Des experts s'inquiètent
Un krach boursier menace-t-il après les niveaux record?

Si même le président de la banque centrale américaine, Jerome Powell, met en garde contre des cours des actions trop élevés, cela mérite d'être souligné. Que se cache-t-il derrière la course aux records à Wall Street? Et les craintes de krach sont-elles justifiées?
Publié: 18:32 heures
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A Wall Street, le Dow Jones a avancé de 0,51% à son plus haut historique.
Photo: imago/UPI Photo
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Nicola Imfeld

La fête continue à Wall Street, mais l'ambiance pourrait vite tourner. Les Bourses mondiales continuent de tutoyer les sommets vendredi: le Dow Jones a avancé de 0,51% à son plus haut historique, l'indice élargi S&P 500 a grappillé 0,01%, franchissant là aussi un nouveau palier, tandis que l'indice Nasdaq était arrivé à des records en clôture jeudi.

Des sommets atteints malgré les droits de douane imposés par Donald Trump, malgré le shutdown et malgré les tensions géopolitiques au Proche-Orient et en Europe. Depuis le début de l'année, le Nasdaq a par exemple gagné plus de 18%. En Suisse et en Europe, les indices boursiers sont également très forts – et à peine éloignés de leurs plus hauts historiques.

Une menace plane

Mais ceux qui font trop la fête un soir ont souvent la gueule de bois le lendemain. Pour éviter de déchanter, de plus en plus d'experts tirent la sonnette d'alarme. Et notamment Jerome Powell, président de la Réserve fédérale (Fed) des Etats-Unis: «A bien des égards, les cours des actions sont assez élevés.» A l'occasion d'un déjeuner de la Chambre de Commerce fin septembre, l'économiste a affiché sa prudence, dans un contexte difficile mêlant ralentissement économique, faiblesse du marché de l'emploi et inflation persistante.

Les investisseurs voient, eux aussi, des nuages noirs à l'horizon. Mark Spitznagel, fondateur, propriétaire et directeur des investissements d'Universa Investments, met en garde contre les parallèles avec la Grande Dépression de 1929. A l'époque, les cours avaient d'abord fortement augmenté avant de s'effondrer. Spitznagel, qui a gagné en 2015 plus d'un milliard de dollars en pariant contre le marché en une seule journée, est considéré comme le «Crash Guy» de Wall Street.

«Pas un scénario réaliste»

Mais tous ne partagent pas cet avis. Contacté par Blick, Roman Przibylla, expert en placements chez Maverix Securities, estime que «les records ne sont pas un argument pour la fin des hausses de cours». Selon lui, les revenus, les taux d'intérêt et la liquidité du marché sont bien plus décisifs. Malgré toutes les craintes liées aux droits de douane imposés par Trump, les entreprises continuent d'afficher des résultats positifs. Roman Przibylla se montre confiant. «Je ne vois pas actuellement de récession sévère des bénéfices, c'est-à-dire une forte baisse des bénéfices des entreprises.»

L'expert en placements ne croit donc pas à un krach boursier. «Historiquement, les nouveaux sommets sont plus souvent suivis d'autres sommets que de krachs», confie-t-il. Selon lui, il faut séparer les émotions des processus de marché. «Tant que les dynamiques des bénéfices et les liquidités restent stables, un crash n'est pas un scénario réaliste.» Une contre-réaction est toutefois possible, Roman Przibylla le sait aussi. «Une correction de 10% fait à tout moment partie du processus et ne serait pas non plus malsaine. Mais cela ne conduirait pas à un changement de tendance.»

Vers une grande révolution économique

Le plus grand thème à Wall Street est l'intelligence artificielle. Les entreprises injectent actuellement des sommes énormes dans l'IA et les investisseurs misent sur le fait que cette technologie sera à l'origine de la prochaine grande révolution économique. Selon Roman Przibylla, cela ouvre d'énormes opportunités aux investisseurs: une croissance durable de la productivité pendant des années et des bénéfices substantiels pour les entreprises qui fournissent les «outils» nécessaires au boom de l'IA. A savoir, entre autres, les fabricants de semi-conducteurs, les fournisseurs de cloud et de réseaux, les producteurs d'électricité ou les développeurs de logiciels spécialisés. Mais les risques existent, nuance l'expert en placements: «Des cycles d'investissement excessifs, une compression des marges due à une lutte des prix acharnée et des interventions réglementaires pourraient à tout moment freiner l'euphorie.»

Roman Przibylla compare le boom actuel de l'IA à l'introduction d'Internet et plus tard du cloud. «Il y a des phases d'exagération suivies d'une sélection. A long terme, les plateformes et les infrastructures restent les constantes.» Il reconnaît notamment un fort potentiel dans les entreprises qui permettent réellement l'utilisation massive de l'IA, que ce soit par la puissance de calcul, le stockage ou la mise à disposition d'énergie. Sans oublier les logiciels qui permettent véritablement de gagner en efficacité . «Si les coûts diminuent, le chiffre d'affaires augmente«, souligne l'expert.

«Les marchés aiment la stabilité»

Il est intéressant de constater que les cryptomonnaies, et notamment le bitcoin, ne bénéficient pas de la même effervescence que les marchés boursiers. «Le bitcoin réagit davantage à la liquidité mondiale, aux signaux réglementaires et aux facteurs internes d'offre et de demande», explique Roman Przibylla.

Il ajoute que les tensions géopolitiques jouent actuellement un rôle encore plus important. La guerre en Ukraine, les tensions entre Trump et Poutine et le non-respect des frontières de l'OTAN ont un potentiel d'escalade considérable. Certes, les marchés intègrent souvent les conflits dans leurs prix, mais chaque nouveau niveau d'escalade, par exemple dans les chaînes d'approvisionnement ou les prix de l'énergie, peut déclencher de vives réactions.

«Pour les portefeuilles, cela signifie: diversifier, diversifier et encore diversifier», dit-il. Avec Trump, la politique américaine est particulièrement dans la ligne de mire des Occidentaux. «La politique fixe le cadre, les bénéfices font monter les cours. Les marchés aiment la stabilité. Plus les orientations politiques sont précises, moins les fluctuations sont importantes.» Dans ce contexte, les revirements de Donald Trump n'aident évidemment pas.

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