout au long de la journée une veille active au vu de l'imprévisibilité du mouvement», a-t-il ajouté. ADP suit notamment les possibles perturbations sur les accès routiers ou ferroviaires aux aéroports parisiens sous sa gestion (Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Le Bourget), a précisé ce porte-parole.
«Position de force»
L'une des inconnues tient à la visibilité que parviendra à atteindre ce mouvement, partiellement soutenu par les syndicats. La CGT et Solidaires ont appelé à le rejoindre quand la CFDT et FO, notamment, ont préféré se concentrer sur la journée intersyndicale du 18, ce qui n'empêche pas certaines sections de se mobiliser le 10.
Pour la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, «les travailleurs et les travailleuses sont en position de force» et doivent se mobiliser «le 10 et surtout le 18 septembre». La convergence des colères se fait aussi, partiellement, avec celle du monde agricole. La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole français, a annoncé sa participation.
«Je suis très en colère de la politique qui a été menée», confie le porte-parole de la Confédération paysanne en Côte-d'Or, Thomas Maurice, qui manifestera mercredi après-midi à Dijon. Cet éleveur de chèvres dénonce la paupérisation des agriculteurs et «un système cadenassé au service d'une caste de la FNSEA», le premier syndicat agricole.
Bérénice (prénom d'emprunt), cofondatrice de l'association des mères isolées, participera à des actions à Paris. «Les mères isolées sont très fortement attaquées depuis plusieurs années, avec la loi plein emploi et le RSA sous conditions» et «le budget va encore plus nous mettre à genoux», dénonce-t-elle.
Le mouvement se poursuivra-t-il au-delà du 10 jusqu'à la journée syndicale du 18? «Il faut une action de masse, s'il faut une semaine de grève on la mettra, l'objectif c'est que Macron dégage», s'enflamme Sylvain Chevalier, secrétaire CGT du CSE à la centrale de Paluel (Seine-Maritime) où un piquet de grève se tient mercredi.