80% de la population est touchée
Papillomavirus: où en sont la prévention et le dépistage chez les hommes?

Dans le cadre d'une campagne de sensibilisation, plusieurs influenceuses suisses parlent actuellement du papillomavirus humain (HPV) sur leurs réseaux sociaux. Mais où en est la prévention pour les hommes, également concernés par ce virus? Un expert fait le point.
Publié: 19.10.2024 à 10:07 heures
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Dernière mise à jour: 21.10.2024 à 14:33 heures
Ce virus sexuellement transmissible, pouvant favoriser l'apparition de certains cancers, concerne environ 70 femmes sur 100 en Suisse, et 80% de la population générale, hommes et femmes confondus.
Photo: Shutterstock
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Ellen De MeesterJournaliste Blick

On n'y pense quasiment jamais, puis, lors d'un simple frottis de routine, c'est le choc. Barbara Delmont (alias Mademoiselle B sur Instagram) a appris qu'elle était touchée par un papillomavirus humain (HPV) à l'âge de 25 ans. La créatrice de contenu a choisi de partager son expérience sur Instagram cet automne, dans le cadre d'une campagne de sensibilisation.

«Durant un contrôle annuel chez mon gynécologue, un prélèvement s'est avéré positif, nous explique-t-elle. Cela m'a évidemment inquiétée, car on pense toujours que ça n'arrive qu'aux autres. On ne se renseigne donc pas beaucoup et, finalement, quand ça nous tombe quand même dessus, on ne sait pas trop comment réagir.» 

Ce virus sexuellement transmissible, pouvant favoriser l'apparition de certains cancers, concerne environ 70 femmes sur 100 en Suisse, et 80% de la population générale, hommes et femmes confondus. Des chiffres impressionnants, bien que la plateforme infovac précise que l'infection provoque des lésions cancéreuses dans 6% des cas.

Différents types de cancers sont liés aux HPV

D'après MSD Santé, le cancer du col de l'utérus est la maladie la plus fréquente due aux HPV: chaque année, en Suisse, 5000 femmes en présentent des stades précoces, 250 personnes développent ce type cancer et 80 en meurent. L'OFSP rappelle en outre que l'infection peut aussi favoriser plusieurs autres maladies, dont le cancer anal, du pénis, ou des formes de cancers de la bouche et de la gorge. Une personne infectée sur dix peut également contracter des verrues génitales (ou condylomes), pas toujours visibles à la surface de la peau. 

À noter que dans la grande majorité des cas, les HPV disparaissent spontanément au fil du temps, bien que les contrôles de dépistage restent la seule manière de s'en assurer: en effet, l'infection est très souvent asymptomatique, chez les hommes comme chez les femmes. «Même les lésions précancéreuses causées par les HPV ne présentent la plupart du temps pas de symptômes et ne sont découvertes que lors d’examens préventifs», précise la plateforme dédiée d'MSD santé.

La prévention est aussi importante pour les hommes

Depuis le début de l'automne, plusieurs influenceuses romandes, dont Marion Kaelin, ont diffusé des messages de sensibilisation sur leurs réseaux sociaux, afin d'informer leurs communautés quant aux risques et aux possibles mesures de prévention, dont le dépistage. Suite à son frottis positif, Barbara a notamment subi une intervention en ambulatoire appelée conisation, destinée à retirer les dysplasies (modifications cellulaires du col de l'utérus) dues au HPV. Ce type d'intervention permet d'éviter que ces lésions ne se transforment en cancer au fil du temps: 

«Je n'aime pas les hôpitaux et je n'étais pas très enthousiaste de m'y rendre, raconte la créatrice de contenu. Mais il s'agissait d'une intervention assez simple et courte, donc je n'ai pas été très anxieuse. J'étais surtout contente que cela puisse se traiter facilement et rapidement. Je n'ai pas eu besoin d'être suivie régulièrement ensuite, il fallait simplement garder un œil dessus lors des check-up annuels.»

Comme une majorité de la population est touchée par le papillomavirus, il est important de rappeler que le HPV concerne autant les hommes que les femmes. Voici les méthodes de protection à disposition et les avancées (ou non), en termes d'équité: 

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Le vaccin contre le HPV

D'après l'OFSP, la vaccination à deux doses était de 71% chez les filles et de 49% chez les garçons, en 2021. Or, depuis janvier 2024, il s'agit aussi d'une vaccination de base pour les jeunes garçons, et d'une vaccination recommandée pour les hommes entre 20 et 26 ans.

«Même si le HPV est souvent asymptomatique chez les hommes et semble passer inaperçu, il reste capable de faire des dégâts, pointe le Dr Guillaume Altwegg, urologue FMH à Genève. C’est un peu comme un incendie invisible: il ne se voit pas, mais il peut sérieusement brûler. C’est pourquoi il est tout à fait pertinent que les garçons soient vaccinés, non seulement pour se protéger eux-mêmes, mais aussi pour protéger leurs partenaires. Une solidarité qui fait du bien à tout le monde, puisque le HPV est la principale cause de cancer du col de l'utérus.»

En effet, le spécialiste rappelle que la vaccination reste le meilleur bouclier contre les maladies causées par cette infection: «Le vaccin fait la guerre à certains des types les plus méchants de HPV. Alors, pas de honte à se faire vacciner! Soulignons aussi qu'il existe environ 200 sous-types de HPV et que seule une partie d'entre eux est vraiment dangereuse pour la santé. Un dépistage permet de les identifier.» 

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Les dépistages réguliers

«Le cancer du col de l'utérus est un cancer évitable, martèlent les HUG sur leur site. Grâce au dépistage précoce par frottis, ce cancer est aujourd'hui la 17e cause de décès par cancer chez les femmes en Suisse.» Réalisé lors des contrôles de routine chez le ou la gynécologue, ce type de contrôle est devenu presque banal pour la plupart des femmes. 

Or, ainsi que le déplore le Dr Altwegg, le dépistage est bien plus rare chez les hommes, alors que le HPV peut aussi se développer en silence dans leur organisme, être transmis aux partenaires sexuelles et provoquer des maladies: «Il est important pour les hommes de consulter leur médecin généraliste ou un urologue en cas d'apparition d'une ou plusieurs verrues dans la zone génitale ou péri-génitale», insiste notre intervenant. 

Face au risque de transmission, on peut se demander pourquoi des contrôles ne sont pas réalisés plus systématiquement chez les hommes: «Le dépistage requiert une communication et une confiance en un spécialiste qui pourrait le proposer, répond le Dr Altwegg. Il y a un manque de temps et de rémunération du côté des médecins généralistes, qui ne peuvent prendre le temps de discuter de la sphère sexuelle avec leurs patients.» 

Par ailleurs, l'expert constate une sensibilisation moins poussée du côté des hommes: «La majorité des campagnes se concentre sur les femmes et les hommes ne reçoivent pas de recommandations claires, en l'absence d'un protocole systématique comme le frottis chez les femmes Le dépistage est d'ailleurs plus difficile chez les hommes, car il peut parfois être invasif.» 

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Le préservatif

En l'absence de dépistages systématiques chez les hommes, il reste important de se protéger, durant les rapports sexuels. «Le HPV est un pro du contact direct, il se transmet par la peau et les muqueuses lors de relations sexuelles, qu'elles incluent une pénétration ou non, qu'elles soient orales ou autres, rappelle le spécialiste. Le virus est très contagieux: la majorité des personnes sexuellement actives le contracteront au moins une fois dans leur vie.»

Pour cette raison, notre intervenant souligne les effets protecteurs du préservatif, qui réduit considérablement le risque de transmission, «même s'il ne couvre pas 100% des zones susceptibles d'être touchées».

Les cas augmentent-ils?

Bien que les infections sexuellement transmissibles soient en hausse depuis quelques années, ainsi que le soulignait la RTS ce printemps, le Dr Altwegg recommande de ne pas paniquer: «Côté statistiques, on observe une augmentation des cas, mais c'est surtout parce qu’on en parle davantage et que la prévention commence à porter ses fruits. Pour les infections sexuellement transmissibles en général, elles suivent aussi une tendance à la hausse, mais cela vient essentiellement d'une meilleure éducation et à des contrôles plus fréquents.» 

Pour conclure, le spécialiste note que les villes à haute densité de population cosmopolitaine comme Genève, Londres ou encore Paris sont plus à risque. 

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